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nent. J'ai fait prier le docteur militaire en chef Baxter de venir se joindre au docteur O'Meara pour une consultation à fond. Heureusement le résultat a pu me tranquilliser. Il était loin de présenter rien d'alarmant.

Dans les causeries du jour, l'Empereur est revenu encore à Mme de Staël, sur laquelle il n'a rien dit de neuf. Seulement il a parlé cette fois de nouvelles lettres vues par la police, et dont Mme Récamier et un Prince de Prusse faisaient tous les frais.

"Ces lettres," disait l'Empereur, "contenaient "la preuve non équivoque de tout l'empire des "charmes de Mme Récamier, et du haut prix au

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quel le Prince les élevait; car elles ne renfer"maient rien moins que des offres ou des pro"messes de mariage de sa part."

Et voici le nœud de cette affaire: La belle Mme Récamier, dont la bonne réputation a eu le rare privilége de traverser sans injure nos temps difficiles, se trouvait auprès de Mme de Staël, à laquelle elle s'était héroïquement dévouée, quand un des Princes de Prusse, fait prisonnier à Eylau, et se rendant en Italie par la permission de Napoléon, descendit au château de Coppet, avec l'intention de s'y reposer seulement quelques heures; mais il y fut retenu tout l'été par les charmes qu'il y rencontra. Celle qui s'y était exilée auprès de son amie, et le jeune Prince, se regardant tous deux comme des victimes de Napoléon, une haine com

mune commença peut-être leur intérêt mutuel. Touché d'une vive passion, le Prince, malgré les obstacles que lui opposait son rang, conçut da pensée d'épouser l'amie de Mme de Staël, et le confia à celle-ci, dont l'imagination poétique saisit avidement un projet qui pouvait répandre sur Coppet un éclat romanesque. Bien que le Prince fût rappelé à Berlin, l'absence n'altéra point ses sentimens; il n'en poursuivit pas moins avec ardeur son projet favori; mais, soit préjugé catholique contre le divorce, soit générosité naturelle, Mme Récamier se refusa constamment à cette élévation inattendue.

C'est à cette circonstance, du reste, qu'on doit le tableau de Corine, qui passe pour une des créations les plus originales du pinceau de Gérard: le Prince le lui ayant commandé pour en faire hommage à celle qui avait si profondément occupé ses pensées.

Mais puisque je suis revenu à Mme de Staël, je dirai que la publication des volumes précédens m'ayant valu la visite et les observations de quel-ques personnes qui lui sont fort attachées; de ses plus intimes m'ont assuré qu'on lui avait prêté des expressions, contre Napoléon, qui lui étaient absolument étrangères, spécialement celle de Robes pierre à cheval, qu'elles pouvaient désavouer pour elle en toute sûreté de conscience, disaient-elles ;) bien plus, elles ajoutaient que Mme de Staël se montrait parfois, dans la conversation privée, bien

plus favorable que ne le témoignaient ses écrits, toujours aiguillonnés, il fallait en convenir, par les ressentimens et le dépit. L'une de ces personnes me disait qu'il avait été vraiment précieux pour elle de lire, dans le Memorial, que Napoléon, à SainteHélène, avait comparé Mme de Staël tout à la fois à Armide et à Clorinde, parce qu'elle avait entendu Mme de Staël, au temps de son enthousiasme, comparer de son côté le jeune général de l'armée d'Italie tout à la fois à Scipion et à Tancrède; alliant, disait-elle, les vertus simples de l'un aux faits brillans de l'autre.

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Après dîner, l'Empereur ayant fait venir Racine, son favori, il nous a lu les plus beaux morceaux d'Iphigénie, de Mithridate et de Bajazet. "Bien que Racine ait accompli des chefs-d'œuvre "en eux-mêmes, a-t-il dit en finissant, il y a répandu néanmoins une perpétuelle fadeur, un " éternel amour, et son ton doucereux, son fasti"dieux entourage; mais ce n'était pas précisément "sa

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sa faute," ajoutait-il, "c'était le vice et les mœurs "du temps. L'amour alors, et plus tard encore, " était toute l'affaire de la vie de chacun. C'est

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toujours le lot des sociétés oisives," observait-il. "Pour nous, nous en avons été brutalement dé"tournés par la révolution et ses grandes affaires." Chemin faisant, il avait condamné aussi tout le fameux plan de campagne de Mithridate. "pouvait être beau comme récit," disait-il ; "mais "il n'avait point de sens comme conception."

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Les Ministres Anglais actuels; portraits.-Tous les Ministères, autant de l'éproseries; honorables exceptions.-Sentimens de Napoléon pour ceux qui l'ont servi.

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16. J'ai trouvé l'Empereur avec une espèce d'almanach politique Anglais qu'il s'amusait à feuilleter. S'étant arrêté sur les membres du Ministère Anglais, qu'il passait en revue: "En " connaissez-vous quelques-uns ?" m'a-t-il dit. "Quelle était, de votre temps, l'opinion commune "à leur égard ?"-" Sire," ai-je répondu, "il y a si long-temps que j'ai quitté l'Angleterre, que tous 66 ceux, à peu près, qui y jouent un rôle aujourd'hui, ne faisaient que commencer alors: aucun " n'était encore sur la première ligne de la scène.” Alors, nommant Lord Liverpool, il a dit: "Lord "Liverpool est, dans tout cela, à ce qu'il paraît, "ce qu'il y a de plus honnête. On m'en a dit "quelque bien il semble avoir de la tenue, "de la décence; car je ne me fâche point qu'on "soit mon ennemi, on a son métier à faire, son "devoir à remplir; mais j'ai lieu de m'indigner de "mesures et de formes ignobles." A ce sujet, j'appris à l'Empereur que c'était de mon temps que le père de Lord Liverpool, M. Jenkinson, devenu plus tard successivement Lord Hawkesbury et Lord Liverpool, avait fait sa fortune politique. C'était un très-honnête homme, disait-on, ami ticulier de Georges III. fort laborieux, et spécialement chargé des documens diplomatiques.

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L'Empereur est passé ensuite à Lord Sidmouth. C'était encore un homme assez honnête, m'a-t"on dit; mais de peu de capacité, une de ces "braves ganaches qui concourent bonnement au "mal.-Sire, de mon temps, et sous le nom d'Ad'dington, il a été orateur de la chambre des com

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munes à la satisfaction générale. C'était la "créature, disait-on, de M. Pitt. Ce ministre passait même pour l'avoir nommé à sa propre place, en la quittant, afin d'y rentrer plus facile"ment quand cela lui conviendrait. Ce qu'il y a "de certain, c'est que le public fat grandement surpris de voir M. Addington successeur de M. Pitt,

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tant on jugeait la chose au-dessus de ces forces; "et plus tard un journal de l'opposition parlant de "lui, rappelait qu'un philosophe, Locke je crois, "avait dit que les enfans n'étaient qu'une feuille "de papier blanc sur laquelle la nature n'avait point encore écrit ; et à cela le journal obser"vait plaisamment qu'en écrivant sur la feuille du "docteur, c'était le sobriquet donné à M. Adding"ton, il fallait convenir que cette bonne nature "avait laissé de furieuses marges.-Et ce mauvais

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dogue," a repris l'Empereur, " à la pâture duquel "il semble qu'on nous ait livrés, ce Lord B...., qu'en savez-vous ?-Absolument rien, Sire, ni 166 sur son origine, ni sur sa personne, ni son carac"tère.-Eh bien ! à moi, il ne m'est donné, a-t-il "repris avec une espèce de chaleur, de pouvoir le "juger d'ici que d'après ses actes envers moi. Or,

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