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les Anglais à Fontainebleau, se contente de me dire qu'il l'a fait à dessein (5me Partie). Or j'apprends ici que Castlereagh s'y était soigneusement refusé, ce qui n'exclut pas, du reste, la scrupuleuse exactitude des citations de Napoléon.

Le second point, que mon impartialité me porte à faire également remarquer, c'est que Lord Castlereagh parle ici de l'alternative offerte par Napoléon, de se retirer en Angleterre, au défaut de la cession de l'île d'Elbe. Or, on trouvera plus bas (Lundi 18 Novembre), que Napoléon, au contraire, reproche à Lord Castlereagh de lui avoir fait insinuer d'adopter de préférence ce parti. Certes, voilà deux exposés directement contraires; l'impartialité, je le répète, me commandait de les produire également tous deux; libre à chacun de se décider suivant ses lumières ou son penchant. Car comme je l'ai souvent entendu dire à l'Empereur, une voix en vaut une autre. Pour moi, mon choix n'est pas douteux, j'adopte les paroles de Napoléon, en dépit des assertions de Lord Castlereagh, parce que j'ai présentes les assertions erronées de Lord Whitworth, mentionnés dans le cours du mémorial, et les assertions scandaleusement exprimées par Lord Castlereagh, sur Napoléon, en plein parlement, ou dans des assemblées publiques, et les documens altérés sur lesquels on a prononcé la déchéance de Murat, et les vingt et quelques dénégations si intrépidement exprimées par Lord Bathurst à la chambre des pairs; la faus

seté de la plupart d'elles était manifeste à tous les yeux à Saint-Hélène, et causa de l'embarras à Sir Hudson Lowe lui-même, etc, etc. etc.; et je persisterai dans mon adoption, à moins que des preuves suffisantes ne viennent me faire varier.

L'épée du Grand Frédéric.-On espère que le Lion s'endormira.-Nouvelles tracasseries du Gouverneur ; il m'enlève mon domestique, etc.-Notre sort enviable dans nos misères.-Bonheur de l'avoir approché.

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13.-Le matin, chez l'Empereur et dans un moment de non occupation, je considérais la grosse montre du Grand-Frédéric, accrochée près de la cheminée, ce qui a conduit l'Empereur à dire : "J'ai "eu dans mes mains d'illustres et précieux monumens; j'ai possédé l'épée du Grand-Frédéric "les Espagnols m'ont rapporté, aux Tuileries, l'épée de François Ier; l'hommage était grand, "il a dû leur coûter; et les Turcs, les Persans, "n'ont-ils pas prétendu me faire présent d'armes "qui auraient appartenues à Gengiskan, à Ta"merlan, à Scha-Nadir, ou autres, je ne sais; car "je crois bien que ce n'est que dans leur dé"marche et leur intention qu'il faut prendre la " vérité."

Et comme à la suite de tout cela je terminais par mon grand étonnement qu'il n'eût pas fait des efforts pour conserver l'épée du Grand-Frédéric. "Mais j'avais la mienne," a-t-il repris avec une douceur de voix et un souris tout particuliers, et

me serrant légèrement l'oreille. Et au fait il avait raison, je lui disais là une grosse bêtise.

Plus tard, il revenait sur ce qu'il avait voulu et ce qu'il eût dû, disait-il, en se remariant, épouser une Française. "C'était éminemment national," disait-il, "la France était assez grande, son mo

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narque assez puissant, pour pouvoir négliger "toute considération étrangère. D'ailleurs, l'alli"ance du sang entre souverains ne tient pas contre "les intérêts de la politique, et, sous ce rapport "même, ne prépare que trop souvent des scan"dales en morale aux yeux des peuples. Puis "c'est admettre une étrangère aux secrets de "l'État: elle peut en abuser; et si l'on compte "soi-même sur les siens au-dehors, on peut se "trouver n'avoir posé le pied que sur un abîme "recouvert de fleurs. En tout, c'est une chimère "que de croire que ces alliances garantissent ou "assurent jamais rien."

Quoiqu'il en soit, la mesure d'un nouveau mariage transporta d'aise les citoyens sages qui cherchaient un avenir. Napoléon, peu de jours après cette détermination, dit à un de ses ministres (le Duc de Decrès), dans un moment de gaîté: "On "est donc bien joyeux de mon mariage. Oui, "Sire, beaucoup.-J'entends, c'est qu'on suppose que le lion s'endormira. - Mais Sire, pour dire "le vrai, nous y comptons un peu. Eh bien ! "dit Napoléon, après quelques instans de silence: "l'on se trompe, et ce n'est pas aux vices du lion

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qu'il faudra s'en prendre. Le sommeil lui serait "aussi doux peut-être qu'à tout autre. Mais ne voyez-vous pas qu'avec l'air d'attaquer sans cesse, je ne suis pourtant jamais occupé qu'à me défendre." Cette assertion a pu laisser des doutes tant qu'a duré la lutte terrible; mais la joie et les indiscrétions de la victoire sont venues depuis consacrer la vérité. On a vu les uns se vanter qu'ils auraient continué la guerre jusqu'à ce qu'ils eussent abattu leur ennemi; qu'ils n'avaient jamais eu d'autre pensée. D'autres n'ont pas craint de publier que c'était sous le masque des alliances et de l'amitié même qu'ils avaient ourdi le complot de sa chute!!!...

Aujourd'hui et les deux jours suivans ont été pour moi remplis par une tracasserie qui m'était personnelle, et qui a trop influé sur mes destinées pour que je ne la mentionne pas ici. Depuis mon séjour à Longwood, j'avais pour domestique un jeune habitant de l'île, mulâtre libre, dont j'avais lieu d'être fort content; tout à coup il prit fantaisie à Sir Hudson Lowe de m'en priver.

Poussé par son occupation ingénieuse à nous tourmenter, ou comme beaucoup d'autres se sont obstinés à le penser, par suite d'un plan perfidement combiné, il me dépêcha l'officier de garde Anglais, pour m'annoncer qu'ayant conçu quelques inquiétudes sur ce que mon domestique était

* Observateur Autrichien, 1817 ou 1818.

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natif de l'île, il allait me le retirer, et le remplacerait par un autre de son choix. Ma réponse fut simple et positive: "Le Gouverneur, disais-je, pouvait m'enlever mon domestique si cela lui plaisait; mais il devait s'épargner le peine de le remplacer par un autre de son choix. J'appre"nais chaque jour, à me détacher des jouissances "de la vie. Je saurais, au besoin, me servir de "mes propres mains: cette privation de plus se"rait peu de chose au milieu des souffrances dont "il nous entourait."

Alors commencèrent à ce sujet une foule de messages et de notes. Sir Hudson Lowe écrivait jusqu'à 3 ou 4 fois par jour à l'officier de garde chargé de me donner autant de communications. Sir Hudson Lowe ne comprenait pas mes difficultés, disait-il, et n'imaginait pas quelle objection je pouvais avoir contre un domestique donné de sa main. . . . Celui qu'il aurait choisi en vaudrait bien un autre..... Son offre de le choisir lui-même n'était qu'une attention de sa part, etc. etc....

Je souffrais des allées et venues du pauvre officier, et j'en étais fatigué pour mon compte. Je le priai donc, pour épargner ses pas, d'assurer le Gouverneur que ma réponse demeurerait toujours la même; savoir: qu'il pouvait bien m'enlever mon domestique; mais qu'il ne devait pas songer à m'en faire accepter un de son choix; qu'il pouvait bien mettre garnison chez moi par la force, mais non jamais de mon propre consentement.

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