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et le peuple français viennent de recevoir de Sa Majesté.

M. le duc de La Vauguyon communique un projet d'adresse qui lui a été inspiré par la circonstance.

M. le duc de Lévis soumet également à l'assemblée un second projet d'adresse.

La Chambre des pairs, après avoir entendu la lecture des deux projets, et les propositions faites en conséquence par divers membres, ordonne le renvoi de l'un et de l'autre projet à une commission spéciale de cinq membres qui sera désignée de suite par M. le président, et fera son rapport dans le jour.

M le Chanceller,président, désigne pour membres de la commission, d'après cet arrêté, M. Je duc de La Vauguyon, M. le duc de Lévis, MM. les comtes de Jaucourt, de Fontanes et de Pastoret. Les membres de la commmission se retirent pour délibérer.

A neuf heures la séance est reprise.

M. le duc de La Vauguyon, rapporteur de la commission spéciale, ayant obtenu la parole, présente au nom de cette commission, un projet d'adresse qui, après avoir été entendu par la Chambre, est mis aux voix et adopté à l'unanimité dans les termes suivants. (Voy. ci-dessous le texte de l'adresse.)

L'assemblée arrête en outre que l'adresse sera présentée à Sa Majesté par la Chambre entière. Cette délibération prise, M. le chancelier, président, lève la séance.

Paris, le 4 juin 1814.

Aujourd'hui, à dix heures du soir, la Chambre des pairs, en corps, a été conduite à l'audience de Sa Majesté par M. le marquis de Dreux-Brézé, grand maître des cérémonies, M. le marquis de Rochemore, maître des cérémonies, et M. de SaintFélix, aide des cérémonies, et présentée par M. le grand maître.

Elle a été reçue dans la salle du Trône.

Le Roi l'a reçue sur son trône, assis et couvert. M. le Chancelier a présenté à Sa Majesté l'adresse dont la teneur suit:

Extrait des registres de la Chambre des pairs. Séance du samedi 4 juin 1814.

La Chambre des pairs de France, délibérant sur la proposition d'un de ses membres,

Après avoir entendu le rapport de sa commission spéciale nommée dans la séance de ce jour, Arrête qu'il sera fait à Sa Majesté l'adresse dont suit la teneur :

« SIRE,

Les fidèles sujets de Votre Majesté formant la Chambre des pairs viennent déposer aux pieds de son trône le tribut de la plus juste reconnaissance pour le double et inappréciable bienfait d'une paix glorieuse à la France et d'une Constitution régénératrice. La grande Charte que Votre Majesté vient de faire publier consacre de nouveau l'antique principe constitutif de la monarchie française, qui établit sur le même fondement et par un admirable accord la puissance du Roi et la liberté du peuple.

a La forme que Votre Majesté a donnée à l'application de cet inaltérable principe est un témoignage éclatant de sa profonde sagesse et de son amour pour les Français. C'est ainsi que la force de la monarchie se développera et s'accroîtra de plus en plus comme la gloire personnelle de Vo

tre Majesté, et après que nous aurons eu le bonheur d'être longtemps gouvernés par elle, la postérité s'empressera d'unir le nom de Louis XVIII à celui de ses plus illustres prédécesseurs.

« Daignez, Sire, agréer l'hommage de notre respect, de notre dévouement et de notre fidélité à remplir les obligations que la grande Charte nous impose, en concourant par un zèle invariable au maintien des institutions fortes et généreuses que vient de fonder la prévoyance paternelle de Votre Majesté. »

L'assemblée arrête en outre que l'adresse cidessus sera présentée à Sa Majesté par la Chambre entière.

Les président et secrétaires :

DAMBRAY.

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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHEVALIER FELIX FAULCON. Séance du 6 juin,

A midi, la Chambre se forme en séance sous la présidence de M. Félix Faulcon.

On donne lecture du procès-verbal de la séance d'installation qu'elle a tenue samedi, conformément aux ordres de Sa Majesté.

Après une observation de simple forme, présentée par un membre, la rédaction du procès-verbal est approuvée.

La Chambre arrête que la Charte constitutionnelle dont elle a reçu communication le jour de la séance royale, sera imprimée et distribuée à chacun de ses membres, au nombre de six exemplaires.

La Chambre se forme ensuite en comité gånéral.

La séance étant rendue publique, on demande qu'il soit formé une commission de six membres chargée de présenter un projet de règlement pour la police, les délibérations de la Chambre et ses relations avec les autres corps de l'Etat.

Les membres désignés pour composer la commission sont MM. Gallois, Petit de Beauverger, Chabaud-Latour, Fornier Saint-Lary, BlanquartBailleul, Dufougerais et Laborde.

Plusieurs membres expriment le désir que ceux de leurs collègues qui, dans les assemblées antérieures, ont pu être appelés à s'occuper de cette matière, soient invités à communiquer leurs observations à la commission que la Chambre vient de charger de la rédaction de son règlement. Ce vœu est admis sans opposition.

M. le président invite la Chambre à s'occuper de la désignation des cinq candidats qui, aux termes de l'article 43 del'acte constitutionnel, doivent être présentés au Roi pour le choix d'un président.

M. Lainé avant obtenu la majorité absolue des suffrages, dans un premier scrutin, il est pro

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Aujourd'hui à neuf du soir, MM. les députés des départements, en corps, ont été conduits à l'audience du Roi par M. le marquis de DreuxBrezé, grand maître des cérémonies de France; Je marquis de Rochemore, maître des cérémonies, et M. de Watrouville, aide des cérémonies; et présentés par le grand maître.

Sa Majesté a reçu MM. les députés des départements dans la salle du Trône. Le Roi était assis et couvert, ayant debout à sa droite S. A. R. Mgr le duc d'Angoulême, à sa gauche S. A. R. Mgr le duc de Berry, environné de ses grands officiers, de M. le chancelier de France, de ses ministres et des ministres d'État.

M. Félix Faulcon, président provisoire, a présenté à Sa Majesté l'adresse dont la teneur suit:

<< SIRE,

« Vos fidèles sujets de la Chambre des députés des départements viennent porter au pied du trône l'hommage de la reconnaissance que la France doit à Votre Majesté.

« Parmi les sages dont les institutions ont préparé le bonheur des Etats, l'histoire ne nous en offre pas qui aient réuni plus d'avantages que Votre Majesté pour imprimer aux lois ce caractère qui commande le respect des peuples. La France voit en vous, Sire, comme le disait Bossuet du grand Condé, la France voit en vous ce je ne sais quoi d'achevé que les malheurs ajoutent aux grandes vertus.

« Au milieu des circonstances merveilleuses qui vous ont replacé, Sire, sur le trône de saint Louis et d'Henri IV, Votre Majesté aurait eu pour présenter des lois à son peuple plus d'ascendant que n'en avaient ces anciens si révérés dont le génie seul fonda les Etats les plus libres. Mais Votre Majesté a senti qu'elle imprimerait aux lois de la France un caractère plus irrévocable en sanctionnant le vœu des Français. C'est en effet en accueillant les principales dispositions présentées par les différents corps de l'Etat, c'est en écoutant tous les vœux, que Votre Majesté a formé cette Charte constitutionnelle qui, par le concours de toutes les volontés, raffermit à la fois les bases du trône et de la liberté publique.

<< Interrogeant les siècles, Votre Majesté a conbiné d'anciens usages avec des mœurs nouvelles, et nos institutions se trouvent accommodées aux temps, aux progrès de l'esprit, à l'état de la civilisation, aux rapports des nations entre elles. Votre Majesté a voulu travailler aussi à la restauration de ce peuple dont elle a dit que l'amour l'avait rappelé au trône de ses pères.

« Plus rapprochés des besoins des peuples (selon les paroles de Votre Majesté), les députés sont destinés à les lui faire connaître et à concourir aux moyens de les soulager.

«La Charte ouvre aux accents de la vérité toutes les voies pour arriver jusqu'au trône, puisqu'elle consacre la liberté de la presse et le droit

de pétition. Entre les garanties qu'elle donne, la France remarquera la responsabilité des ministres qui trahiraient la confiance de Votre Majesté, en violant les droits publics et privés que consacre la Charte constitutionnelle.

་་

En vertu de cette Charte, la noblesse ne se présentera désormais à la vénération du peuple qu'entourée de témoignages d'honneur et de gloire que ne pourront plus altérer les souvenirs de la féodalité.

« Les principes de la liberté civile se trouvent établis sur l'indépendance du pouvoir judiciaire et la conservation du jury, précieuse garantie de tous les droits.

Que si des circonstances malheureuses obligeaient à rétablir les juridictions prévôtales essentiellement temporaires, nous sommes convaincus, d'après les bases consacrées, qu'elles ne seraient formées qu'en vertu d'une loi.

« La publicité des débats, si rassurante pour l'innocence, ne sera restreinte par les tribunaux que dans ces occasions rares qui exigent un sacrifice momentané du droit le plus sacré.

Enfin, si les droits et les besoins publics faisaient désirer des améliorations, la Charte constitutionnelle, qui renferme en elle-même les moyens de les accorder, doit rassurer toutes les opinions et dissiper toutes les inquiétudes.

« C'est ainsi qu'après avoir sagement balancé les pouvoirs publics, la Charte constitutionnelle promet à la France et la jouissance de cette liberté politique qui, en élevant la nation, donne plus d'éclat au trône lui-même, et les bienfaits de cette liberté civile qui, en faisant chérir par toutes les classes l'autorité royale qui les protége, rend l'obéissance à la fois plus douce et plus sûre. Aussi avons-nous, Sire, l'intime confiance que l'assentiment des Français donnera à cette Charte tutélaire un caractère tout à fait national.

« La durée de ces bienfaits, Sire, paraît devoir être inaltérable, lorsqu'ils arrivent au moment d'une paix que le ciel accorde enfin à la France. L'armée qui a combattu pour la patrie et pour l'honneur, et le peuple qu'elle a défendu, reconnaissent à l'envi que cette paix signée dès le premier mois du retour de Votre Majesté dans sa capitale, est due à l'auguste maison de Bourbon, autour de qui la grande famille française se rallie tout entière dans l'espoir de réparer ses malheurs. « Oui, Sire, tous les intérêts, tous les droits, toutes les espérances se confondent sous la protection de la couronne. On ne verra plus en France que de véritables citoyens, ne s'occupant du passé qu'afin d'y chercher d'utiles leçons pour l'avenir, et disposés à faire le sacrifice de leurs prétentions opposées et de leurs ressentiments. Les Français, également remplis d'amour pour leur patrie et d'amour pour leur Roi, ne sépareront jamais dans leur cœur ces nobles sentiments, et le Roi que la Providence leur a rendu, unissant deux grands ressorts des Etats anciens et des Etats modernes, conduira des sujets libres et réconciliés à la véritable gloire et au bonheur qu'ils devront à Louis le Désiré. »

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<<nés par l'enthousiasme; mais dans celui que le « peuple français, qui a toujours été distingué «par son amour pour ses rois, me décerne aujour«d'hui par votre organe et que j'accepte de tout « mon cœur, je vois l'expression des sentiments « qui l'unirent toujours son Roi, et qui firent « ma consolation dans les temps de ma longue « adversité. »

CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER (DAMBRAY).

Séance du 7 juin 1814.

A deux heures après midi, les membres de la Chambre se réunissent en vertu d'une convocation faite par M. le chancelier de France, président. MM. les comtes de Valence et de Pastoret, appelés au bureau par M. le président, sous l'autorisation de la Chambre,remplissent provisoirement, et en attendant la confection du règlement intérieur, les fonctions de secrétaires.

Pour compléter l'organisation provisoire du bureau, l'assemblée, sur la proposition de M. le chancelier, autorise pareillement le chevalier Cauchy à continuer de remplir auprès de la Chambre les fonctions de secrétaire-archiviste qu'il remplissait auprès du Sénat.

La séance est ouverte par la lecture du procèsverbal de celle du 4 de ce mois. La Chambre en adopte la rédaction.

Plusieurs membres s'excusent, soit par écrit, soit par l'organe de quelques-uns de leurs collègues, de ne pouvoir assister à la séance.

On demande qu'il soit fait mention de ces excuses au procès-verbal.

Cette demande est combattue, et après quelques observations, l'assemblée, en maintenant pour ses membres l'obligation d'instruire M. le président des motifs qui les empêcheraient de se rendre aux séances, arrête qu'il ne sera fait au procèsverbal aucune mention de leurs excuses.

Un membre propose d'adresser un message à la Chambre des députés des départements pour lui_notifier l'organisation de la Chambre des pairs.

D'autres membres demandent que cette notification soit différée jusqu'à ce qu'un règlement ait déterminé la forme des communications qui devront avoir lieu entre les deux Chambres.

Pour ne rien préjuger à cet égard, on propose d'autoriser M. le président à écrire à M. le président de la Chambre des députés, pour lui faire connaître que la Chambre des pairs est organisée. L'assemblée adopte cette proposition.

M. le Chancelier présideni observe que l'urgence d'un règlement intérieur étant généralement sentie, il convient de s'occuper des moyens de former ce règlement.

On demande qu'il soit nommé, à cet effet, une commission de sept membres; et sur l'observation faite qu'une précédente commission du règlement avait été formée par le Sénat, et s'est livrée à un travail qui déjà se trouve fort avancé, on propose d'appeler dans cette commission une partie des membres de l'ancienne. On propose également de charger, pour cette fois, et attendu l'urgence, M. le président de désigner, de concert avec le bureau, les membres de cette commission. Ces diverses propositions sont adoptées.

M. le Chancelier, président, désigne en conséquence pour membres de la commission: MM. les ducs de La Vauguyon et de Lévis, MM. les comtes Barbé-Marbois, Garnier, de Valence, d'Aguesseau et de Pastoret.

On demande que, pour mettre la commission du règlement à portée de présenter à la Chambre la partie de son travail dont l'adoption lui semblerait pressante, il soit arrêté que, sans préjudice des convocations extraordinaires qui pourraient avoir lieu, la Chambre s'assemblera régulièrement et sans qu'il soit besoin de convocation, le mardi et samedi de chaque semaine, à deux heures après midi.

Cette proposition est adoptée. La Chambre s'ajourne en conséquence au samedi 11 de ce mois, à deux heures.

Un membre observe que depuis longtemps on se plaint de la difficulté d'être entendu dans la salle. Il demande qu'il soit donné suite aux dispositions qui avaient été projetées pour remédier à cet inconvénient.

M. le comte de Sémonville, grand référendaire, annonce qu'il s'est déjà occupé de cet objet, et qu'à la première séance de la Chambre, pourvu qu'elle tarde quelques jours, on fera l'essai de l'un des moyens proposés, celui de couvrir de draperies une partie des murs de la salle.

D'après cette annonce, la proposition n'a pas de suite, et aucun membre ne demandant la parole, M. le chancelier président, lève la séance.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHEVALIER FÉLIX FAULCON. Séance du 7 juin 1814.

Le procès-verbal de la séance d'hier est lu et approuvé.

Les députés ci-après désignés préviennent M. le président des causes légitimes qui les ont empêchés de se rendre à leur poste pour l'ouverture de la session, savoir:

MM. Leleu de Lasimone (Aisne); Ballion (Nord); Guy (Tarn); le chevalier Joubert-Bonnaire (Maineet-Loire); Duclaux (Maine-et-Loire); le baron de Marcorelle (Haute-Garonne); le chevalier Marquis (Meurthe).

On annonce la mort de M. Riffard-Saint-Martin, député de l'Ardèche.

M. le Président. M. Barrot a demandé la parole.

M. Barrot. Messieurs, je viens à cette tribune rendre les derniers devoirs de l'amitié au collègue estimable, M. Riffard-de-Saint-Martin, dont la mort vient de vous être annoncée.

Il avait exercé la profession d'avocat avec la plus grande distinction, lorsqu'en 1789 les Etats généraux furent convoqués. L'estime dont il jouissait fixa sur lui les suffrages de ses compatriotes, et il devint membre de l'Assemblée constituante, où il se fit remarquer par ses talents et son imperturbable fermeté.

En 1790 il fut encore député à cette Convention nationale dont on ne parle que pour diriger contre elle des déclamations virulentes, et qui néanmoins avait, par sa seule énergie, tiré la France de l'abîme affreux où elle était déjà plongée lors de sa réunion.

M. Riffard-Saint-Martin fut du nombre de ceux qui, dans cette assemblée, surent braver les menaces des facticux, les poignards dont ils avaient armé leurs satellites, et passer à travers le choc le plus effrayant de toutes les passions, sans ja mais s'écarter de son devoir, sans mériter le plus léger reproche (1).

(1) La partie qui précède du discours de M. Barrot n'a pas été insérée au Moniteur.

Depuis la Convention, M. Saint-Martin n'a pas cessé d'obtenir des preuves flatteuscs de l'estime publique dont il jouissait. Il a été alternativement juge, membre de la cour de cassation et député au Corps législatif; partout il s'est montré digne de la confiance dont il a été constamment honoré. Il joignit aux qualités d'un bon citoyen celles d'un bon père. Tous ses soins, toutes ses affections étaient partagées entre ce qu'il devait à sa patrie et à l'éducation de sa fille, Mme Rampon; il a eu le bonheur de la voir, au milieu des séductions du grand monde, avec tous les agréments personnels qui les provoquent, donner à son tour l'exemple de toutes les qualités qui distinguent une épouse vertueuse, une excellente mère de famille, et faire le bonheur d'un des braves qui ont honoré la France, qui par leur courage et des actions d'éclat, se sont élevés aux premières dignités militaires et civiles.

C'est dans les bras de cet enfant si digne de toute sa tendresse, que M. Riffard-Saint-Martin a terminé sa carrière à l'âge de 70 ans. Il emporte les regrets de tous ceux qui l'ont connu, et si ses collègues, qui lui ont plusieurs fois accordé leurs suffrages, daignent encore honorer sa mémoire de quelques témoignages de leur estime, ce sera pour sa famille la plus douce consolation qu'elle puisse recevoir.

Je demande qu'il en soit fait mention au procès-verbal.

La Chambre ordonne l'impression du discours de M. Barrot, et son insertion au procès-verbal de la séance de ce jour.

M. le président donne lecture de la réponse faite hier par le Roi à MM. les députés des départements, et dont il a été adressé aujourd'hui une copie à la Chambre.

Après cette lecture, un membre demande la parole.

M. Le Motheux d'Audier. Messieurs, de tous ceux d'entre nous qui furent assez heureux pour entendre hier soir la noble et belle réponse du Roi, à l'adresse que nous lui présentâmes, sans doute il n'est pas un seul qui n'en ait été profondément ému, et qui n'en conserve à jamais le précieux souvenir.

Mais il faut le perpétuer, il faut le transmettre à tous nos successeurs; que d'âge en âge ils soient à même de connaître et d'apprécier ces paroles si touchantes.

A cet effet, je propose de les consigner, avec notre adresse, sur les registres de la Chambre. Ce n'est point assez, Messieurs; je demande qu'elles soient gravées sur un marbre, qui sera pour toujours placé dans l'endroit le plus apparent de la salle de nos séances.

Un de MM. les secrétaires, après avoir donné lecture de l'adresse au Roi, lit de nouveau la réponse de Sa Majesté.

M. Louvet appuie la première proposition du précédent orateur; mais il demande que la seconde, à raison de son importance, soit renvoyée à une commission.

La Chambre, admettant la division établie par M. Louvet, ordonne 1° la transcription sur ses registres de la réponse du Roi, ainsi que de l'adresse qui l'a motivée, et 20 le renvoi de la seconde proposition de M. Le Motheux d'Audier à une commission particulière.

M. Delhorme, député de l'Aisne. Messieurs, vous avez chargé une commission de vous présenter, sous le plus bref délai, un projet de règlement pour la tenue de vos séances.

Il est indispensable, en effet, d'assujettir les

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Nous devons le reconnaître, Messieurs, le corps auquel la Chambre succède, obligé de couvrir des voiles du secret les courtes et rares délibérations qui entraient dans sa prérogative, n'a pu faire de la parole un usage qui fût digne de lui. Rassemblés alors pour nous occuper de quelques médiocres intérêts, nos discussions pouvaient se passer d'ordre, elles prenaient facilement le caractère de la familiarité; si même quelque confusion finissait par s'y introduire, nous ne la considérions pas comme un tort, puisqu'il n'en résultait aucun danger.

Quelle différence aujourd'hui ! Les plus grands intérêts de l'Etat vont devenir l'objet de nos méditations; notre pensée, libre désormais, se développera sans entraves, et le droit de l'exprimer à cette tribune nous est enfin rendu.

Mais, Messieurs, lorsque nous allons examiner et contrôler les actes du gouvernement, n'oublions pas que la nation, à son tour, va examiner et contrôler les actes des mandataires qui la représen

tent.

N'oublions pas que, témoin impassible sans doute, mais néanmoins sévère, du spectacle que nous allons lui offrir, elle va se présenter à nos séances, non pour les influencer, mais pour les juger, pour en approuver les formes mesurées, si nous savons les rendre telles, ou pour nous blâmer avec amertume, si elle voyait la parole flotter sans ordre au milieu de notre assemblée tumultueuse. Hâtons-nous, Messieurs, de nous pénétrer de tout ce que notre situation offre d'écueils. Nul d'entre vous ne peut ignorer avec quel acharnement le système représentatif a été attaqué. Le moindre reproche que lui font ses ennemis est d'être inexécutable, surtout par des Français. On accuse notre chaleur, notre précipitation; on exagère les effets d'une agglomération trop nombreuse, l'agitation et le trouble sont supposés y devoir être endémiques; tout enfin, suivant ces habiles raisonneurs, peut devenir la matière d'une opposition ou le principe d'un orage.

Anéantissons, dès le début de nos séances, ces accusations injustes; il y va pour la nation du plus précieux de ses intérêts. Si la confiance dont elle vous a investis n'était pas justifiée, si vous n'imprimiez pas à vos discussions le caractère majestueux et solennel qui leur appartient, à l'instant même, indécise sur l'exercice de ses droits, vous la verriez se demander avec inquiétude de quel avantage sont donc pour elle ces droits qu'aucun de ses délégués ne sut remplir. Le repos, quel qu'en fût le prix, lui paraîtrait préférable à cette fatigante turbulence. Enfants de l'opinion publique, ne forçons pas celle qui nous porta dans son sein à regretter de nous avoir donné le jour.

Je ne viens point, Messieurs, m'ériger en censeur de cette assemblée; je ne viens pas même vous soumettre une proposition; j'ai seulement osé croire que ces réflexions ne seraient pas sans utilité. Sans doute celle du règlemenent que vous avez ordonné sera grande et décisive; néanmoins il est une autre loi supérieure encore à cette loi

écrite que nous attendons : nous la trouvons dans l'indispensable nécessité de nous entendre.

Lorsqu'un de nous est en possession de cette tribune, lorsqu'il y parle en vertu d'une autorisation préalable de votre président, le droit qu'il a d'exprimer son opinion, et de l'exprimer sans interruption quelconque, est incontestable.

C'est en vain qu'il y apportera des opinions contraires à celle de l'assemblée, ou même des erreurs évidentes; rien ne peut plus infirmer la faculté qu'il a acquise; vous lui devez votre attention tout entière, sauf à le combattre s'il ne parvient pas à vous convaincre.

Vous lui devez cette attention parce qu'il est représentant comme vous, et vous la lui devez même lorsqu'il ne la justifierait pas, ne fût-ce que pour gagner le temps que vous perdriez en des oppositions déplacées.

J'ose donc, Messieurs, en appeler à votre sagesse. Promettons-nous de donner dès à présent à la Chambre la majesté que la nation espère d'elle. Il n'est pas un seul de nous qui n'en reconnaisse le besoin; défendons-nous de ces interruptions que la décence proscrit; de ces murmures désobligeants entre des collègues aussi parfaitement unis que nous avonsle bonheur de l'être ; de cette précipitation à deviner la pensée de celui qui nous parle, et de la condamner avant qu'elle nous soit communiquée tout entière; remplissons enfin nos devoirs ainsi que le prescrit la forme actuelle du gouvernement.

C'est ainsi, Messieurs, que cette tribune sera honorée; c'est ainsi que vous remplirez l'attente de la nation qui vous envoie. C'est ainsi que l'art de la parole se perfectionnera, et que nous justifierons la Charte qui vient de nous en rendre l'usage.

La Chambre ordonne le renvoi de ce discours à la commission qu'elle a chargée de lui présenter un projet de règlement.

L'ordre du jour appelle la suite de l'élection des candidats pour la présidence de la Chambre.

Les quatre membres à élire après M. Lainé, el qui ont obtenu successivement la majorité absolue des suffrages, sont: MM. Gallois, Raynouard, Félix Faulcon et Flaugergues.

Ces cinq membres sont proclamés candidats pour la présidence de la Chambre de MM. les députés des départements.

La Chambre arrête que cette liste de présentation sera portée dans le jour à Sa Majesté par un

message.

La séance est levée.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHEVALIER FÉLIX FAULCON. Séance du 8 juin 1814.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. Un membre annonce que l'état de santé de M. le chevalier Emmery, député du département du Nord, ne lui permet pas, quant à présent, de se rendre à ses fonctions; il dépose sur le bureau un certificat de médecin qui constate cette indisposition.

M. le Président. J'ai l'honneur de communiquer à la Chambre le message dont la teneur suit : Paris, 7 juin 1814.

"Monsieur le président de la Chambre des députés,

«La Chambre des pairs de France croit de son devoir de notifier à Messieurs de la Chambre des députés des départements son installation par la formation d'un bureau provisoire. La forme des

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M. Félix Faulcon. Messieurs, vous venez d'entendre la notification qui vous est faites par M. le chancelier, comme organe de la Chambre des pairs de France. J'ai l'honneur de vous proposer d'autoriser votre président à faire connaître de la même manière à la Chambre des pairs l'installation de celle des députés des départements. L'autorisation est accordée.

M. Cardonnel, député du Tarn. Messieurs, depuis notre dernière et remarquable session, la mort a moissonné plusieurs de nos estimables collègues. Dans le nombre, nous comptons M. Salgues, député du département du Lot.

A la première nouvelle des heureux événements qui venaient de sauver la France, il résolut de se rendre à Paris pour y participer à l'allégresse publique.

Ceux d'entre nous qui le fréquentaient d'une manière intime, savent que le rétablissement de la dynastie des Bourbons sur le trône avait été constamment le vœu le plus cher de son cœur. Son âme fut remplie d'une joie pure, lorsqu'il apprit que le souverain légitime, que Louis le Désiré, était enfin rendu aux Français. Il parait même que les sensations délicieuses, mais vives et immodérées, qu'il éprouva dans cette circonstance, contribuérent à altérer sa santé.

Quoi qu'il en soit, notre malheureux collègue, dans sa route pour la capitale, fut attaqué presque soudainement d'apoplexie, et succomba bien peu de temps après.

Il n'a pu qu'entrevoir l'aurore du bonheur qui nous est préparé et dont il était si digne de jouir.

M. Salgues est mort à l'âge de 55 ans, dans un département étranger, loin du toit domestique, seul, isolé, sans consolation; et il ne s'est trouvé auprès de cet homme respectable ni un parent ni un ami qui ait pu recueillir son dernier soupir et recevoir ses dernières paroles.

M. Salgues avait, depuis la Révolution, rempli différentes charges administratives. Maire de sa commune, administrateur de son district, président de son canton, membre du conseil-général et du collége électoral, partout et dans toutes les occasions, il avait manifesté de la sagesse dans les vues, de la modération dans les opinions, de la sévérité dans les principes, de la droiture dans les intentions, de la pureté dans les sentiments, de la loyauté dans tous les actes de sa vie privée ou publique. Toujours il avait donné l'exemple des vertus sociales, civiles et religieuses.

M. Salgues était un des plus grands propriétaires du département du Lot, où il fut constamment environné de la considération et de la confiance de ses concitoyens. Nommé en 1795 (an IV) au Conseil des Cinq-Cents il s'y montra fidèle aux principes de l'honneur et du devoir, et y obtint l'amitié de tous ceux qui eurent des relations avec lui.

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