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le mouvement de son bras exprimait vivement l'action dont il parlait. A ces mots, on entendit comme un frémissement d'armes et de chevaux, et un soudain murmure d'enthousiasme, précurseur de la victoire mémorable qui, 48 heures après, renversa la colonne de Rosbach.

A la bataille de Lutzen, la plus grande partie de l'armée se trouvait composée de conscrits qui n'avaient jamais combattu. On raconte que l'Empereur, au plus fort de l'action, parcourait en arrière le 3o rang de l'infanterie, le soutenant parfois de son cheval en travers, et criant à ces jeunes soldats : "Ce n'est rien, mes enfans, tenez ferme; "la patrie vous regarde, sachez mourir pour elle."

Napoléon avait une estime toute particulière pour la nation Allemande. "J'ai pu lui imposer "bien des millions," disait-il, "c'était nécessaire ; "mais je me serais bien donné de garde de l'in"sulter par du mépris. Je l'estimais. Que les "Allemands me haïssent, cela est assez simple : on me força 10 ans de me battre sur leurs cada

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vres; ils n'ont pu connaître mes vraies dispositions, me tenir compte de mes arrieres-pensées ; "et elles étaient grandes pour eux."

L'Empereur disait un jour, en parlant d'une de ses déterminations. "Je n'en voulais rien faire, "je me laissai toucher, je cédai; j'eus tort: le "cœur d'un homme d'État doit être dans sa tête."

L'Empereur faisait remarquer que nos facultés physiques s'aiguisent par nos périls ou nos

besoins. "Ainsi," disait-il, "le Bédouin du désert "a la vue perçante du lynx; et le sauvage des "forêts a l'odorat des bêtes."

On citait quelqu'un qui, distingué par ses conceptions et ses faits, laissait pourtant paraître parfois des lacunes choquantes dans ses manières et ses expressions. L'Empereur expliquait cette désharmonie en disant: "Vous verrez qu'il pêche 66 par l'education de la peau; ses langes auront été "trop communs, trop sales."

L'Empereur, parlant du danger qu'il avait couru aux Cinq-Cents, lors de brumaire, l'attribuait militairement au seul local de l'Orangerie, où il avait été obligé d'entrer par une des extrémités, pour en parcourir la longueur. "Le mal"heur fut," disait-il, "que je ne pus me présenter "de front; je fus contraint de prêter le flanc."

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On parlait de quelqu'un qui semblait croire pouvoir en imposer par un ton et des expressions approchant parfois de la menace. "C'est ridicule aujourd'hui," disait l'Empereur; "personne n'a peur à présent; un enfant n'a plus peur et "voilà le petit Emmanuel, montrant mon fils, prêt "à tirer un coup de pistolet, j'en suis sûr, avec quiconque pourrait le désirer." Ces paroles de Napoléon, influeront peut-être sur le reste de sa vie.

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Napoléon, au retour de la campagne de Russie, se montrait si frappé de la force d'ame qu'il disait avoir été déployée par Ney, qu'il le nomma

prince de la Moscowa, et qu'il répéta alors à plusieurs reprises: "J'ai 2 cents millions dans mes "caves; je les donnerais pour Ney."

L'Empereur, appuyant sur l'infaillibilité, en dernière analyse, du triomphe des idées modernes, disait: "Comment ne l'emporteraient-elles pas ? "Observez bien le train des choses: même en opprimant, aujourd'hui, on se pervertit !”

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Dans une certaine circonstance où on appuyait sur ce qu'il n'aimait pas à se faire valoir : C'est," répondait l'Empereur, "que la moralité, la "bonté, chez moi, ne sont point dans ma bouche, "elles se trouvent dans mes nerfs. Ma main de "fer n'était pas au bout de mon bras, elle tenait "immédiatement à ma tête: la nature ne me l'a pas donnée; c'est le calcul seul qui me la faisait "mouvoir."

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Napoléon, dans un moment de dépit contre la malveillance et les murmures de Paris, demandait, après tout ce qu'il avait accompli, ce qu'on attendait donc de lui. "Sire, se permit-on "de lui répondre, on voudrait que Votre Majesté "arrêtât son cheval. - Arrêter mon cheval! c'est “bientôt dit.... Il est vrai que j'ai les bras assez "forts pour arrêter, d'un coup de bride, tous les "chevaux du continent; mais je n'ai pas de brides pour arrêter les voiles Anglaises, et c'est là que gît tout le mal; comment n'a-t-on pas l'esprit "de le sentir!"

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Reprochant un jour à quelqu'un de ne pas se

corriger des vices qu'il convenait connaître. "Monsieur," lui disait-il, "quand on connaît son "mal moral, il faut savoir soigner son ame comme on soigne son bras ou sa jambe.'

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L'Empereur, parlant de la noblesse qu'il avait créée, se récriait sur ce qu'on l'eût si peu compris c'était pourtant, disait-il, une de ses plus grandes idées, des plus complètes, des plus heureuses. Il avait pour but trois objets de la première importance, et tous les trois auraient été atteints; savoir: réconcilier la France avec l'Europe, rétablir l'harmonie en semblant adopter ses mœurs; réconcilier par la même voie, amalgamer entièrement la France nouvelle avec la France ancienne; enfin, faire disparaître tout à fait la noblesse féodale, la seule offensante, la seule oppressive, la seule contre nature. "Par ma créa"tion," disait l'Empereur, "je venais à bout de sub"stituer des choses positives et méritoires à des préjugés antiques et détestés. Mes titres na❝tionaux rétablissaient précisément cette égalité વ que la noblesse féodale avait proscrite. Tous "les genres de mérite y parvenaient: aux par"chemins, je substituais les belles actions, et aux "intérêts privés, les intérêts de la patrie. Ce " n'était plus dans une obscurité imaginaire qu'on "eût été placer son orgueil; mais bien dans les

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plus belles pages de notre histoire. Enfin, je "faisais disparaître la prétention choquante du "sang; idée absurde, en ce qu'il n'existe réelle

"ment qu'une seule espèce d'hommes, puisqu'on "n'en a pas vu naître les uns avec les bottes aux

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jambes, et d'autres avec un bât sur le dos.

"Tout la noblesse de l'Europe, et qui la gou"verne de fait, y fut prise: elle applaudit una"nimement à une institution qui, dans ses idées, "se présentant comme nouvelle, relevait sa pré"éminence; et pourtant cette nouveauté allait la 66 saper dans ses fondemens et l'eût infailliblement "détruite. Pourquoi a-t-il fallu que l'opinion, que je faisais triompher, eût la gaucherie de ser"vir précisément ses ennemis? Mais j'ai eu ce "malheur plus d'une fois."

Sur les difficultés de l'histoire.-Georges, Pichegru, Moreau, le Duc d'Enghien.

20.-"Il faut en convenir," me disait aujourd'hui l'Empereur, les véritables vérités, mon cher, "sont bien difficiles à obtenir pour l'histoire. "Heureusement que la plupart du temps elles "sont bien plutôt un objet de curiosité que de "réelle importance. Il est tant de vérités!.... "Celle de Fouché, par exemple, et autres intrigans "de son espèce; celle même de beaucoup d'hon"nêtes gens, diffèreront parfois beaucoup de la "mienne. Cette vérité historique, tant implorée, “ à laquelle chacun s'empresse d'en appeler, n'est "trop souvent qu'un mot: elle est impossible au "moment même des événemens, dans la chaleur "des passions croisées; et si, plus tard, on de

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