Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

"elle demeure toujours froide, elle ne pardonne "jamais, etc. etc."

Dans un autre moment, et à la suite d'antécédens, il a dit: "Toutes les institutions ici bas ont "deux faces: celle de leurs avantages et celle de "leurs inconvéniens; on peut donc, par exemple, "soutenir et combattre la république et la mo"narchie. Nul doute qu'on ne prouve facile"ment, en théorie, que toutes deux également "sont bonnes et fort bonnes; mais, en application, "ce n'est plus aussi aisé." Et il arrivait à dire que l'extrême frontière du gouvernement de plusieurs était l'anarchie; l'extrême frontière du gouvernement d'un seul, le despotisme; que le mieux serait indubitablement un juste milieu, s'il était donné à la sagesse humaine de savoir s'y tenir. Et il remarquait que ces vérités étaient devenues banales, sans amener aucun bénéfice; qu'on avait écrit, à cet égard, des volumes jusqu'à satiété, et qu'on en écrirait grand nombre encore, sans s'en trouver beaucoup mieux, etc. etc.

66

Plus tard, il lui est arrivé de dire encore:

" Il

n'y a point de despotisme absolu, il n'en est que "de relatif; un homme ne saurait impunément en "absorber un autre. Si un Sultan fait couper des "têtes à son caprice, il perd facilement aussi la

sienne, et de la même façon. Il faut que l'excès "se déverse toujours de côté ou d'autre; ce que "l'Océan envahit dans une partie, il le perd ail"leurs; et puis il est des mœurs, certains usages

contre lesquels viennent se briser toute puis66 sance. Moi, en Egypte, conquérant, dominateur, maître absolu, exerçant les lois sur la popu"lation par de simples ordres du jour, je n'aurais pas osé faire fouiller les maisons, et il eût été "hors de mon pouvoir d'empêcher les habitans de

[ocr errors]

66

[ocr errors]

parler librement dans les cafés. Ils y étaient plus libres, plus parleurs, plus indépendans qu'à "Paris: s'ils se soumettaient à être esclaves ail"leurs, ils prétendaient et voulaient être libres là. "Les cafés étaient la citadelle de leurs franchises, "le bazar de leurs opinions. Ils y déclamaient et 'jugeaient en toute hardiesse: on n'eût pû venir "à bout de leur fermer la bouche. S'il m'est ar"rivé d'y entrer, on s'y inclinait devant moi, il est vrai; mais c'était affaire d'estime personnelle; j'étais le seul, on ne l'eût pas fait pour mes lieu"tenans, etc. etc.

[ocr errors]

66

66

[ocr errors]

Quoiqu'il en soit, disait-il, à la suite d'autres objets, voici le pouvoir de l'unité et de la con"centration, ce sont des faits propres à frapper "même le dernier vulgaire. La France, livrée aux tiraillemens de plusieurs, allait périr sous

66

66

les coups de l'Europe réunie; elle met le gou"vernail aux mains d'un seul, et aussitôt, moi, "Premier Consul, je donne la loi à toute cette "même Europe.

"Ce fut un singulier spectacle que de voir les "vieux cabinets de l'Europe ne pas juger l'importance d'un tel changement, et continuer à se

66

"conduire avec l'unité et la concentration, comme "ils l'avaient fait avec la multitude et l'éparpil"lage. Ce qui n'est pas moins remarquable, c'est que Paul, qui a passé pour un fou, fut le pre"mier qui, du fond de sa Russie, apprécia cette "différence; tandis que le ministère Anglais, ré

[ocr errors]

66

puté si habile et de tant d'expérience, fut le "dernier." "Je laisse de côté les abstractions de "votre révolution, m'écrivait Paul, je me tiens à "un fait, il me suffit; à mes yeux vous êtes un gouvernement, et je vous parle, parce que nous pouvons nous entendre, et que je puis traiter."

[ocr errors]

66

66

"Quant au ministère Anglais, il me fallut vaincre et forcer partout à la paix, l'isoler alsolu"ment du reste de l'Europe pour parvenir à m'en "faire écouter; et encore n'entra-t-il en pourpar"ler avec moi qu'en se traînant dans les ornières "de la vieille routine. Il essayait de m'amuser

[ocr errors]

par des longueurs, des protocoles, des formes, "des étiquettes, des antécédens, des incidens, que "sais-je? Je ne fis qu'en rire, je me sentais si "puissant!!!

"Un terrain tout nouveau demandait des pro"cédés tout nouveaux ; mais les négociateurs An

66

glais ne semblaient se douter ni du temps, ni "des choses, ni des hommes. Ma manière les "déconcerta tout-à-fait. Je débutai avec eux en

66

66

66

diplomatie comme j'avais fait ailleurs dans les armes. Voici mes propositions, leur dis-je tout d'abord; nous sommes maîtres de la Hollande,

"de la Suisse, je les abandonne contre les restitu“tions que vous aurez à faire à nous ou à nos "alliés; nous sommes maîtres aussi de l'Italie,

[ocr errors]

j'en abandonne une partie, et conserve l'autre, "afin de pouvoir diriger et garantir l'existence et "la durée du tout: voilà mes bases; à présent "édifiez autour ce qu'il vous plaira, peu m'im

66

porte; mais le but et le résultat doivent de"meurer tels; je n'y changerai rien. Je ne pré"tends point acheter de vous des concessions ; "mais faire des arrangemens raisonnables, honor"ables et durables; voilà mon cercle. Vous ne "vous doutez pas, à ce que je vois, ni de nos "situations ni de nos moyens respectifs; je ne "crains ni vos refus, ni vos efforts, ni tous les "embarras que vous pourriez me créer ; j'ai les "bras forts, je ne demande qu'à porter."

"Ce langage inusité, continuait l'Empereur, eut "son effet; on n'avait prétendu que nous amuser "à Amiens, et l'on y traita sérieusement. Ne "sachant par où me toucher, ils m'offrirent de me “faire roi de France. J'en levai les épaules de pitié. Ils s'adressaient bien.. Roi par la grâce "de l'étranger!.. Moi qui me trouvais déjà sou"verain par la volonté du peuple!..

[ocr errors]

66

[ocr errors]

"L'ascendant que je m'étais donné était tel, que durant les négociations même, je me fis ad"juger par les Italiens la présidence de leur république, et que cet acte, qui, dans la diplo"matie ordinaire de l'Europe, eût enfanté tant

66

66

[ocr errors]

d'incidens, n'interrompit, n'arrêta rien: on n'en "conclut pas moins, tant ma brusque franchise "m'avait plus servi que n'eussent pu faire toutes "les finasseries d'usage. Bien des pamphlets et "bien des manifestes qui ne valent guère mieux, "m'ont accusé de perfidie, de manquer de foi et "de parole dans mes négociations : je ne le méri"tai jamais; les autres cabinets, toujours.

"A Amiens, du reste, a-t-il dit, je croyais de "très-bonne foi, le sort de la France, celui de "l'Europe, le mien, fixés; la guerre finie. C'est "le cabinet Anglais qui a tout rallumé; c'est à lui "seul que l'Europe doit tous les fléaux qui ont "suivi, lui seul en est responsable; pour moi 'j'allais me donner uniquement à l'administration "de la France, et je crois que j'eusse enfanté des "prodiges. Je n'eusse rien perdu du côté de la

66

66

gloire, mais beaucoup gagné du côté des jouis"sances; j'eusse fait la conquête morale de l'Europe, comme j'ai été sur le point de l'accomplir par les armes. De quel lustre on m'a privé!

66

66

66

66

66

[ocr errors]

"On ne cesse de parler de mon amour pour la guerre; mais n'ai-je pas été constamment occupé à me défendre? Ai-je remporté une seule grande victoire, que je n'aie immédiatement proposé la paix ?

"Le vrai est que je n'ai jamais été maître de mes "mouvemens; je n'ai jamais été réellement tout" à fait moi.

"Je puis avoir eu bien des plans; mais je ne

« ZurückWeiter »