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zenberg et du maréchal Blucher. S'il n'y réus sissoit pas entièrement, au moins devoit-il rendre cette jonction aussi lente que difficile, et forcer les deux armées à s'éloigner encore plus de sa capitale : tel eût été le plan de tout général habile et sage, dans des circonstances semblables; mais, emporté au-delà des bornes par ses passions et par des vues sinistres, Napoléon alloit se précipiter lui-même dans le piége qu'il tendoit à ses ennemis. Persuadé que son mouvement sur la droite du prince Schwartzenberg détermineroit ce général à se replier sur le Rhin pour conserver ses communications, espérant ainsi couvrir ses places fortes, soulever les peuples des Vosges et de la Lorraine, et se trouver dans une position plus favorable pour préserver sa capitale, il poussa ses têtes de colonnes au nord-est, en marchant de Sommepuis à Vitry-le-Français. Il n'ignoroit pas que trois à quatre mille Prussiens occupoient cette ville, et l'avoient mise à l'abri d'un coup de main, ce qui força son avantgarde de passer la Marne au gué de Fremicourt, à une lieue au-dessous de Vitry. Là il ordonne au maréchal Ney de se présenter devant la ville, et de sommer la garnison de se rendre, avec menace de la passer au fil de

l'épée si elle résiste. Le maréchal envoie aussitôt un parlementaire, et le charge de promettre au commandant, s'il capitule, de le laisser sortir avec armes et bagages; mais ni les promesses ni les menaces ne purent ébranler le colonel prussien enfermé dans Vitry, et il s'y maintint sans vouloir entendre à aucune proposition. Peut-être se seroit-il montré plus traitable si on l'eût attaqué de vive force, car Vitry ne pouvoit tenir long-temps. L'armée française s'attendoit que Napoléon ordonneroit l'assaut; mais, à la grande surprise des officiers et des soldats, il laissa Vitry derrière lui, et prit la route de Saint-Dizier. Presquè toujours les manoeuvres sont faites par l'avantgarde, ou la tête d'une armée; le reste suit ou conserve la ligne selon l'occurrence. Ici Napoléon poussa si loin son plan d'attirer à lui l'ennemi, qu'il s'exposa volontairement à la résolution hardie qu'alloient adopter les alliés.

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Quel motif a pu l'entraîner ainsi au-delà des limites qu'assignoit la prudence? Le plus noir dessein, celui de s'emparer et d'immoler à sa sombre inquiétude et à son pouvoir déchu, un prince, modèle de courtoisie et de bonté; en un mot, le sort du duc d'Enghien étoit réservé à S. A. R. MONSIEUR, comte d'Artois.

A peine étoit-il permis à ce prince de suivre ; presque seul, et de loin, les armées confédérées. Ne pouvant exercer, au sein même de la France, d'autres prérogatives que les bienfaisantes vertus, héritage sacré de ses ancêtres, S. A. R. gémissoit sur les dévastations et sur les ruines qu'avoit ordonnées Napoléon; ses mains royales secouroient les conscrits blessés, essuyoient les larmes des paysans qui s'attroupoient autour de sa personne auguste. Là, se bornoient son influence et son pouvoir. Cependant le seul bruit de sa présence avoit réveillé dans l'âme des royalistes de la Lorraine d'anciens sentimens de fidélité et d'amour. Une députation des magistrats et des principaux habitans de Nancy avoit pris la résolution de se rendre à Vesoul auprès de MONSIEUR, pour solliciter avec les plus vives instances S. A. R. de se mettre à leur tête. Le plus noble enthoúsiasme régnoit dans les provinces de Lorraine, de Franche-Comté et de Bourgogne en faveur des Bourbons, et Nancy étoit à la veille de présenter, sinon des scènes aussi éclatantes, du moins les mêmes résultats que venoit d'offrir Bordeaux. La cocarde blanche avoit été arborée : déjà même on entendoit les acclamations de vive le Roi! vive Louis XVIII! vivent

les Bourbons! Aucun partisan de Buonaparte n'osoit élever la voix. S. A. R. alloit partir de Vesoul pour Nancy, et combler ainsi les vœux que manifestoient les principaux habitans de cette ville. Napoléon en est informé par ses émissaires au même moment où il reçoit le courrier, porteur de la nouvelle que Bordeaux vient de secouer le joug de sa domination. Aussitôt la colère et la vengeance enflamment ce cœur endurci et déjà brisé par les revers. Cé fut alors, dit-on, qu'il donna l'ordre à un corps de cavalerie commandé par le général de division Piré, de se porter vers Chaumont, et d'arrêter sur la route tous les courriers toutes les estafettes, toutes les voitures qui sortiroient de Vesoul. Le 25 mars, le général Piré arrive par des marches forcées près de Chaumont, et y pénètre, trouvant sur sa route, parmi des paysans aigris par des pertes récentes un appui et des auxiliaires dans l'exécution des ordres que lui a prescrits son maître. Ayant ainsi coupé la ligne de communication de l'ennemi, ce général parvient à intercepter plusieurs personnages marquans, tels que le baron de Wissemberg, ministre d'Autriche en Angleterre, venant de Londres avec le comte Palfi son secrétaire de légation; le lieutenant-général

suédois, Schiol de Brand, ministre de Suède auprès de l'empereur de Russie; le conseiller de guerre prussien, Peguilhen, et MM. de Tolstoi et de Marcof, officiers d'ordonnance russes, állant en mission à différens quartiers-généraux alliés. L'enlèvement de ces personnages et de leurs papiers étoit d'une grande importance; toutefois Napoléon ne pouvoit être satisfait, tant qu'il n'auroit pas en son pouvoir l'auguste frère d'un roi dont il occupoit le trône; mais le temps des crimes politiques expiroit: la Providence veilloit à ce que l'affreux projet de Napoléon ne pût s'accomplir, et ce fut elle qui, au milieu même de cette horrible tentative, voulut que le bras de la justice éternelle préparât son châtiment.

Déjà il marchoit vers Saint-Dizier comme pour se diriger de là sur Nancy, tandis que la grande armée alliée, 'après avoir passé le 22 sur la rive droite de l'Aube, suivoit dans la direction de Vitry le mouvement de l'armée française. Le général comte de Wrede et le prince royal de Wurtemberg, formant l'avantgarde avec les Wurtembergeois et les Bavarois, cherchoient à intercepter la marche de l'arrière-garde de Napoléon, mais sans pouvoir réussir. Les troupes légères des alliés vol

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