Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Napoléon à Béry-au- Bac, et qu'introduit en sa présence, il le supplia, au nom de l'empereur, son maître, de donner les mains à un arrangement praticable, attendu qu'un refus obstiné forceroit l'empereur François de le laisser à la merci des puissances alliées, qui, pour éviter une guerre nationale, rappelleroient en France les princes de la maison de Bourbon. A ces mots, Napoléon garda un instant le silence, mais dans un état d'irritabilité sensible; puis il s'écria, dit-on : « Je ne crains » pas ce vain épouvantail!...... Peut-être me » forcerez-vous à une paix désavantageuse; » mais il seroit plus de l'intérêt de l'Autriche » de me l'accorder telle que je la veux; car, s'il » en étoit autrement, je serois forcé, dans dix» huit mois, de repasser le Rhin. » Là finit la conférence. Selon la même version, l'empereur d'Autriche, indigné de voir s'évanouir ainsi tout espoir de paix par l'inflexibilité de son gendre, s'écria : « Eh bien, il cessera de >> régner!»

Je n'affirmerai pas ces particularités; mais j'ai dû les recueillir, parce qu'elles paroissent vraisemblables, et qu'elles ont acquis d'ailleurs úne certaine consistance dans l'opinion publique.

Quoi qu'il en soit, le 15 mars enfin, le plénipotentiaire français produisit au congrès le contre-projet de son maître. Qu'on juge, par les prétentions qu'élevoit Napoléon dans une pareille crise, qu'on juge de l'ambition insatiable de cet ennemi de l'espèce humaine!

Il demandoit la ligne du Rhin: Anvers, Flessingue, Nimègue, et une partie de la ligne du Waal; il demandoit l'Italie pour son fils Eugène Beauharnais, y compris Venise; il n'exigeoit pas que la Hollande fût rendue, mais il vouloit que l'indépendance de ce pays fût purement nominale. Outre ces énormes prétentions, il réclamoit des indemnités pour différens membres de sa famille; savoir, pour Joseph Napoléon, en compensation de la perte du royaume de Naples; pour Jérôme Napoléon, en dédommagement du royaume de Westphalie; pour Napoléon Louis, qu'il avoit créé grand-duc de Berg; et enfin pour Eugène Beauharnais, en faveur de ses droits au grand-duché de Francfort.

Cet ultimatum impérieux révolta les plénipotentiaires et les ministres des alliés. « Ainsi, » dirent-ils, les malheurs de la France n'ont » pu changer les vues de son chef; revenant » lui-même sur ce qu'il a proposé après la dé

» faite de Brienne, il exige que des peuples » étrangers à l'esprit français, des peuples >> que des siècles de domination ne pour» roient fondre dans la nation française, con» tinuent à en faire partie; en dépit de la force » et de la raison, il veut que la France con» serve des dimensions incompatibles avec » l'établissement d'un système d'équilibre et » hors de toute proportion avec les grands » corps politiques de l'Europe; il veut garder » les positions et les points offensifs, au moyen desquels il a, pour le malheur de l'Europe » et de la France, amené la chute de tant de » trônes, et opéré tant de bouleversemens. » Quoi! des membres de cette famille insulaire, » le fléau, le désespoir du continent, resteroient >> encore placés sur des trônes étrangers? Quoi! >> le gouvernement de Napoléon qui, depuis >> tant d'années, n'a pas moins cherché à régner » sur l'Europe par la discorde que par la force » des armes, resteroit encore l'arbitre du sort >> des puissances de l'Europe? Non, à moins que l'Europe ne se soumette à être bouleversée à jamais, ces conditions humiliantes doivent être rejetées. Ce n'est point ici une guerre ordinaire; il ne s'agit pas seulement de la possession » de telle ou telle portion de territoire, de tel

[ocr errors]

>>

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» ou tel droit particulier; les alliés défendent la >> cause européenne. Il est temps que les nations >> reprennent leur énergie; que les peuples » accablés, épuisés, renoncent à une alliance, » ou plutôt à une soumission destructive de la » civilisation. La politique des Etats peut » flotter quelque temps au gré des passions » humaines; mais ces écarts ne sont que mo» mentanés, et tôt ou tard, tout doit reprendre » la route tracée par l'expérience et par la » sagesse. Ne souffrons donc pas qu'un despote orgueilleux morcèle les Etats, les distribue » selon ses caprices, les anéantisse enfin les » uns après les autres, en les assujétissant à sa >> domination arbitraire. Rétablissons le droit » des gens européen, et un équilibre politique qui puisse assurer le repos du » monde civilisé. Tel sera le grand avantage » du système connu sous le nom de balance ou >> de contre-poids, système incompatible avec » la prépondérance de Napoléon. Pourroit-il » exister jamais, avec ce tyran, aucune paix » durable, aucune paix morale fondée sur la » bonne foi? En supposant même qu'il sortît » de ce rêve d'ambition qui l'a si long-temps » livré aux illusions, qu'il cessât un moment » d'être le perturbateur du repos du monde,

دو

[ocr errors]

quelle seroit la puissance, quel seroit le peuple qui oseroit se reposer sur un traité » conclu avec un homme qui n'inspire que » soupçons et méfiance? N'est-ce pas lui qui » a érigé la guerre en une calamité physique » sans terme et sans but moral? C'est contre » ce système horrible de carnage et de déso»lation que réclament l'humanité, la raison >> et la justice.

» En continuant la négociation sous de tels auspices, les cours alliées manqueroient à » tout ce qu'elles se doivent; elles renonce>> roient au but glorieux qu'elles se proposent, » et leurs efforts ne seroient plus tournés que » contre leurs peuples mêmes; en signant un >> traité sur les bases du contre-projet de Napo» léon, les puissances déposeroient les armes » entre les mains de l'ennemi commun; elles tromperoient l'attente des nations et la con>> fiance des alliés. >>

>>

Ces considérations l'emportèrent, et le congrès fut dissous. « L'histoire, a dit depuis le » meilleur des rois (1), l'histoire rappellera à » jamais que c'est dans les murs de Châtillon

>>

(1) Réponse de S. M. Louis XVIII à la députation de la yille de Châtillon-sur-Seine.

« ZurückWeiter »