Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

nistre et maréchal de France, se ressouvint de ce dépôt, et engagea M. Anquetil à le mettre en état de paraître au jour. Cet écrivain expéditif publia, en 1784, La Vie du maréchal de Villars écrite par lui-même. Les lacunes sont remplies et les convenances observées. L'ouvrage du maréchal est méconnaissable; mais il est imprimé avec approbation et privilège, avantages dont je crois qu'aucuns mémoires historiques n'avaient encore joui en France. Peut-être ce livre, ainsi transfiguré, en vaut-il mieux. Mais enfin il est dépouillé de ses qualités naturelles; il ne forme plus qu'un témoignage vague et mort, privé des caractères qui permettaient de l'apprécier; cependant ces Mémoires mutilés par Anquetil sont à peu près le seul guide des historiens qui ont cru nous faire connaître le ministère de M. le Duc. Ce guide est bien peu sûr si on ne répare pas ses omissions et ses méprises par les correspondances du comte de La Marck, du cardinal de Polignac, du maréchal de Tessé, du comte de Merville et du prince de Condé lui-même.

Les six volumes qu'on appelle improprement les Mémoires de Noailles ne sont qu'un dépouillement de pièces historiques qui avaient été recueillies par le dernier maréchal de ce nom. L'abbé Millot a été gêné, dans ce travail, par l'intérêt de la famille qui l'en avait chargé, et par une foule

d'autres considérations. Cet embarras se fait sur

tout sentir dans les deux derniers volumes qui commencent à la mort de Louis XIV. Les pièces justificatives y sont de peu d'importance, et la franchise des révélations n'y dédommage point le lecteur de la sécheresse inévitable de cette sorte d'ouvrages. La relation la moins incomplète qui s'y trouve est celle des intrigues du duc de SaintAignan en Espagne, et cependant on verra que les circonstances les plus curieuses en sont omises. A la mort du cardinal de Fleury, une correspondance familière commença entre Louis XV et le vieux maréchal; elle remplit seule quatre volumes in-folio manuscrits. L'abbé Millot cite à peine quelques phrases des lettres du jeune roi nouvellement émancipé. Ce silence, qu'on aura soin de réparer, nous a privés de plusieurs traits sous lesquels on ne trouvera de ce monarque qu'une physionomie imparfaite. Les Mémoires de Noailles, qu'on doit considérer comme un recueil estimable de matériaux historiques, eurent, au moment de leur publication en 1776, un succès qui ne s'est pas soutenu.

Je n'examinerai pas l'authenticité des Mémoires du maréchal de Berwick, quoique je doute qu'ils soient sortis bien intacts des mains du compilateur Margon. Une telle question serait oiseuse puisque ces Mémoires s'arrêtent à l'avènement de

[ocr errors]

Louis XV, et que, de l'aveu même de l'éditeur, la partie qui dépasse cette époque ne sort point de la plume du maréchal. Cette suite, quoique très-superficielle, ne l'est point encore assez pour déguiser l'ignorance du rédacteur.

Un anonyme publia, il y a quelques années, des Mémoires du maréchal de Tessé. Ils renferment un petit nombre de pièces dont la vérité m'a été prouvée par la comparaison que j'en ai faite avec les originaux. Je présume qu'ils furent rédigés long-temps après la mort de M. de Tessé, sur quelques documens trouvés dans ses papiers. Le style n'a aucune ressemblance avec les dépêches de ce vieillard aimable, qui fut un guerrier médiocre et un courtisan très-spirituel. Il ne prit part aux événemens du règne de Louis XV que par sa négociation avec Pierre-le-Grand, et par son ambassade d'Espagne. Pour éclaircir l'un et l'autre, j'ai puisé dans de meilleures sources que de prétendus mémoires.

Les Mémoires secrets de Duclos parurent en 1791, dix-neuf ans après la mort de l'auteur. Si l'on n'y cherche qu'un tableau de moeurs et des satires ingénieuses, on peut les regarder comme un chefd'œuvre d'esprit et de verve, où l'amour du juste et de l'honnête a consigné son dépit. Si on les considère comme une histoire du règne de Louis XV et c'était assez l'opinion de Duclos, il faut avouer

que la composition en est diffuse et heurtée, et qu'elle ne satisfait le lecteur ni par l'enchaînement des masses ni par la grandeur des résultats. Si, au contraire, on ne veut y voir qu'une utile collection de matériaux, je dirai que quelques-uns sont en effet précieux, mais que l'emploi du plus grand nombre réclame une critique attentive. Duclos s'est trop occupé à tremper des flèches dans le venin de Saint-Simon. Son impatience, sa vertu, son humeur le trompent souvent. Ses réflexions ont de la profondeur, et ses recherches sont légères. Je l'ai suivi dans la mine abondante qu'on lui avait ouverte, et j'ai partout reconnu qu'il s'était arrêté aux surfaces, ce qui l'a jeté, à son insu, dans beaucoup d'erreurs et d'injustices. Il était sur la route de la vérité dans la conspiration de Cellamare, dans le passage d'Albéroni en France, dans la révolte des petits nobles en Bretagne, et cependant à chaque instant il la néglige ou il s'en écarte. On s'étonne surtout que les détails les plus remarquables de l'insurrection bretonne, qui s'était passée dans sa province, et durant sa jeunesse, lui soient complètement inconnus. Malgré ces torts, les Mémoires de Duclos conserveront leur brillante réputation, et seront toujours lus comme l'étude singulièrement piquante des saillies d'un écrivain habile et des malices d'un homme de bien.

[ocr errors]

Parmi les œuvres posthumes de Marmontel, l'Histoire de la Régence a été peu remarquée; une division malheureuse, par ordre de matières, nuit au mouvement de sa narration. Quelques morceaux d'apparat, d'un style pur et soigné, ne dédommagent pas assez le lecteur de la monotonie du reste. Mariontel, venu trop tard, n'a rien appris de nouveau, et n'a rien rectifié. Comme Duclos, il tire ses matériaux des oeuvres de SaintSimon; mais il ne sait pas employer les caustiques aussi vivement que son confrère de l'académie. Pour en être plus graves, ses jugemens ne sont pas moins sévères que ceux de l'historien breton. Malgré leur intégrité, l'un et l'autre cédaient à l'esprit improbateur du dernier siècle.

« ZurückWeiter »