Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

âges! Si, d'un côté, le cœur se soulève d'indignation, de l'autre, il est délicieusement ému ! ...

[ocr errors]

L'Empereur a dicté à Sainte-Hélène l'époque de Fontainebleau et le voyage à l'île d'Elbe: ma mémoire ne me permettrait pas d'oser en rien citer; je n'en ai point pris de note; j'avais pour règle, afin d'abréger mon propre travail, de ne m'arrêter sur aucun des objets dictés à d'autres, sachant qu'ils demeuraient assurés. Nous jouirons, d'ailleurs, avec le temps, de la publication de ce récit. Je ne donnerai donc ici que quelques détails que je suppose ne devoir pas s'y trouver, et que j'ai recueillis des conversations de Napoléon, ou d'autres sources incontestables.

[ocr errors]

Dès que les désastres de 1814 furent prononcés, que le péril devint imminent, depuis surtout l'entrée des alliés à Paris, beaucoup de généraux furent ébranlés; ceux chez qui l'égoïsme l'emporta sur la patrie, ceux qui préféraient les jouissances au devoir, à l'honneur, à la gloire, poussèrent dèslors à la catastrophe, au lieu de chercher à la combattre. Les premiers chefs se hasardèrent à conseiller l'abdication; ils la montrèrent comme indispensable; quelques-uns furent même jusqu'à' laisser entrevoir à l'Empereur qu'ils ne répondraient pas du mécontentement ni de la fureur de leurs soldats contre lui; tandis qu'au contraire, nous disait Napoléon, "leur affection était telle ❝et le dévouement des officiers si exalté, que si "à mon tour je leur eusse fait connaître les maTOмE IV. Septième Partie.

L

"chinations qui se tramaient, j'aurais certaine"ment mis en péril les coupables; il m'eût suffi "d'un mot pour les faire mettre en pièces." En effet, l'Empereur ordonna une revue: les acclamations des soldats furent universelles; et comme si l'infortune le leur eût rendu plus cher, jamais leur amour ne se montra davantage. "Et l'iden"tité de ces braves avec moi," disait Napoléon, "notre sympathie étaient telles, qu'il n'en pou"vait guère être autrement: je n'en avais jamais “douté."

Dans cette extrémité, l'Empereur médite profondément sur ce qui lui demeure à faire. Il lui restait de 40 à 50 mille soldats, les meilleurs, les plus devoués de l'univers; il pouvait à son gré maîtriser les généraux infidèles, ou les expulser sans inconvénient. Dans cet état de choses, trois partis se présentaient à son esprit.

Le premier était de rentrer à Paris; car il ne pensait pas qu'il existât un général assez hardi sur la terre pour oser le combattre, avec cette immense capitale sur ses derrières, "Toute sa po

66

pulation n'eût pas manqué de s'insurger à ma "voix," disait l'Empereur, "je m'y serais subite"ment recruté de cent ou deux cent mille hom"mes; mais les alliés, en se retirant, eussent pu "brûler Paris; et ce désastre eût été considéré "comme mon ouvrage. Ce n'est pas que l'incendie "de Paris n'eût pu devenir au fond le salut de la "France, comme l'incendie de Moscou avait été

2

"celui de la Russie; mais il est de tels sacrifices, qu'il n'appartient qu'aux intéressés seuls de les "exécuter."

Le second parti était de gagner l'Italie, et de se joindre au Vice-Roi: "Mais c'était," disait Napoléon," celui du désespoir, sans un résultat "analogue. Ce théâtre était si éloigné, que les "esprits eussent eu le temps de se refroidir; et puis ce n'eût plus été la France; or, ce sol sacré pouvait seul, sous nos pieds, nous porter aux prodiges devenus indispensables."

[ocr errors]

66

66

Aucun des deux premiers partis n'était praticable; restait le troisième, qui consistait à se tenir sur la défensive, à disputer le terrain pied à pied, et entretenir la guerre jusqu'à des chances nouvelles. L'engouement qu'avaient pu créer les alliés se dissiperait bientôt, les maux qu'ils allaient faire peser ne tarderaient pas à leur attirer l'exécration universelle; la ferveur nationale se réveillerait et les alliés pouvaient encore trouver leur tombeau sur le sol qu'ils avaient osé violer. Mais cela devait nécessairement être long; et en somme, les succès étaient douteux, ou du moins éloignés, tandis que la souffrance des peuples serait certaine, immédiate, incalculable. La grande aine de Napoléon s'en émeut, et il se décide à l'abdication.

Toutefois il dépêche à Alexandre le Duc de Vicence et une députation de Maréchaux, dans lesquels il comprend le Duc de Raguse, un de ceux qu'il chérit davantage. Ils étaient chargés d'offrir

l'abdication de Napoléon en faveur de son fils. L'Empereur espérait par là faire encore quelque chose pour la France; ménager son indépendance et assurer la durée de ses institutions actuelles. Alexandre, qui, déjà depuis plusieurs jours, avait donné une déclaration publique par laquelle il annonçait ne vouloir plus traiter avec Napoléon ni aucun des membres de sa famille, fit néanmoins débattre la chose contradictoirement avec le parti du Sénat qui avait prononcé la déchéance. Les Maréchaux parlaient vivement et au nom de toute l'armée. Alexandre en était ébranlé, et le parti de la régence semblait devoir l'emporter, quand arrive la nouvelle de la défection du Duc de Raguse, qui raffermit aussitôt Alexandre dans sa détermination antérieure. Cette circonstance nou`velle devient un trait de lumière à ses yeux; l'armée n'est donc pas unanime? Et dès-lors, écartant tout ménagement, il se prononce inflexible. Dans cet état de choses on revient vers Napoléon, on l'entoure, on le presse, on le harasse pour son abdication pure et simple. Il cède, non sans de grands combats intérieurs, et la dicte en ces

termes :

[ocr errors]

"Les puissances alliées ayant proclamé que l'Empereur Napoléon était le seul obstacle au "rétablissement de la paix en Europe, l'Empe"reur Napoléon, fidèle à son serment, déclare "qu'il renonce, pour lui et ses héritiers, aux "trônes de France et d'Italie, parce qu'il n'est

66

aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'intérêt de la "France."

Cette déclaration, que les alliés étaient loin d'attendre aussi complète, aplanit tout, et les maréchaux reviennent avec ce qu'on a appelé le traité de Fontainebleau, qu'on va trouver quelques pages plus bas.

Je lis dans le manuscrit de 1814, de M. le Baron Fain, l'entière explication de certaines paroles de l'Empereur, que j'avais transcrites dans le temps. sans les comprendre précisément. précisément. On trouve, dans la 5me partie du Mémorial; que l'Empereur, parlant du traité de Fontainebleau, dit: "Je ne "veux point de ce traité, je le renie, je suis loin "de m'en vanter, j'en rougis plutôt; on l'a dis"cuté pour moi contre mon gré, etc." Et dans un autre endroit: "Quand on connaîtra toute "l'histoire des événemens de Fontainebleau, on "aura lieu de s'étonner beaucoup." C'est qu'en effet Napoléon ne voulait pas de ce traité, nous apprend le Manustrit de 1814. On eut toutes les peines du monde à le lui faire ratifier; on ne l'obtint qu'en alléguant de grandes vues publiques: il lui paraissait humiliant et tout à fait inutile. Survivant à tant de grandeurs, il lui suffisait de vivre désormais en simple particulier : il avait honte qu'un si grand sacrifice, offert à la paix du monde, se trouvât mêlé à des arrangemens pécuniaires. "A quoi bon un traité," disait-il, "puisqu'on ne veut

« ZurückWeiter »