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Parmi les tribus dont se composait la confédération franke, un certain nombre se trouvaient placées plus avantageusement que les autres pour l'invasion du territoire gaulois. C'étaient les plus occidentales, celles qui habitaient les dunes voisines de l'embouchure du Rhin. De ce côté, la frontière romaine n'était garantie par aucun obstacle naturel; les forteresses étaient bien moins nombreuses que vers le cours du HautRhin; et le pays, coupé de marécages et de vastes forêts, offrait un terrain aussi peu propre aux manœuvres des troupes régulières qu'il était favorable aux courses aventureuses des bandes germaniques. C'est en effet près de l'embouchure du Rhin que sa rive gauche fut pour la première fois envahie d'une manière durable, et que les incursions des Franks eurent un résultat fixe, celui d'un établissement territorial, qui s'agrandit ensuite de proche en proche. Le nouveau rôle que jouèrent dès lors, comme conquérants territoriaux, les Franks de la contrée maritime, leur fit prendre un ascendant marqué sur le reste de la confédération. Soit par influence, soit par force, ils devinrent population dominante; et leur principale tribu, celle qui habitait, vers les bouches de l'Yssel, le territoire appelé Saliland, ou pays de Sale, devint la tête de toutes les autres. Les Saliskes, ou Saliens, furent regardés comme les plus nobles d'entre les Franks; et ce fut dans une famille salienne,

celle des Merowings, ou enfants de Merowig, que la confédération prit ses rois, lorsqu'elle eut besoin d'en créer'.

Le premier de ces rois, dont l'histoire constate l'existence par des faits positifs, est Chlodio; car Faramond, fils de Markomir, quoique son nom soit bien germanique et son règne possible, ne figure pas dans les histoires les plus dignes de foi. C'est au nom de Chlodio que se rattachèrent, dans les temps postérieurs, tous les souvenirs de la conquête. On lui attribuait à la fois l'honneur d'être entré le premier sur le territoire des Gaules et celui d'avoir porté jusqu'au bord de la Somme la domination des Franks. Ainsi l'on personnifiait en quelque sorte les victoires obtenues par une succession de chefs dont les noms demeuraient dans l'oubli, et l'on concentrait sur quelques années des progrès qui avaient dû être fort lents, et mêlés de beaucoup de traverses. Voici de quelle manière ces événements sont présentés par un historien rempli de fables, mais qui paraît être l'écho fidèle des traditions populaires :

« Les éclaireurs revinrent et rapportèrent que la

'Il est probable que le nom de Merowings ou Merovingiens est d'une date antérieure à l'existence de Merowig ou Mérovée, successeur de Clodion. Ce nom paraît avoir appartenu à une ancienne famille extrêmement nombreuse, et dont les membres étaient répandus sur tout le territoire des Franks saliens. On trouve même dans les documents du sixième siècle des passages où il paraît désigner la masse entière des tribus saliennes.

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» Gaule était la plus noble des régions, remplie de » toute espèce de biens, plantée de forêts d'arbres » fruitiers; que c'était une terre fertile, propre à >> tout ce qui peut subvenir aux besoins des hommes. » Animés par un tel récit, les Franks prennent les >> armes et s'encouragent, et, pour se venger des injures qu'ils avaient eu à souffrir des Romains, ils >> aiguisent leurs épées et leurs cœurs ; ils s'excitent >> les uns les autres par des défis et des moqueries à ne plus fuir devant les Romains, mais à les exter» miner. En ces jours-là les Romains habitaient de» puis le fleuve du Rhin jusqu'au fleuve de la Loire; et depuis le fleuve de la Loire jusque vers l'Espagne » dominaient les Goths; les Burgondes, qui étaient » ariens comme eux, habitaient de l'autre côté du » Rhône. Le roi Chlodio ayant donc envoyé ses cou>> reurs jusqu'à la ville de Cambray, lui-même passa » bientôt après le Rhin avec une grande armée. En» tré dans la forêt Charbonnière, il prit la cité de Tournay et de là s'avança jusqu'à Cambray. Il y » résida quelque temps et donna ordre que tous les >> Romains qui y furent trouvés fussent mis à mort » par l'épée. Gardant cette ville, il s'avança plus >> loin et s'empara du pays jusqu'à la rivière de

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» Somme '... »

'Gesta Francorum per Roriconem; apud script. rerum francicarum, tom. I, p. 4.

Ce qu'il y a de plus curieux dans cette narration, c'est qu'elle retrace d'une manière assez vive le caractère de barbarie empreint dans cette guerre, où les envahisseurs joignaient à l'ardeur du pillage la haine nationale et une sorte de haine religieuse. Tout ne se passa pas d'une manière si régulière; et le terrain de la seconde province belgique fut plus d'une fois pris et repris avant de rester au pouvoir des Franks. Clodion lui-même fut battu par les légions romaines et obligé de ramener ses troupes en désordre vers le Rhin ou au-delà du Rhin. Le souvenir de ce combat nous a été conservé par un poète latin du cinquième siècle '. Les Franks étaient arrivés jusqu'à un bourg appelé Helena, qu'on croit être la ville de Lens. Ils avaient placé leur camp, fermé par des chariots, sur des collines près d'une petite rivière, et se gardaient négligemment à la manière des Barbares, lorsqu'ils furent surpris par les Romains sous les ordres d'Aétius. Au moment de l'attaque ils étaient en fêtes et en danses pour le mariage d'un de leurs chefs. On entendait au loin le bruit de leurs chants, et l'on voyait la fumée du feu où cuisaient les viandes du banquet. Tout à coup les légions débouchèrent, en files serrées et au pas de course, par une chaussée étroite et un pont de bois

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Sidonii Apollinaris carmina; apud script. rerum francic., tom. 1, p. 802.

qui traversait la rivière. Les Barbares eurent à peine le temps de prendre leurs armes et de former leurs lignes. Enfoncés et obligés à la retraite, ils entassèrent pêle-mêle, sur leurs chariots, tous les apprêts de leur festin, des mets de toute espèce, de grandes marmites parées de guirlandes. Mais les voitures avec ce qu'elles contenaient, dit le poète, et l'épousée elle-même, blonde comme son mari, tombèrent entre les mains des vainqueurs 1.

La peinture que les écrivains du temps tracent des guerriers franks à cette époque, et jusque dans le sixième siècle, a quelque chose de singulièrement sauvage. Ils relevaient et rattachaient sur le sommet du front leurs cheveux d'un blond roux, qui formaient une espèce d'aigrette et retombaient par derrière en queue de cheval. Leur visage était entièrement rasé, à l'exception de deux longues moustaches qui leur tombaient de chaque côté de la bouche.

Fors ripa colle propinquo,

Barbaricus resonabat hymen, scythicisque choreis
Nubebat flavo similis nova nupta marito.

Hostis terga dedit. Plaustris rutilare videres

Barbarici vaga festa tori, convictaque passim

Fercula, captivasque dapes, cirroque madente,

Ferre coronatos redolentia serta lebetes.

(Ex Sidonii Apollinaris carmine v, apud script. rerum. francic., tom. 1, p. 802.)

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