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la plus grande somme d'erreurs. Ce qui est bien certain, quant au fait présent, c'est que M. de Pradt avait la pleine et entière conviction que la prolongation des troubles de Paris, n'eus. sent-ils continué que trois jours encore, donnait dans les contrées qu'il habitait alors, et qu'il connaît très bien, ouverture à une perturbation populaire, dont aucun pouvoir ne peut diriger, arrêter le flot ni guérir les ravages quelques fusillés, à la suite de l'ouragan, ne guérissent pas les victimes qu'il a fait; et puisque M. de Pradt a acquis à ses dépens le droit de parler clair, sans cet argot si cher et si propice à tant d'autres, il dira qu'il a toujours pensé, qu'à titre de prêtre et de noble, malgré son libéralisme, il avait un double tribut à payer à ces perturbations, et qu'il ne lui était pas plus réservé d'en éviter le paiement, que celui qu'il a été sommé d'acquitter à la Cour d'assises.

C'est sous ces inspirations que M. de Pradt avait écrit. M. Savoye-Rollin avait dit : J'ai voté pour éviter la guerre civile. Eh bien ! M. de Pradt avait écrit pour éviter quelque chose de pis que la guerre civile, une perturbation populaire; car M. de Pradt n'est pas assez dénué de sens pour croire à la possibilité d'une guerre civile en France; mais il croit et beau

coup,

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à celle des perturbations populaires malheur ignoble, plus fatal que celui des guerres civiles, qui tout hideuses et funestes qu'elles soient, cependant peuvent n'être pas dépourvues, comme l'atteste l'Histoire, de quelque dignité, ni s'opposer au développement de hauts caractères, et même de vertus, dont il faut déplorer l'emploi, mais ne pas méconnaître l'existence. Pendant qu'on accusait à Paris M. de Pradt d'exciter à la guerre civile, il employait dans son pays ses moyens d'influence pour prévenir ces perturbations qui lui inspirent un si légitime effroi. Il en a été victime en 1789 et en 1792 il n'a pas la moindre envie de se retrouver vis-à-vis d'elles en 1820 et années suivantes. A Paris on est à l'abri de tout cela, et l'on juge les autres comme s'ils y étaient aussi.

L'ouvrage parut le 15 juillet: l'auteur accusait la lenteur de l'imprimeur; il avait espéré paraître avant la sanction de la loi. A la seule inspection de l'ouvrage, on le juge ouvrage de circonstance, surtout dans sa partie inculpée. La partie permanente précède celle-ci : c'est celle qui traite de l'aristocratie, sujet neuf, tableau vrai, tracé avec des égards et des ménagemens auxquels l'aristocratie n'est pas accoutumée, et qu'ellemême n'emploie guère. Les chapitres de la

législation, de la royauté, de l'initiative, du ministère, de la dynastie, du gouvernement occulte, forment le corps de l'ouvrage, et dénotent les intentions de l'auteur avec une évidence qu'il croyait capable de faire éprouver aux autres le même sentiment qu'il éprouvait lui-même en les traçant. Jamais il n'avait écrit avec plus de cette sécurité qui naît du sentiment de l'innocence des intentions. Le chapitre de la dynastie tout seul, devait servir comme de paratonnerre à son ouvrage, et à ce qui pouvait s'y rencontrer de défectueux : il devait être protecteur pour lui comme il l'est, s'il n'y a pas de témérité à s'exprimer ainsi, pour la dynastie elle-même car jamais rien de plus vrai, de plus formel, de plus salutaire pour elle n'a encore été écrit, et quand M. de Pradt le composait avec autant de rapidité que de vérité, et de désir de servir, il tendait à ramener les esprits étrangement égarés de tous les côtés sur cette question. Le chapitre sur le gouvernement occulte fut composé dans la même intention. M. de Pradt saisit cette occasion de rendre une éclatante justice aux illustres victimes d'une des plus horribles déceptions dont le souvenir ait souillé l'Histoire : il a voulu fixer le jugement de la postérité sur ce fait historique; il a bravé,

pour le faire, la défaveur attachée à contrarier l'opinion d'un parti dans un moment donné; it a montré par là son impartialité; mais le système des compensations n'existe pas en sa faveur, et il ne lui est pas plus donné de faire reconnaître le sens de ce qu'il écrit en 1820, que le prix de ce qu'il faisait en 1814, lorsque pendant trois mois il exposa sa vie pour amener la restauration que l'état de son pays lui montrait indispensable, pas plus qu'il n'a été tenu compte pour lui des exils et du dépouillement que lui valut le 20 mars 1820.

Quand les passions seront calmées, quand dans son action continue, le temps aura placé l'ouvrage de M. de Pradt dans ce lointain qui donne la perspective véritable des objets, on s'étonnera de la facilité avec laquelle on l'a incriminé, de provocation à la désobéissance aux lois, d'attentat formel à l'autorité constitutionnelle du Roi et des Chambres, et d'excitation à la guerre civile: ce sont trois grandes choses que ces crimes: il faut beaucoup d'imprudence ou de perversité pour y penser et pour en provoquer les redoutables résultats sur soi comme sur les autres, il faut être bien puissant pour en attendre quelque chose souvent pour savoir ce que veut un homme, surtout s'il est doué de quelque

sens,

il serait bon de commencer par demander ce qu'il peut, et ce serait dans son pouvoir réel,

encore plus que dans ses paroles mêmes, que l'on en trouverait le sens. L'Histoire se trouvera parfaitement d'accord avec la Cour d'assises, sur la nature de l'ouvrage de M. de Pradt, et, confirmant son jugement, elle maintiendra qu'il ne contenait rien de ce qui l'a fait traduire devant les tribunaux. Quelques phrases chaleureuses, quelques expressions respectueuses pour des choses peu recommandables, quelques coups de pinceau trop vrais pour n'être pas ressentis vivcment, mais placés à côté de l'expression du respect pour tout ce que le devoir prescrit de respecter, a côté même des ménagemens offerts à ceux que l'on frappe d'une main, en les relevant de l'autre, ne constituent pas les crimes qui exposent un citoyen dont l'existence toute entière est comme une protestation continuelle contre la possibilité de ces mêmes crimes, à subir la perte de l'honneur, de la liberté, de tout ce qui constitue l'existence honorable dans un monde civilisé. En voyant la légèreté et la dureté avec laquelle les hommes se traitent mutuellement, on trouve que la société vend cher ses avantages, et l'on se demande quels dédommagemens elle a préparés à ceux qu'elle fait descendre d'un haut rang, sur un

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