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CHAPITRE.VI.

Voyage du marquis de Bouillé en Angleterre. - Accueil flatteur et témoignages honorables qu'il y reçoit. Conversations sur l'état de ce pays avec Louis XVI et ses principaux ministres.

Prétentions et projets de l'empereur Joseph II. — Voyage du marquis de Bouillé en Prusse par la Hollande. Députation que lui adresse la ville d'Amsterdam. Camp de Silésie. Le grand Frédéric. - Conversations de ce monarque.

1783-1784.

Après six années d'épreuves de divers genres, M. de Bouillé sentait le besoin du repos pour réparer sa santé délabrée. Il alla donc presque aussitôt chercher un soulagement aux bains d'Aix-la-Chapelle, puis à Spa, où la bonne compagnie de l'Europe semblait alors se donner rendez-vous. Parmi les Anglais qui y affluaient, deux hommes remarquables, lord Thurlow, ancien chancelier, et lord Shelburn, depuis marquis de Lansdowne, deux fois ministre d'État et qui venait de conclure la paix, furent, de la part de M. de Bouillé, les principaux objets d'une attention naturellement réciproque, et bientôt transformée en confiante et durable amitié avec le dernier.

De retour à Paris, Bouillé y trouva ample matière à exercer son esprit d'observation, et fut d'abord, pour

ainsi dire, saisi de surprise. Durant sa longue absence, les usages, le ton, les manières avaient tellement changé qu'il ne comprenait pas sans difficulté tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il entendait. Jeune encore, comblé des grâces et des bontés du roi, entouré de l'estime et de la considération publiques, jouissant d'une position qui ne lui laissait rien à désirer, il pouvait attendre patiemment que les circonstances vinssent le mettre dans le cas de rendre de nouveaux services à son pays et lui fournir de nouvelles occasions de gloire. Mais, promptement fatigué de vivre au milieu d'un tourbillon de frivolité, et pressé par la sérieuse envie de connaître et de comparer, il forma le projet de voyager dans diverses contrées de l'Europe, en commençant par l'Angleterre, dont la situation politique présentait en ce moment un spectacle du plus haut intérêt. A la suite d'une guerre malheureuse qui avait affranchi ses colonies d'Amérique, diminué sa population, abaissé sa marine, ébranlé son commerce et réduit ses finances aux seules ressources du crédit public dont, il est vrai, la vigueur subsistait en dépit de la durée et de l'inégalité de la lutte, ce pays éprouvait en outre de graves embarras intérieurs. Un parti ardent, maître de la chambre des communes, tourmentait le gouvernement et attaquait la prérogative royale, soutenue dans sa résistance opiniâtre par le concours des pairs et par l'appui de l'opinion presque générale des provinces.

La dissolution du parlement, jugée nécessaire par la cour pour sortir de cet état d'antagonisme, fut en conséquence prononcée le 25 mars 1784; et l'Angleterre

entière s'émut à l'approche de nouvelles élections. Celle de Westminster tirait une importance particulière de la candidature du célèbre Charles Fox, adversaire du cabinet. M. de Bouillé, en voyageur avide d'enseignements, assistait dans une tribune (1 avril), avec plusieurs autres étrangers, à la première de ces assemblées électorales tenue à Guild-Hall. L'ayant aperçu tout à coup, l'un des compétiteurs, M. Watson, qui haranguait le peuple, s'interrompit, et, dans une digression inattendue, dit qu'il croyait « devoir rendre <«< hommage au marquis de Bouillé, témoin de cette

séance, qui, en remplissant ses devoirs envers son « roi et son pays, avait protégé les propriétés des An<< glais et s'était acquis des droits à leur reconnaissance << par l'humanité et la générosité dont il avait usé en« vers eux. » Tous les yeux se tournèrent aussitôt vers M. de Bouillé, et des applaudissements unanimes suivirent ce compliment, flatteur comme le sont pardessus tout les éloges provenant d'ennemis que l'on a combattus avec succès.

Cette distinction ne fut pas la seule qu'il obtint alors de la nation dont il était l'hôte passager. Les planteurs et les négociants intéressés dans le commerce des îles anglaises conquises pendant la guerre, réunis le 11 mars à London Tavern, résolurent d'une commune voix de lui donner un gage public de « l'estime et de « la vénération que leur avait inspirées sa noble con<«< duite, et de lui présenter, faible mais juste témoi«gnage de gratitude, une pièce d'argenterie sur la<< quelle seraient gravées la substance de cet arrêté et « l'expression de leurs sentiments. » Un comité fut

chargé en même temps de « l'inviter à dîner pour le << jour qu'il lui conviendrait de fixer, et à amener ceux « de ses amis et de ses compatriotes qu'il voudrait « choisir. » Ce banquet, auquel assistait l'ambassadeur de France, eut effectivement lieu le 27 mars1; mais M. de Bouillé refusa l'offre du présent magnifique

(1) Voir la Gazette de France du 13 avril 1784, article de Londres du 2 avril.

On lit également dans l'Annual Register, etc. for the years 1784 and 1785, Chronicle, page 183:

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■ March 11th. At a meeting of the gentlemen interested in the island of Grenada, the Grenadines, St-Vincent, Dominica, Tabago, St-Christopher, Nevis and Mountserrat, held at the London Tavern, . sir William Young, bart. in the chair:

Resolved unanimously that this meeting impressed with the ⚫ deepest sense of gratitude for the humanity, justice and generosity exemplarily displayed by his excellency M. le marquis de • Bouillé, in his several conquests and chief command over the ⚫ above islands, during the late war, beg leave to offer to his excellency this public testimony of their veneration and esteem.

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• Resolved that a committee consisting of sir William Young bart., lieutenant-général Robert Melville, William Woodley, esq.; Richard Neove, esq.; Walter Nisbet, esq.; Robert Udney, esq.; John Anthony Rucher, esq.; do wait upon his excellency with a copy of theese proceedings, and request that he will honour this ⚫ meeting with his company to dinner at this place, on such a day as may be most agreable to him to appoint, with such of his ⚫ friends and countrymen as he may please to introduce.

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. Resolved that a piece of plate be presented to M. le marquis • de Bouillé, in the name and on behalf of this meeting, as a small but grateful tribute due to his magnanimity and justice, and that the above committee do cause the said piece of plate be prepared, and to have suscribed thereon the substance of the first resolution.

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A copy of the above proceedings being presented by the com

qu'on lui destinait, et ne voulut accepter qu'une épée et une plaque du Saint-Esprit en acier1. L'exemple du commerce de Londres fut suivi par celui de Glascow, qui fit remettre au marquis de Bouillé une paire de pistolets richement travaillés, et portant, ainsi que l'épée, l'inscription la plus honorable 2.

Ces sentiments étaient généralement partagés par la nation; et les classes les plus élevées de la société les témoignèrent par l'empressement de leurs égards et par la prévenance de leurs attentions envers M. de Bouillé. Lorsqu'il fut présenté à la cour, le roi l'accueillit avec une haute distinction, et la reine eut la bonne grâce de lui dire, au sujet des manifestations de

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mittee to M. le marquis de Bouillé, his excellency was pleased to make the following reply:

• Gentlemen,

. I return you my acknowledgements for the very great and distinguished honour you have done me, of which I entertain the war

• mest sense.

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My conduct towards the West-India colonies wich fell by the fate of war under the dominion of France was such as not only flowed from the examples of magnanimity and justice given by « my sovereign, but was the natural result of that high esteem and consideration which I have allways held for a nation so res

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pectable and renowned as that of Great Britain. I cannot therefore

but wholly attribute the value you are pleased to set on my ac⚫tions to the generosity of your sentiments, of which I shall preserve - a constant remembrance..

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(1) L'une et l'autre du travail le mieux fini. Le fourreau de l'épée porte ces mots gravés. Presented by british subjects interested in the • West-Indian Islands to the marquis de Bouillé in honour of a brave and generous enemy. London, april 1784. »

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(2) To his excellency the marquis de Bouillé, from the chamber of commerce in Glascow, in testimony of his magnanimity in the West" Indies. »

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