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l'infanterie sur la gauche. En vain ces troupes font une belle résistance, elles sont accablées par une nombreuse cavalerie. Le général polonais Krasinski tournoit aussi l'ennemi et la ville par la route de Béry-au-Bac. Pressés en même temps sur le centre et sur la droite, les Russes, craignant d'être coupés de leurs communications, se retirent en désordre à travers la ville, pour gagner précipitamment les routes de Laon et de Châlons.

Une semblable retraite, devant une cavalerie si supérieure, ne put s'effectuer sans perte; sept canons prussiens, un canon russe, et un grand nombre de soldats, tombèrent au pouvoir des français sur la route de Béry-au-Bac. Le reste des fuyards parvint à gagner Neuchâtel; mais l'entrée de Reims étoit toujours défendue par un détachement d'infanterie. La porte disputée étant barricadée, la résistance et la mousqueterie se prolongèrent jusqu'à neuf heures du soir.

Impatient de compléter la victoire, Napoléon fit proposer enfin une capitulation au petit nombre de soldats ennemis qui prétendoient encore défendre Reims : ils se retirèrent aussitôt ; et à trois heures du matin, le vainqueur y fit son entrée. C'étoit son dernier triomphe.

Cette journée brillante ne lui avoit coûté que peu de sang,, et lui rendoit la possession d'une ville importante; elle offroit pour résultats la prise de plusieurs pièces de canon, beaucoup de voitures d'artillerie et de bagages, et deux à trois mille prisonniers faits sur la route et dans la ville même. Toutefois, la grande majorité des bataillons russes et prussiens rejoignit le feld-maréchal Blucher aux environs de Laon (1).

Il n'étoit pas surprenant sans doute qu'une armée de braves eût vaincu quinze mille ennemis surpris et entourés; mais on devoit s'étonner qu'après avoir essuyé à Laon un fâcheux échec, cette armée n'eût pas été suivie d'assez près par l'armée de Silésie, plus nombreuse, et dont la présence seule auroit épargné aux Russes la défaite de Reims.

Napoléon l'exalta dans sa relation officielle. Ainsi le plus grand exploit dont il put se glorifier alors, étoit d'avoir repris une ville de France à trente-trois lieues de Paris! N'avoit-il pas recouvré de même Soissons, Troyes Nogent, Sens, Arcis et Bar-sur-Aube? Mais à peine quittoit-il une de ces villes, qu'elle

(1) Voyez Pièces justificatives, No. XLVII.

retomboit au pouvoir d'un ennemi persévérant et nombreux. On voyoit se rétrécir graduellement le théâtre des hostilités. Si Napoléon parvenoit à surmonter un danger, il s'en présentoit un autre plus difficile à vaincre. Cette guerre terrible rappeloit en quelque sorte la fable de l'hydre aux têtes renaissantes. Mais le moindre succès enfloit l'orgueil de Napoléon, et celui de Reims lui offrit l'occasion de faire une sorte d'appel impie à cette justice éternelle, qu'il insultoit si souvent, et dont il étoit lui-même à la veille d'éprouver toute la puissance. Par un nouvel essai de charlatanisme, son bulletin daté de Reims annonça que le coup de canon qui venoit de frapper le général Saint-Priest étoit parti de la même batterie qui avoit tué devant Dresde l'infortuné Moreau. Ainsi le canon devenoit la providence de Buonaparte pour châtier les Français ennemis de sa cause.

Reims fut pendant trois jours le centre de ses opérations; trois corps d'armée s'établirent sur les trois grandes routes qui aboutissent à cette ville, afin de la préserver de toute surprise, ainsi que l'armée elle-même. Le maréchal duc de Raguse prit position à Béry-au-Bac, sur la route de Laon, tandis que le maréchal Ney

marchoit vers Châlons-sur-Marne. Soissons resta occupé par le maréchal duc de Trévise; mais les communications n'étoient pas tout à fait libres entre cette dernière ville et Reims. Napoléon séjourna le 14, le 15 et le 16 mars à Reims, dans l'attente du résultat des conférences de Châtillon, dont le délai venoit d'être prorogé de peu de jours. Les bruits de paix, dans ce court intervalle, s'étoient renouvelés et accrédités à l'armée, tellement qu'on ne doutoit plus, aux états-majors, que le traité ne fût signé ; on se flattoit même d'en recevoir, d'un instant à l'autre, la confirmation par la voie de Paris.

C'étoit le to mars que le plénipotentiaire de Napoléon avoit dû produire au congrès l'ultimatum ou contre-projet de son maître; mais soit qu'il attendît toujours le gain d'une bataille, soit qu'il ne cessât d'invoquer l'intervention particulière de l'Autriche, soit enfin qu'il n'eût pas encore reçu l'ultimatum, ce qui n'est guère présumable, il ne produisit, le délai expiré, que des pièces dont la discussion, loin de rapprocher du but, ne faisoient que prolonger de stériles négociations. A sa demande pourtant, un nouveau délai fut accordé jusqu'au 15 mars. Ce court intervalle, M. de

Caulaincourt le passa dans le continuel espoir d'un succès qui plaçât son maître dans une situation plus favorable; mais la marche de l'armée française sur Laon, et les inutiles tentatives de Napoléon pour emporter cette position formidable avoient eu les plus fâcheux résultats, non-seulement pour le moral des troupes françaises, mais encore pour le cours des négociations.

Le cabinet autrichien n'attendoit, dit-on, que l'événement de Laon pour se décider à la paix; et il l'auroit couclue; peut-être, si, le lendemain de la journée de Craonne, Napoléon, en portant son armée sur Soissons, y eût attendu l'effet de ses dernières propositions de paix; mais les revers éprouvés à Laon détruisirent, aux yeux des alliés, les avantages de la bataille de Craonne, et commencèrent même à les éclairer sur le peu de forces réelles de l'armée française, forces qu'ils n'avoient pas bien connues jusqu'alors.

On assure que l'empereur d'Autriche, frappé de cette inutile expédition et de la position difficile de son gendre, lui dépêcha de nouveau le prince Wenzel Lichtenstein, croyant le moment venu de l'amener enfin à la paix; on ajoute que le prince Wenzel rencontra

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