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l'intégrité de l'Etat. Invasions extraordinaires, marches surprenantes, provinces subjuguées, convulsions populaires; villes surprises, abandonnées ou défendues; combats multipliés, batailles sanglantes, actions héroïques, mélange de succès et de revers, de négociations politiques et d'opérations militaires; incidens brusques, vicissitudes inouïes; toutes les nations de l'Europe dans l'arène; Paris menacé, délivré; attaqué tout-à-coup, défendu et conquis par la magnanimité ; la puissance d'un despote extravagant et superbe se dissipant comme les nuées orageuses devant les rayons d'un soleil bienfaisant; une monarchie de quatorze siècles renaissant, pour ainsi dire, de ses cendres, aux acclamations unanimes de la France et de l'Europe: telle est la masse des événemens divers que présente le tableau de la campagne mémorable de 1814; tel a été l'heureux dénoûment du grand drame qui a tenu l'univers en suspens. L'esprit encore frappé de ce spectacle nouveau, je veux essayer d'en rassembler les traits fugitifs, d'en retracer toutes les scènes. Ces faits immortels ne sontils pas déjà le patrimoine de l'histoire? Un tel corps d'ouvrage ne sauroit être prématuré, quand la vérité a repris son empire. Il offrira

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les

d'ailleurs de si utiles leçons, il rappellera des circonstances si dignes de mémoire, que contemporains me sauront gré peut-être de les avoir recueillies et d'avoir osé prendre, en quelque sorte, l'initiative sur le jugement de la postérité.

Jetons d'abord un coup d'œil rapide sur le caractère et sur l'élévation du personnage fameux dont l'ambition insatiable a forcé l'Europe entière de s'armer contre lui.

Lorsque l'oubli des devoirs, la corruption des mœurs, l'égarement des esprits et une sorte de dégoût du bonheur public firent éclater parmi nous les discordes civiles, on vit une révolution 'irrésistible tout renverser comme un torrent, immoler un roi vertueux, et parcourir toutes les modifications du gouvernement populaire. Selon l'expression de l'illustre Pitt, les Français traversèrent la liberté sans pouvoir s'y arrêter d'eux-mêmes. Mais on vit aussi pendant le sommeil des lois, tandis que des passions atroces se mêlorent à l'amour de la patrie; on vit, dans ces jours de terreur et de sang, la France briller du plus grand éclat militaire, et ses forces colossales abattre les coalitions formées pour la délivrer du monstre de l'anarchie. On devoit

d'autant moins s'en étonner, que l'élan des peuples n'est jamais plus redoutable que dans les bouleversemens politiques.

Après sept années de guerres et de convulsions, en 1799, la France se trouva me-. nacée d'une confédération plus formidable encore, et dont le succès eût compromis son indépendance. Entamée au nord, envahie dans ses conquêtes du midi, déchirée dans son intérieur, épuisée dans ses finances, désorganisée dans son administration, la France, ou plutôt quelques chefs de la révolution française, fatigués d'une si longue tourmente, songèrent à se reposer sous l'égide du gouvernement d'un seul. Il étoit visible que ce changement, par une transition naturelle, devoit conduire à une sorte de dictature militaire. On l'offrit à deux capitaines que la guerre venoit d'illustrer : l'un refusa par modestie; c'étoit Moreau : l'autre, n'ayant point encore de trophées assez éclatans, ambitionna le commandement en chef d'une armée, dans l'espérance dereconquérir l'Italie et d'arriver au pouvoir sous les auspices de la victoire; c'étoit Joubert. La fortune le repousse à Novi, et, avant même la perte de la bataille,. un coup mortel, parti d'une main inconnue,

lui arrache la vie. Sa mort, suspecte, laissoit aux prises plusieurs partis acharnés dans l'intérieur. Tous les esprits étoient dans l'attente, lorsque, des bords du Nil, accournt sur les côtes de Provence le général Buonaparte, ce Corse déjà si fier d'avoir, jeune encore, rempli du bruit de son nom, l'Italie et la France, l'Europe et l'Egypte.

par

Remontons à l'origine de sa fortune. Né avec un caractère opiniâtre, un esprit inquiet, exalté, un cœur inflexible, Buonaparte, rongé la fièvre d'une ambition dévorante, avoit sú profiter pour s'élever d'un jour de larmes. et de deuil. Le sang des Parisiens fut son premier titre de gloire, l'Italie sa première proie. Doué d'une mémoire immense, d'une volonté indomptable, d'un coup d'œil sûr dans les batailles, il subjuguoit la fortune, qui lui ouvroit une route facile vers la domination. Prodigue des dépouilles de l'Italie conquise, il eut bientôt en France un parti, fortifié par l'enivrement qu'inspiroient à une nation belliqueuse des victoires qui sembloient tenir du prodige. Mais des esprits clairvoyans soupçonnèrent ses vues secrètes. On n'avoit pas remarqué sans inquiétude ce jeune capitaine affectant de créer dans son armée la race

des braves, comme si la valeur n'eût pas été le trait distinctif de toutes les armées françaises. La paix, ou plutôt une trève, qui fut aussi son ouvrage, donna plus d'essor encore à ses prétentions. Alors, soit crainte, soit prudence, les chefs du gouvernement se décident à l'éloigner avec ses plus braves soldats, sous le prétexte de porter les lois de la liberté dans les antiques domaines des Pharaons et des Ptolémées: c'étoit un exil honorable. Soixante mille Français abordent en Egypte.

Là c'est au nom de la liberté, de la raison et des arts que le conquérant de l'Italie se baigne dans le sang des Egyptiens, des Turcs et des Mamelucks. Toutefois ses talens militaires rencontrent un premier écueil au pied des murailles d'une ville de la Syrie. Humilié à Saint-Jean-d'Acre, sans flotte, sans secours,'

presque sans espoir, Buonaparte apprend que la France est déchirée de nouveau. L'instant lui paroît propice pour l'accomplissement de ses desseins; trahissant son armée, il vient en fugitif s'emparer du souverain pouvoir, secondé par de lâches magistrats qui proclament un maître pour se perpétuer dans les charges.

Aucune autorité n'est plus absolue que celle

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