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porteur de la capitulation de Vincennes, qui venait d'être obtenue par une rare audace et une grande adresse. Napoléon sourit d'abord aux détails qu'il se fait raconter; puis, frappé du ton d'exaltation et des expressions enflammées du narrateur, se rappelant tout à coup le Gouverneur Puyvert, à qui Vincennes a déjà été funeste, il s'écrie brusquement: "Mais, Monsieur, vous ne me parlez 66 pas du Gouverneur; qu'en a-t-on fait? - Sire, "reprend l'officier avec plus de calme, on lui a "délivré un passeport, on l'a fait escorter, il est "hors de Paris." Napoléon faisant alors deux pas, saisit la main de l'officier avec une expression qui trahit toute l'anxiété qu'il venait d'éprouver: "Je "suis content, Monsieur, lui dit-il avec chaleur, "c'est bien, très-bien, parfaitement bien!"

Je trouve, en note perdue, que l'Empereur disait que la plus belle lettre militaire qu'il eût jamais lue, était, sous son consulat, celle d'un soldat du Midi, nomme Léon. Un si haut témoignage suppose quelque chose de remarquable: aussi je transcris ici cette note, sans trop savoir ce qu'elle signifie; mais seulement dans l'espoir de mettre quelque personne, peut-être, sur la voie de reproduire cette pièce, dans le cas où elle ne serait pas déjà consignée.

On trouve que Napoléon a donné soixante batailles; César n'en avait livré que cinquante.

On se demandait un jour, devant Napoléon, comment il arrivait que des malheurs encore in

certains frappaient parfois beaucoup plus que les malheurs dejà arrivés. "C'est, répartit-il, que, "dans l'imagination comme dans le calcul, la "force de l'inconuu est incommensurable."

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"Allez, Monsieur, courez, disait d'ordinaire l'Empereur, après avoir donné une mission importante, ou tracé la marche d'un grand travail, "et n'oubliez pas que le monde a été fait en six "jours."

Dans une occasion de ce genre, il terminait visà-vis de quelqu'un, disant: "Demandez-moi tout ce que vous voudrez, hormis du temps: c'est la "seule chose hors de mon pouvoir."

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Une autre fois, ayant donné un travail fort pressé, qu'il attendait dans la journée même, on ne le lui apporta que le lendemain très-tard; l'Empereur s'en montrait mécontent; et, comme la personne, pour se justifier, l'assurait qu'elle avait travaillé tout le jour. "Mais, Monsieur, n'aviezvous pas encore toute la nuit, lui répartit Napoléon."

L'Empereur s'occupant soigneusement de la commodité et des embellissemens des marchés de la capitale, avait coutume de dire: "La halle "est le Louvre du peuple."

L'égalité des droits, c'est-à-dire cette même faculté pour chacun d'aspirer, de prétendre et d'obtenir, était un des grands traits du caractère de Napoléon, inné en lui, tout-à-fait dans sa propre nature. "Je n'ai pas toujours régné," disait-il;

" avant d'avoir été souverain, je me souviens d'avoir “été sujet, et je n'ai pas oublié tout ce que ce "sentiment de l'égalité a de fort sur l'imagina"tion, et de vif dans le cœur." Il en disait de "même de la liberté.

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Donnant un jour un projet à rédiger à un de ses conseillers d'État, il lui disait: "Surtout n'y gênez pas la liberté, et bien moins encore l'éga"lité; car, pour la liberté, à toute rigueur serait"il possible de la froisser, les circonstances le “ veulent, et nous excuseront ; mais pour l'égalité, “ à aucun prix, Dieu m'en garde! Elle est la pas"sion du siècle, et je suis, je veux demeurer l'en"fant du siècle!"

Le mérite était un à ses yeux, et récompensé de même, aussi voyait-on les mêmes titres, les mêmes décorations atteindre également l'ecclésiastique, le militaire, l'artiste, le savant, l'homme de lettres; et il est vrai de dire que jamais nulle part, chez aucun peuple, à aucune époque, le mérite ne fut plus honoré, ni le talent plus magnifiquement récompensé. Ses intentions là-dessus étaient sans bornes. J'ai déjà rapporté qu'il dit un jour: "Si Corneille vivait, je le ferais prince,"

-L'Empereur disait un jour à Ste-Hélène : Je "crois que la nature m'avait calculé pour les "grands revers; ils m'ont trouvé une ame de "marbre; la foudre n'a pu mordre dessus, elle a " dû glisser."

Une autre fois, à l'occasion d'une nouvelle

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vexation, il échappa à l'un de ceux qui étaient auprès de Napoléon, de s'écrier: "Ah, Sire, voilà "bien de quoi vous faire haïr les Anglais encore davantage." Sur quoi Napoléon, haussant les épaules, lui répondit moitié gaîté, moitié commisération: "Homme à préjugés, esprit commun et "vulgaire, demandez-moi plutôt, et tout au plus, si 'je haïrais davantage tel ou tel Anglais.

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"Mais, puisque nous y sommes, sachez qu'un homme, véritablement homme, ne hait point: "sa colère et sa mauvaise humeur ne vont point "au-delà de la minute: le coup électrique..... "L'homme fait pour les affaires et l'autorité,

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ne voit point les personnes; il ne voit que "choses, leur poids, et leur conséquence."

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Dans une certaine circonstance, il disait qu'il ne doutait nullement que sa mémoire ne gagnât beaucoup à mesure qu'elle avancerait dans la postérité; les historiens se croiraient obligés de le venger de tant d'injustices contemporaines. Les excès entraïnent toujours leurs réactions; d'ailleurs, à une grande distance, on le verrait sous un jour plus favorable, il paraîtrait débarrassé de mille encombremens; on le jugerait dans les grandes vues, et non dans les petits détails; on planerait sur les grandes harmonies; les irrégularités locales demeureraient inaperçues : surtout on ne l'opposerait plus à lui-même; mais à ce qu'on aurait alors sous la main, etc.; et il concluait, que dès aujourd'hui, comme dans ces temps-là, il pourrait

se présenter avec fierté devant le tribunal le plus sévère, et lui soumettre tous ses actes privés; il s'y montrerait vierge de tout crime.

L'Empereur me disait un jour qu'il concevait dans sa tête, et se proposait d'entreprendre son Histoire diplomatique, ou l'ensemble de ses négociations, à partir de Campo-Formio jusqu'à son abdication. S'il a accompli sa pensée, quel trésor historique!

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L'Empereur parlant d'éloquence militaire, disait: "Quand, au fort de la bataille, parcourant "la ligne, je m'écriais: Soldats, déployez vos drapeaux, le moment est venu. Il eût fallu voir nos "Français; ils trépignaient de joie, je les voyais "se centupler; rien alors ne me semblait impos"sible."

On connaît une foule d'allocutions militaires de Napoléon. En voici une que je tiens de celui-là même qui l'a recueillie sur le terrain. Passant en revue le second régiment de chasseurs à cheval, à Lobenstein, deux jours avant la bataille d'Iéna, il demande au colonel: "Combien d'hommes pré"sens?"-"Cinq cents," répond le colonel; "mais "parmi eux beaucoup de jeunes gens."-" Qu'im"porte," lui dit l'Empereur d'un air qui marquait sa surprise d'une pareille observation, " ne sont"ils pas tous Français ?..." Puis, se tournant vers le régiment, il ajouta: "Jeunes gens, il ne faut pas craindre la mort; quand on ne la craint pas, “on la fait rentrer dans les rangs ennemis." Et

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