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"naturel. Assurément, si j'eusse été instruit à

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temps de certaines particularités concernant les "opinions et le naturel du prince; si surtout j'avais vu la lettre qu'il m'écrivit et qu'on ne me remit, Dieu sait par quels motifs, qu'après qu'il " n'était plus, bien certainement j'eusse pardonné." Et il nous était aisé de voir que le cœur et la nature seuls dictaient ces paroles de l'Empereur, et seulement pour nous; car il se serait senti si humilié qu'on pût croire un instant qu'il cherchait à se décharger sur autrui, ou descendît à se justifier; sa crainte à cet égard ou sa susceptibilité était telle qu'en parlant à des étrangers ou dictant sur ce sujet, pour le public, il se restreignait à dire que s'il eût eu connaissance de la lettre du prince, peutêtre lui eût-il fait grace, vu les grands avantages politiques qu'il en eût pu recueillir; et, traçant de sa main ses dernières pensées, qu'il suppose devoir étre consacrées parmi les contemporains et dans la postérité, il prononce, sur ce sujet qu'il suppose bien être regardé comme un des plus délicats pour sa mémoire, que si c'était à refaire, il le ferait encore!!! Tel était l'homme, la trempe de son ame, le tour de son caractère.

A présent que ceux qui scrutent le cœur humain, qui se plaisent à visiter ses derniers replis, pour en deviner des conséquences et en tirer des analogies, s'exercent à leur gré, je viens de leurs livrer des documens prononcés et des données précieuses. En voici une dernière qui ne sera pas la moins remarquable.

Napoléon me disait un jour sur le même sujet : "Si répandis la stupeur par ce triste événement, "de quel autre spectacle n'ai-je pas pu frapper le "monde, et quel n'eût pas été le saisissement "universel!...

"On m'a souvent offert, à un million par tête, "la vie de ceux que je remplaçais sur le trône; "on les voyait mes compétiteurs, on me supposait "avide de leur sang; mais ma nature eût-elle été "différente, eussé-je été organisé pour le crime, 'je me serais refusé à celui-ci tant il m'eût semblé purement gratuit. J'étais si puissant, je me "trouvais si fortement assis; ils paraissaient si peu à craindre! Qu'on se reporte à l'époque de

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Tilsit, à celle de Wagram, à mon mariage avec "Marie-Louise, à l'état, à l'attitude de l'Europe "entière ! Toutefois au fort de la crise de Georges "et de Pichegru, assailli d'assassins, on crut le "moment favorable pour me tenter, et l'on re"nouvela l'offre contre celui que la voix publique,

en Angleterre aussi bien qu'en France, mettait "à la tête de ces horribles machinations. Je me "trouvais à Boulogne, où le porteur de paroles "était parvenu; j'eus la fantaisie de m'assurer

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par moi-même de la vérité et de la contex"ture de la proposition; j'ordonnai qu'on le fit 66 paraître devant moi. Eh bien! Monsieur, "lui dis-je en le voyant. - Oui, Premier Consul,

nous vous le livrerons pour un million.-Mon"sieur, je vous en promets deux; mais si vous

"l'amenez vivant.-Ah! c'est ce que je ne saurais "garantir, balbutia l'homme, que le ton de ma "voix et la nature de mon regard déconcertait "fort en ce moment. Et me prenez-vous donc

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pour un pur assassin! sachez, Monsieur, que je "veux bien infliger un châtiment, frapper un grand exemple; mais que je ne recherche pas "un guet-à-pens; et je le chassai. Aussi bien "c'était déjà une trop grande souillure que sa "seule présence."

Visite clandestine du domestique qui m'avait été enlevé.— Ses offres. Seconde visite.- Troisième; je lui confie mystérieusement ma lettre au Prince Lucien, cause de ma déportation.

21 au 24.-La veille au soir, j'étais resté auprès de l'Empereur, aussi tard qu'une ou deux heures après minuit; en rentrant chez moi, je trouvai que j'avais eu une petite visite qui s'était lassée de m'attendre.

Cette petite visite, reçue par mon fils, et que, dans le temps, la prudence me commandait d'inscrire dans mon journal avec déguisement et mystère, peut aujourd'hui, et va recevoir en ce moment toute son explication.

Cette visite n'était rien moins que la réapparition clandestine du domestique que sir Hudson Lowe m'avait enlevé, qui, à la faveur de la nuit et de ses habitudes locales, avait franchi tous les obstacles, évité les sentinelles, escaladé quelques ravins pour venir me voir, et me dire que, s'étant

engagé avec quelqu'un qui partait sous très-peu de jours pour Londres, il venait m'offrir ses services en toutes choses. Il m'avait attendu fort long-temps dans ma chambre, et ne me voyant pas revenir de chez l'Empereur, il avait pris le parti de retourner, dans la crainte d'être surpris; mais il promettait de revenir, soit sous le prétexte de voir sa sœur, qui était employée dans notre établissement, soit en renouvelant les mêmes moyens qu'il venait d'employer.

Je n'eus rien de plus pressé le lendemain que de faire part à l'Empereur de ma bonne fortune. Il s'en montra très-satisfait et parut y attacher du prix. J'étais fort ardent sur ce sujet; je répétais avec chaleur qu'il y avait déjà plus d'un an que nous nous trouvions ici sans que nous eussions encore fait un seul pas vers un meilleur avenir; au contraire, nous étions resserrés, maltraités, suppliciés chaque jour davantage. Nous demeurions perdus dans l'univers; l'Europe ignorait notre véritable situation: c'était à nous de la faire connaître. Chaque jour les gazettes nous apprenaient les voiles imposteurs dont on nous entourait, les impudens et grossiers mensonges dont nous demeurions l'objet ; c'était à nous, disais-je, de publier la vérité; elle remonterait aux souverains qui l'ignoraient peut-être; elle serait connue des peuples, dont la sympathie serait notre consolation, dont les cris d'indignation nous vengeraient du moins de nos bourreaux, etc.

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Nous nous mîmes, dès cet instant, à analyser nos petites archives. L'Empereur en fit le partage en destinant, disait-il, la part de chacun de nous pour leur plus prompte transcription. Toutefois la journée s'écoula sans qu'il fût question de rien à ce sujet. Le lendemain, Vendredi, dès que je vis l'Empereur, j'osai lui rappeler l'objet de la veille; mais il m'en parut cette fois beaucoup moins occupé, et termina en disant qu'il faudrait voir. La journée se passa comme la veille; j'en étais sur des charbons ardens.

A la nuit, et comme pour m'aiguillonner davantage, mon domestique reparut, me réitérant ses offres les plus entières. Je lui dis que j'en profiterais, et qu'il pourrait agir sans scrupule, parce que je ne le rendrais nullement criminel, ni ne le mettrais aucunement en danger. A quoi il répondit que cela lui était bien égal, et qu'il se chargerait de tout ce que je voudrais lui donner, m'avertissant seulement qu'il viendrait le prendre sans faute le sur-lendemain, Dimanche, veille probable de son appareillage.

Le lendemain, Samedi, en me présentant chez l'Empereur, je me hâtai de lui faire connaître cette dernière circonstance, appuyant sur ce qu'il ne nous restait plus que 24 heures; mais l'Empereur me parla très-indifféremment de tout autre chose. J'en demeurai frappé. Je connaissais l'Empereur cette insouciance, cette espèce de distraction ne pouvaient être l'effet du hasard, en

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