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fusoit obstinément de sortir de sa cellule des pères de l'Oratoire, elle se mit entre les mains du cardinal Mazarin.

Vous pouvez juger qu'il ne me fut pas difficile de trouver ma place dans ces momens, dans lesquels d'ailleurs on ne refusoit rien. Et La Feuillade, père de celui que vous voyez à la cour, disoit qu'il n'y avoit plus que quatre petits mots dans la langue française: La Reine est si bonne!

Madame de Maignelay et M. de Lizieux demandéèrent la coadjutorerie pour moi; et la Reine la leur refusa, en leur disant qu'elle ne l'accorderoit qu'à mon père, qui ne vouloit point du tout paroître au Louvre. Il y vint enfin une unique fois. La Reine lui dit publiquement qu'elle avoit reçu ordre du feu Roi, la veille de sa mort, de me la faire expédier; et qu'il lui avoit dit, en présence de M. de Lizieux, qu'il m'avoit toujours eu dans l'esprit depuis les deux aventures de l'épinglière et de Coutenau. Quel rapport de ces deux bagatelles à l'archevêché de Paris! Et voilà toutefois comme la plupart des choses se font.

Tous les corps vinrent remercier la Reine. Losières, maître des requêtes et mon ami particulier, m'apporta seize mille écus pour mes bulles. Je les envoyai à Rome par un courrier, avec ordre de ne point demander de grâces, pour ne point différer l'expédition, et pour ne laisser aucun temps aux ministres de la traverser. Je la reçus la veille de la Toussaint. Je

offre fut une ruse de Mazarin. Voyez, sur Philippe-Emmanuel, la note de la page 88.

montai le lendemain en chaire dans Saint-Jean pour y commencer l'avent, que je prêchai. Mais il est temps de prendre un peu d'haleine.

Il me semble que je n'ai été jusqu'ici que dans le parterre, ou tout au plus dans l'orchestre, à jouer et à badiner avec les violons. A présent je vais monter sur le théâtre, où vous verrez des scènes, non pas dignes de vous, mais un peu moins indignes de votre attention.

LIVRE SECOND.

JE commençai mes sermons de l'avent dans SaintJean en Grève le jour de la Toussaint, avec le concours naturel à une ville aussi peu accoutumée que l'étoit Paris à voir ses archevêques en chaire. Le grand secret de ceux qui entrent dans ces emplois est de saisir d'abord l'imagination des hommes par une action que quelques circonstances leur rendent particulière.

Comme j'étois obligé de prendre les ordres, je fis une retraite dans Saint-Lazarre, où je donnai à l'extérieur toutes les apparences ordinaires. L'occupation de mon intérieur fut une grande et profonde réflexion sur la manière que je devois prendre pour ma conduite. Elle étoit très-difficile: je trouvois l'archevêché de Paris dégradé, à l'égard du monde, par les bassesses de mon oncle, et désolé, à l'égard de Dieu, par sa négligence et par son incapacité. Je prévoyois des oppositions infinies à son rétablissement: et je n'étois pas si aveugle que je ne connusse que la plus grande et la plus insurmontable étoit dans moi-même. Je n'ignorois pas de quelle nécessité est la règle des mœurs à un évêque. Je sentois que le désordre scandaleux de celles de mon oncle me l'imposoit encore plus étroite et plus indispensable qu'aux autres ; et je sentois en même temps que je n'en étois pas capable,

et que tous les obstacles de conscience et de gloire que j'opposerois au déréglement ne seroient que des digues fort mal assurées. Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein: ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde; parce qu'en le faisant ainsi, l'on y met toujours des préalables qui en couvrent une partie, et parce que l'on évite par ce moyen le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre profession, qui est celui de mêler à contre-temps le péché avec la dévotion.

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Voilà la sainte disposition avec laquelle je sortis de Saint-Lazarre. Elle ne fut pourtant pas de tout point mauvaise car j'avois pris une ferme résolution de remplir exactement tous les devoirs de ma profession, et d'être aussi homme de bien pour le salut des autres, que je pourrois être méchant pour moi-même.

M. l'archevêque de Paris, qui étoit le plus foible de tous les hommes, étoit, par une suite assez commune, le plus glorieux. Il s'étoit laissé précéder partout par les moindres officiers de la couronne, et il ne donnoit pas la main dans sa propre maison aux gens de qualité qui avoient affaire à lui. Je pris le chemin tout contraire: je donnai la main chez moi à tout le monde jusqu'au carrosse, et j'acquis par ce moyen la réputation de civilité à l'égard de beaucoup de gens, et même d'humilité à l'égard des autres. J'évitai sans affectation de me trouver aux lieux de cérémonie avec les personnes d'une condition fort relevée, jusqu'à ce que je me fusse tout-à-fait coǹfirmé dans cette réputation : et quand je crus l'avoir

établie, je pris l'occasion d'un contrat de mariage pour disputer le rang de la signature à M. de Guise.

J'avois bien étudié et bien fait étudier mon droit, qui étoit incontestable dans les limites du diocèse. La préséance me fut adjugée par arrêt du conseil ; et j'éprouvai en cette rencontre, par le grand nombre de gens qui se déclarèrent pour moi, que descendre jusqu'aux petits est le plus sûr moyen pour s'égaler aux grands. Je faisois ma cour une fois la semaine à la messe de la Reine, après laquelle j'allois presque toujours dîner chez M. le cardinal Mazarin, qui me traitoit fort bien, et qui étoit dans la vérité très-content de moi, parce que je n'avois voulu prendre aucune part dans la cabale que l'on appeloit des importans, quoiqu'il y en eût d'entre eux qui fussent extrêmement de mes amis. Peut-être ne serez-vous pas fâchée que je vous explique ce que c'étoit que cette cabale.

M. de Beaufort, qui avoit le sens beaucoup au dessous du médiocre, voyant que la Reine avoit donné sa confiance à M. le cardinal Mazarin, s'emporta de la manière du monde la plus imprudente. Il refusa tous les avantages qu'elle lui offrit avec profusion: il fit vanité de donner au monde toutes les démonstrations d'un amant irrité. Il ne ménagea en rien Monsieur; il brava dès les premiers jours de la régence feu M. le prince (1). Il l'outra ensuite par la déclaration publique qu'il fit contre madame de Longueville (2) en faveur de madame de Montbazon (3), qui véritablement n'a

(1) Henri de Bourbon, second du nom, mort en 1646. (A. E.) — (2) Anne-Geneviève de Bourbon, fille de Henri de Bourbon, prince de Condé ; morte en 1679. ( A. E.) — (3) Marie de Bretagne, fille de Claude

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