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Que sont d'ailleurs les obstacles quand on éprouve le noble désir de les surmonter? L'horreur de la tyrannie, l'amour de la vérité et des lois sont aussi des passions. Si l'écrivain est pénétré, c'est pour lui un attrait invincible', plutôt encore qu'un devoir, de flétrir la bassesse et le crime, d'honorer la vertu et le .courage.

Telles sont, nous osons le dire, les seules passions dont nous ayons été animé en écrivant cette campagne de trois mois, si féconde en actions mémorables et en résultats décisifs. Les annales politiques et militaires des nations n'avoient point encore offert de si grands tableaux à l'intérêt et à la méditation des hommes toutes les leçons de l'histoire s'y trouvent réunies.

Le temps est venu de publier et de discuter des faits qui appartiennent autant aux contemporains qu'à la postérité. Réhabilitons l'histoire parmi nous, après y avoir ramené la liberté civile et politique avec la légitimité du

pouvoir suprême : «< Heureux temps que celui » où il est permis de dire tout ce qu'on pense, » et de penser tout ce qu'on dit, » s'écrioit l'iniamitable Tacite au sortir de la tyrannie sanglante de Domitien, et sous le règne du vertueux Nerva. Qui d'entre nous ne saisit la justesse de ce rapprochement ?

Le premier besoin des tyrans est de condamner leurs esclaves à l'ignorance; d'envelopper de mystère leur marche tortueuse et leurs actions criminelles. Jamais dominateur n'a mieux connu cet art que l'astucieux Napodéon.

Toutes les sources de la vérité étoient empoisonnées ou taries; toutes les issues qui pouvoient conduire vers elle étoient obstruées ou fermées. Tout à coup le voile épais qui la couvroit se déchire à nos yeux, et l'histoire, miroir de la vérité, apparoît de nouveau comme un frein que nul homme, nul potentat ne pourra plus éluder ni braver.

Mais n'y a-t-il ni inconvéniens ni dangers

nous,

à instruire le procès de la tyrannie, tandis que ses plus fermes soutiens, ses fauteurs les plus ardens existent encore; tandis que, possesseurs paisibles des riches produits de leur lâcheté et de leur turpitude, ils n'ont contre eux que les vagues échos de l'opinion publique? Rappeler les crimes et les extravagances de cette déplorable époque, n'est-ce pas ranimer les haines, réveiller les ressentimens, allumer les vengeances? Non, répondronsc'est remplir les devoirs pénibles, mais nécessaires de l'histoire qui, sans acception de partis, d'époque et d'opinion, juge les actions des peuples et des rois ; c'est évoquer le passé pour l'instruction de l'avenir; et maintenant que le souvenir de nos dissensions et le bruit de nos chaînes viennent mourir au pied d'un trône où la sagesse et la clémence sont assises avec le meilleur des rois, la justice des siècles commence pour ces longues années de nos erreurs et de nos excès. Du haut de son tribunal inflexible, l'histoire réclame le té

moignage des contemporain sp our en tirer les lumières qui doivent éclairer ses jugemens. Sa mission est de livrer à jamais au blâme ou à l'estime, au mépris ou à l'admiration les hommes qui désolent ou consolent l'univers. En vain réclameroient-ils l'oubli du passé; ils ont paru sur la scène du monde, et il n'est point en leur pouvoir d'échapper aux souvenirs : l'histoire est là qui les attend; ils sont condamnés à entendre les applaudissemens ou les cris d'indignation des peuples instruits par une tradition fidèle. Sont-ils descendus vicans du theâtre politique, il ne reste plus d'eux que leurs actions attestées par des milliers de témoins, et eux-mêmes sont là pour rétablir les faits si les témoignages sont dictés par la passion ou par l'intérêt. Des plaintes vagues, des accusations mensongères seroient sans aucun poids devant le grand jury des siècles, qui pèse toutes les réputations dans la balance de l'impartialité.

Mais que d'objections se présentent encore?

de

par

Ne demandera-t-on pas si l'historien est exempt lui-même de préventions, de haines, tialité? s'il jouit de toute l'indépendance que réclame la liberté des opinions et des jugemens? N'ira-t-on pas jusqu'à l'envelopper dans ces allégations si souvent reproduites contre les gens de lettres en général? Quelle confiance, dira-t-on, peuvent inspirer leurs écrits ? Depuis près de dix ans, la littérature politique n'a-t-elle pas été parmi nous mercenaire, décriée, flétrie par le souffle empoisonné du despotisme? Un concours sembloit ouvert pour obscurcir la vérité et pour dégrader la nation les gens de lettres s'y sont présentés en foule, et ils ont trafiqué de la patrie comme d'une marchandise. Panégyristes outrés du pouvoir, sous quelque forme qu'il se présente, ne les a-t-on pas vus préconiser le crime, se prosterner au pied du trône de l'usurpateur, grossir la foule de ses émissaires et de ses satellites? Ne les a-t-on pas vus tendre les mains aux ministres de l'idole, pour rece

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