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troublent nuit et jour leur repos, leur tranquillité, et compromettent leur fortune. Le gouvernement trouve dans l'impôt un juste tribut des peuples, sans qu'il soit nécessaire d'en distraire une partie considérable pour le percevoir.

Messieurs, l'expérience acquise dans les différentes périodes que nous venons de parcourir nous a convaincus plus d'une fois que les impôts, et plus souvent leur forme de perception, ont été la cause ou le prétexte de grandes révolutions. Etablissons des impôts justes, modérés, d'une perception facile et moins dispendieuse, qui ne compromettent jamais la liberté des citoyens, et nous aurons tous concouru à la consolidation du gouvernement.

Voici le projet que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre.

Sa Majesté sera suppliée de présenter un projet de loi contenant :

Art. 1er. Les droits existant sur les boissons, de quelque nature qu'ils soient, et sous quelque dénomination qu'ils soient connus, sont supprimés.

Art. 2. Le vingtième des récoltes de vin, bière, cidre et poiré, sera prélevé, pour l'an 1815, dans tous les départements du royaume, en remplacement de partie des droits supprimés.

Art. 3. Pour compléter le remplacement des droits supprimés, il sera imposé sur le commerce des vins, bière, cidre et poiré, une somme de 28,219,462 francs.

Art. 4. La quotité du vingtième à prélever sur chaque département, et la valeur de ce vingtième, seront fixées d'après les inventaires faits en 1804, 1805, 1806, 1807, 1808, et d'après le cours des

ventes.

Art. 5. La somme de 28,219,462 francs, faisant le complément des droits supprimés, sera répartie sur tous les départements, en prenant pour base de cette répartition le produit de la vente en détail de chaque département.

Art. 6. Les conseils généraux répartiront sur toutes les communes le vingtième assigné à chaque département, d'après les quantités récoltées ou fabriquées, combinées avec le cours des ventes et les sommes à imposer sur le commerce des vins, bière, cidre et poiré, en prenant pour base le produit de la vente en détail de chaque com

mune.

Art. 7. Pour l'exécution de l'article 2, il sera dressé dans chaque commune, par les commissaires-estimateurs nommés par le conseil municipal, une matrice de toutes les terres vignes; cette matrice désignera le nombre d'hectares de chaque propriété les propriétés seront divisées en plusieurs classes, chaque vigne classée suivant les hectolitres qu'elle sera présumée rapporter.

Art. 8. La somme à prélever sera répartie en raison de la quantité d'hectolitres que chaque vigne est présumée rapporter.

Art. 9. Pareille matrice sera dressée pour les fabriques, et la somme à prélever sur la commune sera répartie sur toutes les fabriques en raison des quantités présumées fabriquées.

Art. 10. Pour l'exécution de l'article 3, il sera formé dans chaque commune un syndicat de tous les marchands de vin en gros, fabricants d'eau-devie, commissionnaires, marchands en détail, aubergistes, traiteurs, limonadiers et cafetiers. Les conseils généraux de département répartiront sur chaque syndicat la somme imposée au département, en se conformant aux dispositions de l'article 4.

Art. 11. Des syndics, nommés par chaque syndicat, répartiront la somme assignée à chaque com

mune, sur tous les individus faisant partie du syndicat, en raison des ventes présumées.

Art. 12. Des rôles du vingtième et de complément scront dressés en la forme ordinaire et perçus par les percepteurs des communes.

Art. 13. Des centimes additionnels seront ajoutés à chaque rôle. Les centimes seront versés dans la caisse municipale, en remplacement des droits d'octroi sur les boissons.

Art. 14. Les conseils munipaux pourront voter des droits d'octroi qui seront perçus sur toutes les boissons non récoltées dans leurs communes, et destinées à la consommation des habitants.

La Chambre, consultée par M. le président, déclare quelle prend en considération la proposition développée par M. Jalabert. En conséquence, elle est renvoyée dans les bureaux pour y être discutée.

L'impression des motifs exposés par l'orateur à l'appui de sa proposition est aussi décidée par la Chambre.

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée et indiquée à demain.

CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE BARTHÉLEMY, VICEPRÉSIDENT.

Séance du 12 juillet 1814.

A deux heures après midi, les pairs se réunissent, en vertu de l'ajournement porté au procèsverbal de la séance du 7 de ce mois.

La Chambre est présidée, en l'absence de M. le chancelier, par M. le comte Barthélemy, vice-président.

L'assemblée entend la lecture, et approuve la rédaction du procès-verbal.

M. le Vice-Président annonce que l'Exposé de la situation du royaume doit être présenté à la Chambre dans cette séance par M. le chancelier, en vertu des ordres de Sa Majesté.

L'ordre du jour appelle le développement des motifs de la proposition faite par un membre dans la dernière séance.

M. le duc de Lévis, auteur de la proposition, obtient la parole et développe les motifs qu'il s'était contenté d'indiquer. Il établit en principe que le seul moyen d'avoir en France une bonne education publique, le seul moyen de répandre dans les classes élevées de la société cette instruction si nécessaire à des hommes que leur naissance et leur richesse appellent à commander les autres, c'est de prolonger, autant que possible, le cours des études jusqu'au terme de la majorité légale, ou du moins jusqu'à l'entier développement des facultés physiques et morales de la jeunesse. Mais on ne peut se flatter d'atteindre ce but, qu'autant que les familles n'auront plus d'intérêt à abréger les études des jeunes gens pour leur procurer un avancement prématuré. Il faut donc, qu'avant certain âge, tout accès aux emplois civils et militaires soit absolument fermé à la jeunesse. Alors on verra, sous le régime salutaire des maisons d'éducation, les jeunes gens fortifier également leur corps et leur esprit; acquérir, loin du monde et de ses séductions, une instruction complète et solide; se prémunir par d'excellents principes et l'habitude du travail, contre les dangers de la société; se rendre entin capables et de remplir les emplois qui exigent le plus de talent et de lumières, et de supporter les fatigues excessives, aujourd'hui inséparables du

métier de la guerre, tel qu'il a été pratiqué depuis vingt ans, et tel qu'il le sera longtemps encore, d'après les innovations malheureuses introduites dans notre système militaire et que Europe a été forcée d'adopter. L'orateur, en écartant quelques objections qui lui ont été faites, observe que si l'âge de quinze ou seize ans pouvait suffire autrefois pour être officier, cet âge est devenu insuffisant par l'adoption du nouveau système. Il en conclut la nécessité de retenir la jeunesse loin des camps, jusqu'à ce qu'elle soit en état d'en supporter les fatigues. Un autre avantage lui paraît encore devoir résulter de la mesure qu'il propose. C'est la possibilité pour les jeunes gens de perfectionner leurs connaissances par des voyages qui soient pour eux comme le complément de leurs études. Il insiste sur l'utilité, de ce moyen généralement employé en Angleterre, et auquel cette contrée doit sans doute, ainsi qu'à la prolongation des études classiques, une grande partie des succès qu'ont obtenu ses hommes d'Etat dans les différentes carrières où, de si bonne heure, ils se sont distingués. L'orateur, d'après ces motifs, conclut, aux termes de sa proposition, à ce qu'il soit statué par une loi qu'aucun Français ne pourra être admis à remplir un emploi civil avant l'âge fixé pour la majorité, et que nul ne pourra être officier dans l'armée de terre avant l'âge de dix-huit ans.

La discussion est ouverte sur la question de savoir si la proposition dont les motifs viennent d'être développés sera prise en considération par la Chambre.

Un membre observe qu'avant de proposer une loi nouvelle, on doit surtout établir la nécessité de cette loi, et l'insuffisance de la législation actuelle. Or, cette nécessité et cette insuffisance ne lui paraissent nullement établies, relativement à l'objet dont il s'agit. En effet, si on examine l'état de la législation, soit par rapport au civil, soit par rapport au militaire, on verra que pour les fonctions civiles, nos lois exigent vingt et un, vingt-cinq et jusqu'à trente et quarante ans; que pour le militaire, l'ancienne ordonnance ne permettait d'être officier qu'à dix-sept ans, et que, ce terme encore a été reculé par les dispositions faites sous le dernier gouvernement. On a toujours, il est vrai, admis des exceptions à cette règle. Mais est-il possible, est-il utile d'empêcher absolument ces exceptions, et faut-il contester au gouvernement la faculté d'accorder des dispenses d'age, dans le cas où elles lui paraitraient nécessaires? C'est à ce point que doit se réduire la question, et l'on conviendra du moins qu'elle n'a aucune urgence, dans un moment où tant d'objets d'un intérêt pressant appellent l'attention du gouvernement et des deux Chambres. L'opinant propose d'ajourner à la session prochaine l'examen de la question discutée.

Un autre membre, sans présenter la question sous un autre point de vue, pense néanmoins qu'elle pourrait être immédiatement examinée. En effet, s'il n'y a point de loi nouvelle à proposer, il y a lieu peut-être de demander que les fois existantes soient maintenues. Il ajoute que la Chambre doit user sobrement du droit de rejeter sans examen une proposition, et vote pour le renvoi aux bureaux, conformément à l'article 29 du règlement.

Ce renvoi est appuye par divers membres; d'autres appuient l'ajournement proposé.

L'ajournement est mis aux voix et adopté par l'assemblée.

M. le comte de Valence ayant obtenu la

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L'orateur observe qu'à toutes les époques où l'on s'est occupé de la législation relative aux indigents, il eut été convenable et utile d'embrasser dans un système général tout ce qui concerne cette classe malheureuse de la société. Mais en 1789, les secours assurés qu'elle trouvait dans les richesses du haut clergé, dans les aumônes des monastères et la sollicitude paternelle des curés, dans le superflu des citoyens qui jouissaient de quelque aisance, ont pu faire méconnaître les droits du pauvre et persuader au gouvernement qu'il n'avait à s'en occuper que sous le rapport des mœurs et de l'ordre public. C'est ainsi que les lois relatives à la mendicité, aux femmes obligées de cacher leur grossesse, et aux enfants abandonnés, ont eu pour but principal de prevenir les désordres et les crimes auxquels conduit l'habitude du vagabondage et de l'oisiveté; de protéger la vie des enfants nés d'un commerce illégitime; d'empêcher le scandale, et tout éclat fâcheux pour les mœurs et pour la religion. Il n'en peut être de même aujourd'hui que différentes causes ont concouru à tarir les sources où puisait l'indigence; aujourd'hui que les biens regardés comme le patrimoine du pauvre sont devenus les biens de l'Etat, et que le nombre des infortunés s'est accru dans une proportion ef frayante par la durée de la guerre qui a privé tant de pères de famille des soutiens naturels de leur vieillesse, par les blessures et la vieillesse prématurée de tant de soldats déjà rentrés ou qui rentreront dans leurs foyers, par le défaut absolu de toutes ressources dans la classe ouvrière, enfin par la misère à laquelle l'invasion des armées réunies de presque toute l'Europe a réduit une grande partie des habitants des provinces envahies. Dans de telles circonstances, il paraît indispensable à l'orateur que la législature s'occupe des besoins de la classe indigente. Ce soin, qu'il regarderait comme une justice, quand même les pauvres n'auraient à prétendre que les secours dus par toute association politique à chacun de ses membres, devient à ses yeux d'une justice ri goureuse quand les biens dont les ordres religieux n'étaient que les dispensateurs, ont été réunis aux biens de l'Etat. Il ajoute que le secret assuré par la Constitution même, aux déliberations de la Chambre, lui paraît une raison de plus pour qu'elle prenne l'initiative à cet égard, et qu'elle se livre à l'examen des droits du pauvre avec tout l'intérêt qu'inspire une pareille discus

sion.

L'orateur propose en conséquence à l'assemblée d'arrêter que Sa Majesté sera suppliée d'envoyer à l'une des deux Chambres, durant la présente session, le projet d'une loi dont il présente en sept articles les dispositions principales.

M. le Président consulte l'assemblée sur la question de savoir s'il y a lieu de s'occuper de la proposition.

Un membre pense que cette proposition, si elle était accueillie, devant nécessairement donner lieu à un impôt, c'est à la Chambre des députés qu'elle devrait premièrement être soumise, conformément à l'article 47 de la Charte coustitutionnelle. D'autres motifs, au nombre desquels il place le grand intérêt de la tranquillité publique,

lui paraissent exiger l'ajournement de la proposition dont il s'agit.

L'ajournement est appuyé sous un autre rapport par divers membres, qui observent qu'avant tout, il convient de connaitre la situation du royaume. Du reste, ils ne voient rien qui, sous le rapport de la compétence, dût empêcher la Chambre de s'oc cuper de la proposition; car, si toute loi dont l'adoption peut entraîner une dépense quelconque elait par là même hors des attributions de la Chambre, il lui resterait bien peu d'objets dont elle pút s'occuper.

Quelques membres réclament contre les développements donnés par l'orateur à sa proposition et invoquent à cet égard l'article 23 du règlement. D'autres pensent que l'orateur s'est renfermé dans les bornes du règlement, quant à l'exposé des motifs, mais qu'il aurait dù s'abstenir de proposer a la Chambre les articles d'un projet de loi. M. Je Vice-Président met aux voix l'ajournement, qui est adopté par l'assemblée.

On annonce l'arrivée de M. le Chancelier.

Il est reçu et introduit dans la chambre par M. le grand référendaire, conformément à l'article 2 du règlement arrêté par le Roi.

Avec M. le chancelier sont introduits M. le prince de Bénévent, ministre et secrétaire d'Etat des affaires étrangères, M. le maréchal duc de Conegliano, M. le comte de Beurnonville, M. le comte de Jaucourt, ministres d'Etat, pairs de France. M. le chancelier monte à la tribune, les ministres prennent place parmi les autres pairs.

M. Dambray, chancelier de France. Messieurs, Sa Majesté, en reprenant les rênes du gouvernement, a désiré faire connaitre à ses peuples l'état où elle trouvait la France. La cause des maux qui accablaient notre patrie a disparu, mais ses effets subsistent encore; longtemps encore, sous un gouvernement qui ne s'occupera qu'à réparer, la France souffrira des coups que fui à portés un gouvernement qui ne travaillait qu'à détruire. Il faut donc que la nation soit instruite et de l'étendue et de la cause de ses souffrances, pour pouvoir apprécier et seconder les soins qui doivent les adoucir; éclairée ainsi sur la grandeur et la nature du mal, elle n'aura plus qu'à partager les travaux et les efforts de son Roi pour rétablir ce qu'il n'a point détruit, pour guérir des plaies qu'il n'a point faites, et réparer des torts qui lui sont étrangers.

La guerre a été sans contredit la principale cause des maux de la France; l'histoire n'offrait encore aucun exemple d'une grande nation sans cesse précipitée, contre son gré, dans des entreprises de plus en plus hasardeuses et funestes: on a vu avec un étonnement mêlé de terreur, un peuple civilisé, condamné à échanger son bonheur et son repos contre la vie errante des peuples barbares; les liens des familles ont été rompus; les pères ont vieilli loin de leurs enfants, et les enfants sont allés mourir à 400 lieues de leurs pères: aucun espoir de retour n'adoucissait cette affreuse séparation; on s'était accoutumé à la regarder comme éternelle, et on a vu des paysans bretons, après avoir conduit leurs enfants jusqu'au lieu du départ, revenir dans l'église de leur paroisse dire d'avance les prières

des morts.

Il est impossible d'évaluer l'effroyable consommation d'hommes qu'a faite le dernier gouvernement; les fatigues et les maladies en ont enlevé autant que la guerre : les entreprises étaient si vastes et si rapides que tout était sacrifié au désir d'en assurer le succès; nulle régularité dans

le service des hôpitaux, dans l'approvision nement des ambulances: ces braves soldats dont la valeur faisait la gloire de la France, qui donnaient sans cesse de nouvelles preuves de leur énergie et de leur patience, qui soutenaient avec tant d'éclat l'honneur national, se voyaient délaissés dans leurs souffrances et livrés sans secours à des maux qu'ils ne pouvaient plus supporter. La bonté française était insuffisante pour suppléer à cette négligence cruelle, et des levées d'hommes qui autrefois auraient formé de grandes armées, disparaissaient ainsi sans prendre part aux combats. De là la nécessité de multiplier le nombre de ces levées, de remplacer sans cesse par des armées nouvelles des armées presque anéanties: l'état des appels ordonnés depuis la fin de la campagne de Russie est effrayant :

11 janvier 1813...

hommes.

350,000

3 avril, gardes d'honneur. Premier ban de gardes nationales. Gardes nationales pour les côtes. 24 août, armée d'Espagne...

10,000

80.000

90,000

30,000

9 octobre, conscription de 1814 et antérieures... Conscription de 1815.

120,000

160,000

300,000

17,000

143,000

15 novembre, rappel de l'an XI à 1814...

Janvier 1813, offres de cavaliers équipés...

1814, levées en masse organisées.

1,300,000

Heureusement ces dernières levées n'ont pu être complétement exécutées; la guerre n'a pas eu le temps de moissonner tous ceux qui avaient rejoint les drapeaux; mais ce seul exposé des réquisitions exercées sur la population, dans un intervalle de 14 à 15 mois, suflit pour faire comprendre ce qu'ont dû être depuis 22 ans les pertes de la nation.

Plusieurs causes concouraient cependant à réparer ces pertes: le sort des habitants des campagnes amélioré par la division des grandes proprietés, l'égalité de partage dans les successions, et la propagation de la vaccine, ont été sans doute les plus puissantes; c'est à la faveur de ces causes, et en exagérant leurs effets, qu'on a essayé dé tromper la nation sur l'étendue de ses sacrifices: plus on enlevait d'hommes à la France, plus on s'efforçait de lui prouver qu'elle pouvait amplement suffire à cette effroyable destruction; mais quand même les tableaux qu'on lui présentait eussent été exacts, il en serait seulement résulté que le nombre des naissances devait faire voir avec indifférence le nombre des morts.

On a été plus loin: on a voulu voir dans la conscription mème la source d'un accroissement de population, source impure qui a introduit le dé sordre et l'immoralité dans des mariages conclus avec précipitation et imprudence: de là une foule de ménages malheureux, d'unions ridicules ou indécentes; on a vu mème des hommes du peuple, bientôt lassés d'un état qu'ils n'avaient embrassé que pour se soustraire à la conscription, se rejeter ensuite dans les dangers qu'ils avaient voulu éviter, et s'offrir comme remplaçants pour sortir de la misère qu'ils n'avaient pas prévue, ou rompre des liens si mal assortis.

Comment n'a-t-on pas réfléchi d'ailleurs que, si la conscription, en multipliant ces mariages déplorables, avait pu accroître le nombre des naissances, elle enlevait annuellement à la France une grande partie de ces hommes déjà formés

qui constituent la véritable force d'une nation? Les faits prouvent évidemment une conséquence si naturelle la population au-dessous de 20 ans s'est accrue; au delà de cette limite, la diminution est prodigieuse et incontestable.

Ainsi, tandis que le gouvernement attaquait les sources de la prospérité nationale, il étalait avec orgueil les restes de cette prospérité qui ne cessaient de lutter contre ses fatales mesures : il cherchait à déguiser le mal qu'il faisait sous le bien qui se soutenait encore, et dont il n'était pas l'auteur. Maitre d'un pays où de longs travaux avaient amassé de grandes richesses, où la civilisation avait fait les plus heureux progrès, où l'industrie et le commerce avaient pris depuis soixante ans un essor prodigieux, il s'emparait de tous ces fruits de l'activité de tant de générations et de l'expérience de tant de siècles, tantôt pour les faire servir à ses funestes desseins, tantôt pour cacher les tristes effets de son influence. Le simple exposé de l'état actuel du royaume montrera constamment la prospérité nationale, luttant contre un principe destructeur, sans cesse attaquée, souvent atteinte de coups terribles, et puisant toujours en elle-même des ressources toujours insuffisantes.

Ministère de l'intérieur.

L'agriculture a fait en France des progrès réels; ces progrès avaient commencé longtemps avant la Révolution; depuis cette époque, de nouvelles causes en ont accéléré la marche, et ces causes auraient produit des effets bien plus importants, si des événements funestes n'en avaient détruit ou diminué l'influence.

La propagation des bonnes méthodes de culture par les sociétés savantes, la résidence d'une foule de riches propriétaires à la campagne, leurs essais, leurs instructions, leurs exemples, enfin la création des écoles vétérinaires qui ont appris à préserver les animaux domestiques du désastre des épizooties, amenaient dans les diverses branches de l'économie rurale les plus heureux résultats; mais les erreurs et les fautes du gouvernement apportaient au développement de ces causes de continuels obstacles.

Le système continental a causé aux propriétaires de vignobles des pertes énormes dans le midi de la France beaucoup de vignes ont été arrachées, et le bas prix des vins et des eauxde-vie a généralement découragé ce genre de culture.

La ferme expérimentale de Rambouillet, créée en 1786 par Louis XVI, avait commencé l'introduction des mérinos en France: un grand nombre de propriétaires avaient formé des entreprises semblables en 1799 fut créée la ferme de Perpignan, que suivirent quelques années après sept établissements du même genre. Le nombre des mérinos allait croissant; nos races s'amélioraient chaque jour; mais le chef du gouvernement, qui aurait voulu soumettre à son inquiète ambition la marche de la nature, se persuada que cette amélioration n'était ni assez étendue ni assez rapide; un décret du 8 mars 1811 ordonna la création de cinq cents dépôts de béliers-mérinos, de deux cents béliers chacun, et assujettit les propriétaires de troupeaux particuliers à une inspection insupportable; découragés par tant d'injonctions et de défenses, blessés de cette surveillance continuelle qui les gênait dans leurs affaires et dans le soin de leurs intérêts, les propriétair renoncèrent bientôt à leurs bergeris; la race lieu de s'améliorer plus rapidem

à se détériorer; les dépenses de la guerre meat le gouvernement hors d'état de consacrer a ses propres bergeries des sommes suffisantes, et cette imprudente mesure a coûté à la France plas de 20 millions qui auparavant étaient employes ave fruit à la propagation des mérinos et à l'amelioration des races indigènes.

Les établissements de haras ont eu plus de succès: formés d'abord par l'ancien gouverne ment, ils avaient été détruits par la Révolution, et n'ont été complétement rétablis qu'en 1806: alors furent organisés six haras, trente dépôts détalons, et des haras d'expérience. A la fin de 1813, ces établissements renfermaient. 1,364 étalons; mais dans le courant de cette même année, 80,000 chevaux ont été requis sans ménagement et sans choix; et des états approximatifs évaluent la perte faite en chevaux, depuis le 1er janvier 1812, à 230,000 chevaux. Les remontes coûtaient en général, au gouvernement, de 400 à 460 franes par cheval, ce qui porte la perte en argent à environ 105,200,000 francs.

Les mines ont reçu en France une augmentation notable: notre territoire offre maintenant 478 mines de toutes sortes en exploitation, ce qui emploie 17,000 ouvriers et rapporte à la France un produit brut de 26,800,000 francs, et à l'Etat une redevance de 251,000 francs. Cette redevance était affectée au payement de l'administration des mines; mais ce fonds spécial, qui se montait au 1er janvier dernier à 700,000 francs, a été employé par le gouvernement aux dépenses de la guerre, et tout le corps des mines a été privé d'appointements. C'est au milieu de ces vexations continuelles, de cette législation changeante et tyrannique, de cet appauvrissement général, que nos champs ont été cultivés, nos mines exploitées, nos troupeaux même en partie conservés et améliorés! Certes, rien ne prouve mieux l'industrie de notre nation et ses heureuses dispositions pour le premier de tous les arts, que les progrès de son agriculture sous un gouvernement oppressif. C'est peu d'avoir fatigué le laboureur de cette tyrannie active qui pénétrait jusqu'à sa dernière chaumière; de lui avoir enlevé ses bras, ses capitaux; de l'avoir condamné à racheter ses enfants pour les lui ravoir encore; des réquisitions, qu'on peut appeler la plus savante découverte du despotisme, lui ont enlevé à la fois tous les fruits de son labeur. La postérité croira-t-elle que nous avons vu un homme s'ériger en maître absolu de nos propriétés et de nos subsistances, nous condamner à les porter dans les lieux où il daignait nous les ravir; toute la population sortie de ses foyers avec ses boeufs, ses chevaux, ses greniers, pour livrer sa fortune et ses ressources à ce maitre nouveau; heureux encore, lorsque ses agents n'ajoutaient pas à nos misères un trafic infame! Mais jetons le voile sur ces indignités, et oublions les excès de la tyrannie pour admirer les dons que nous a faits l'Auteur de la nature. Quelle autre terre aurait pu résister à tant de calamités? Mais telle est la supériorité de notre sol et l'industrie de nos cultivateurs, que l'agriculture sortira avec éclat de ses ruines, et doit se montrer plus brillante que jamais sous le régime paternel qui est venu finir ses misères.

L'industrie manufacturière a besoin de retrouver la même liberté. La mécanique et la chimie, enrichies d'une foule de découvertes, et habilement appliquées aux arts, lui avaient fait faire des progrès rapide le système continental, en forçant les manu: iers à chercher sur notre rritoire des resse jusque-là inconnues, a

amené quelques résultats utiles; mais les obstacles qu'il a opposés à l'entrée d'un grand nombre de matières premières, et le défaut de concurrence qui en a été la suite, ont élevé hors de mesure le prix de la plupart des denrées de fabrication française, et porté ainsi une atteinte funeste aux droits et aux intérêts des consommateurs. Quelques-uns de ces obstacles sont déjà levés : des lois raisonnables sur l'importation et l'exportation concilieront désormais les intérêts des consommateurs et ceux des manufacturiers; intérêts qui ne sont opposés que lorsque les prétentions sont exagérées de part et d'autre.

Si l'on en croit les rapports des fabricants, les manufactures de coton occupent maintenant 400,000 ouvriers et un capital de cent millions. Les manufactures de Rouen ont déjà repris une grande activité.

Les fabriques de toile de Laval et de Bretagne ont beaucoup souffert par la guerre avec l'Espagne, où elles trouvaient leur principal débouché.

Les fabriques de soie ont éprouvé le même sort. L'Espagne était la route par laquelle leurs produits passaient en Amérique et aux colonies; les fabricants ont reporté leur activité vers le nord de l'Europe, mais cette ressource leur a bientôt été ravie l'Italie seule leur est restée; il est vrai que notre consommation intérieure en étoffes de soie s'est accrue, mais que ne gagnerons-nous pas à la liberté des communications avec l'Europe entière, nous, dont la supériorité dans ce genre de fabrication est si incontestable?

En 1787, la fabrique de Lyon avait jusqu'à quinze mille métiers en activitë; pendant la dernière guerre, ce nombre a été réduit à huit mille. Déjà la fabrique se relève, et la ville de Lyon a reçu des commandes très-considérables.

Les manufactures de draps, de cuirs, etc., ont également souffert de l'interdiction des communications avec l'étranger. En général, l'industrie n'a cessé de lutter contre la funeste influence du système continental et des lois qui y étaient associées ses tentatives n'ont pas toujours été infructueuses, mais elles ont prouvé en même temps l'absurdité de ce système. Si, au lieu de se consumer en efforts continuels pour atténuer les effets de mauvaises lois, cette industrie avait pu déployer librement ses forces, que n'aurait-on pas du en attendre, et que ne pourra-t-on pas en espérer, dès que les lois, au lieu de lui imposer des chaînes, ne feront que lui prêter des appuis?

Commerce.

Les lois prohibitives ont fait encore plus de mal au commerce qu'à l'industrie: si la difficulté des communications extérieures rétrécissait le marché de nos manufacturiers, du moins dans celui qui leur restait ouvert, leurs denrées n'avaientelles pas à craindre la concurrence des denrées étrangères; et si ce défaut de commerce nuisait aux intérêts des consommateurs, du moins une certaine classe de citoyens était-elle appelée à en profiter.

Mais le commerce a besoin d'un champ plus vaste et plus libre; réduit à des spéculations étroites et peu avantageuses, dès qu'il essayait de les étendre, il se trouvait livré aux incertitudes d'un gouvernement qui voulait le soumettre à ses caprices et à ses calculs. Le système des licences a ruiné ou découragé un grand nombre de négociants, en les abusant par des espérances que détruisait en un instant la volonté qui les avait fait

T. XII.

naître. Des spéculations nécessairement hasardeuses ont besoin que la stabilité des lois prête son secours à la prévoyance des hommes; et ce passage brusque et continuel du régime des licences au régime absolument prohibitif, a causé au commerce des pertes immenses. Quelle tranquillité pouvaient avoir, d'ailleurs, des négociants qui voyaient dans le gouvernement un rival aussi avide que puissant, et toujours attentif à se réserver l'exploitation exclusive du domaine qu'il leur interdisait? Une longue paix et des lois stables et libérales rendront seules aux commerçants assez de confiance pour qu'ils puissent se livrer sans crainte à leurs utiles travaux.

Telle est, en abrégé, la situation actuelle de l'activité agricole, industrielle et commerciale de la nation; cette activité, qui n'avait besoin que de liberté et d'encouragement, a été sans cesse entravée et ralentie par l'influence d'un gouvernement qui, en voulant tout maîtriser ou tout faire, détruisait d'avance le bien qu'il prétendait protéger.

Si nous passons de là aux objets dépendants du ministère de l'intérieur, qui tenaient immédiatement au gouvernement lui-même, et sur lesquels il exerçait une action directe, leur situation paraîtra encore plus déplorable.

Administration générale de l'intérieur.

Le budget du ministère de l'intérieur, c'est-àdire la réunion de tous les fonds affectés aux différents services de ce ministère, s'élevait :

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143 millions.

150 millions. 140 millions.

Le trésor public n'a jamais contribué à cette masse de fonds que pour 58, 59 ou 60 millions; le surplus provenait de droits et prélèvements spéciaux, établis pour subvenir à telles ou telles dépenses qui étaient successivement rejetées du budget de l'Etat, ou que nécessitaient des besoins nouveaux qui n'avaient pas été prévus dans ce budget.

Lors du gouvernement consulaire, presque toutes les dépenses des ministères entraient, comme cela doit être, dans les résultats généraux des budgets de l'Etat soumis au Corps législatif; mais lorsqu'on eut entrepris des guerres ruineuses, il devint si difficile de subvenir à ces dépenses, malgré l'énorme augmentation des contributions, que les ministres, et principalement celui de l'intérieur, n'eurent d'autre ressource que de proposer des taxes, des centimes additionnels ou perceptions spéciales, à l'effet de couvrir des dépenses auxquelles ne suffisaient plus les crédits qui leur étaient accordés sur les fonds généraux de l'Etat.

Par ce moyen, les départements et les com munes, après avoir payé les contributions ordinaires, n'obtenaient presque rien dans la répartition du produit général de ces contributions, et se trouvaient encore réimposés en centimes additionnels, pour les routes, prisons, canaux, ca sernes, frais d'administration, tribunaux, bâtiments, service du culte, dépôts de mendicité, secours, etc. C'est ainsi que les départements oni été conduits à payer, terme moyen, 45 centimes par franc, quelques-uns même ont été taxés à 62 et jusqu'à 72 centimes additionnels.

Un tableau du produit annuel de ces contribu tions extraordinaires, en n'y comprenant même que ce qui a été régulièrement consenti par le gouvernement, en fera connaître l'étendue. (Tableaux n° 1 et 2.)

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