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"a été fort utile, qu'il peut l'être encore, et qu'il "faut savoir le reconnaître. Celui-ci à son tour "aura soin de démontrer chez lui, qu'un autre, au "loin, a rendu de grands services, qu'il a été "même jusqu'à compromettre ses intérêts, et qu'il "faut lui en tenir compte. Ce sont des arrange"mens de la sorte, sans doute, qui ont fait dire à "un grand personnage à Vienne, dans un moment "de dépit: Un tel me coûte les yeux de la tête. "Nul doute que ces ignobles transactions, ces "honteuses menées, ne soient publiques un jour. "Alors on connaîtra les énormes fortunes léguées

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ou mangées; de nouvelles lettres de Barillon "les consacreront avec le temps, mais elles ne dé"couvriront rien, ne flétriront aucun caractère, parce que les contemporains auront pris les "devans."

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Après cette vigoureuse et longue sortie, dans laquelle je voyais Napoléon, pour la première fois peut-être, s'exprimer dans l'intimité, avec tant de chaleur et d'amertume contre ceux dont il avait personnellement à se plaindre, il a gardé le silence quelques instans, puis il a repris: "Et ce C................. "a eu l'art de s'appuyer tout à fait de Lord " W..... (lequel l'Empereur trouvait en ce

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moment parmi les membres du ministère.) " W.......... a-t-il dit, est devenu sa créature! «Quoi, le moderne Marlborough se traîner à la "suite d'un C.........! Atteler ses victoires "aux turpitudes d'un saltinbanque politique!

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"Cela se conçoit-il? Comment W......... ne s'indigne-t-il pas qu'on puisse en concevoir la pensée! Son ame ne serait-elle donc pas à là hauteur de ses succès ?......"

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J'ai pu remarquer qu'en général, il répugnait à l'Empereur de mentionner Lord W..... évitait d'ordinaire, lorsque l'occasion s'en présentait, de laisser connaître son jugement. Sans doute il se sentait gauche à ravaler publiquement celui sous lequel il avait succombé. Toutefois, ici, il s'est abandonné sans mesure, et a livré sa pensée tout entière. Le sentiment de toutes les indignités dont on se plaît à l'abreuver agissait sans doute en ce moment dans toute sa force. Je ne l'avais jamais vu, lui d'ordinaire si impassible, si calme au sujet de ceux qui lui ont fait le plus de mal, s'exprimer avec autant de chaleur: ses gestes, son accent, ses traits, s'étaient élevés de l'amertume à l'imprécation; j'en étais ému moimême.

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"On m'assura, a-t-il dit, que c'est par lui que je suis ici, et je le crois*. C'est digne, du reste, ❝ de celui qui, au mépris d'une capitulation solen"nelle, à laissé périr Ney, avec lequel il s'etait vu ❝souvent sur le champ de bataille! Il est sûr que 66 pour moi je lui ai fait passer un mauvais quart ❝ d'heure. C'est d'ordinaire un titre pour les

* Cette idée de Napoléon s'est reproduite dans les dernières lignes qu'il a tracées.

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"grandes ames; la sienne ne l'a pas senti. Ma "chute et le sort qu'on me réservait lui ménage"aient une gloire bien supérieure encore à toutes "ses victoires, et il ne s'en est pas douté. Ah! qu'il doit un beau cierge au vieux Blucher: sans celui-là je ne sais pas où serait Sa Gráce, ainsi qu'ils l'appellent; mais moi, bien sûrement, je 66 ne serais pas ici. Ses troupes ont été admirables, ses dispositions, à lui, pitoyables, ou pour mieux "dire il n'en a fait aucune. Il s'était mis dans l'impossibilité d'en faire, et, chose bizarre, c'est "ce qui a fini par la sauver. S'il eût pu com"mencer sa retraite il était perdu... Il est de"meuré maître du champ de bataille, c'est certain; "mais l'a-t-il dû à ses combinaisons? Il a recueilli "les fruits d'une victoire prodigieuse; mais son génie l'avait-il préparée ?... Sa gloire est toute

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négative, ses fautes sont immenses. Lui, géné"ralissime Européen, chargé d'aussi grands in“térêts, ayant en front un ennemi aussi prompt, "aussi hardi que moi, laisser ses troupes éparses, "dormir dans une capitale, se laisser surprendre. "Et ce que peut la fatalité quand elle s'en mêle! "En trois jours j'ai vu trois fois les destins de la "France, celui du monde échapper à mes combi"naisons.

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D'abord, sans la trahison d'un général, qui "sort de nos rangs pour aller avertir l'ennemi, je 'dispersais et détruisais toutes ces bandes, sans "qu'elles eussent pu se réunir en corps d'armée.

Puis, sur ma gauche, sans les hésitations inac"coutumées de Ney, aux Quatre-Bras, j'anéantis"sais toute l'armée Anglaise.

"Enfin, sur ma droite, les manoeuvres inouies "de Grouchi, au lieu de me garantir une victoire "certaine, ont consommé ma perte et précipité la "France dans le gouffre.

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"Non, a-t-il repris encore, W...... n'a qu'un "talent spécial: Berthier avait bien le sien! Il y excelle peut-être; mais il n'a point de création; la fortune a plus fait pour lui qu'il n'a fait pour elle. Quelle différence avec ce Marlborough, désormais son émule et son parallèle. Marlborough, tout en gagnant des batailles, "maniait les cabinets et subjuguait les hommes.

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elle.

Pour W......., il n'a su que se mettre à la suite "des vues et des plans de C......... Aussi, "Mme de Staël avait elle dit de lui, que, hors de "ses batailles, il n'avait pas deux idées. Les salons "de Paris, d'un goût si fin, si délicat, si juste, ont prononcé tout d'abord qu'elle avait raison, et le plénipotentiaire Français à Vienne l'a consacré. "Ses victoires, leur résultat, leur influence haus"seront encore dans l'histoire; mais son nom "baissera, même de son vivant..., etc. etc."

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Puis, revenant aux ministères en général, aux ministères collectifs surtout, à toutes les intrigues, à toutes les grandes et petites passions qui agitent ceux qui les composent, l'Empereur a dit: " Mon "cher, c'est qu'après tout, ce sont autant de lépro

"series. Nul n'y échappe à la contagion. On

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peut y aspirer vertueux, qu'on n'en sort jamais 66 sans y avoir laissé sa pureté. Je n'en excepterais 66 que deux peut-être, le mien et celui des États"Unis d'Amérique: le mien, parce que mes "ministres n'étaient que mes hommes d'affaires, "et que je demeure seul responsable; celui des États-Unis, parce que les ministres n'y sont que "les gens de l'opinion, toujours droite, toujours. "surveillante, tojours sévère." Et il a conclu par cette fin remarquable :

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"Je ne crois pas qu'aucun souverain se soit jamais mieux entouré que j'avais fini par l'être. Quel cri eût pu, avec justice, s'élever à cet égard? "Et si l'on ne m'en a pas tenu compte, c'est qu'il "n'est que trop souvent de mode parmi nous de "fronder sans cesse." Et il s'est mis à passer en "revue sur ses doigts les différens ministres :

"Mes grands dignitaires," disait-il," Cambacérès "et Lebrun, deux personnes très-distinguées et "tout à fait bienveillantes.

"Bassano et Caulaincourt, deux hommes de cœur " et de droiture; Molé, ce beau nom de la magis❝trature, caractère appelé probablement à jouer "un rôle dans les ministères futurs.

"Montalivet, si honnête homme; Decrès, d'une "administration si pure et si rigoureuse; Gaudin, "d'un travail si simple et si sûr; Mollien, de tant "de perspicacité et de promptitude; et tous mes "conseillers d'État, si sages, si bons travailleurs!

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