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murs de Thèbes, se sont mesurés à leur tour avec le typhus des Africains; et peut-être en auraientils irrévocablement pénétré tous les secrets, si plus de temps et plus de lieux d'observation eussent été donnés à leur génie et à leur intrépidité (1); et d'ailleurs la peste qui se glissa en rampant sous nos tentes, fut d'une nature timide et secondaire. Mais la véritable peste égyptienne, que nos soldats ne virent pas, est originaire de la Nubie; elle va par intervalle y retremper ses flèches, et redescend plus terrible dans les plaines du Nil. Serait-il donc indiscret de désirer que des émules de ces hommes généreux allassent à loisir étudier un fléau qui n'attaque l'occident qu'à l'improviste, et comparassent la contagion dans l'Egypte, la Syrie et le golfe Persique, où la nature la donne, et dans les murs de Constantinople, où elle semble cultivée de la main des hommes? Comme nulle terre n'est stérile devant d'habiles observateurs,

(1) Voyez les écrits publiés par les officiers de santé de l'armée d'Egypte, MM. Desgenettes, Larrey, Pugnet, Savaresi, Sotira et Boussenard. Je recommanderai le livre très-court de Savaresi, intitulé Recueil de mémoires et d'opuscules physiques et médicaux sur l'Egypte, non-seulement parce qu'il traite de la peste d'une manière rationnelle et philosophique, mais parce qu'il fournit sur le tempérament, les mœurs, les préjugés et les vices des habitans de l'Egypte, ces détails intérieurs qu'on cherche en vain dans les pompeuses descriptions, et ces vérités nues que Montaigne aimait tant, et qu'il n'est donné qu'à un médecin de connaître et surtout de dire.

qu'ils nous rapportent du commerce des barbares ce qui a surtout manqué aux Français dans la peste de Provence, et ce qui peut-être leur manquerait encore pour une aussi fatale épreuve, je veux dire l'extrême sagacité des médecins orientaux à discerner dans le typhus les premiers et les moindres signes de l'apparition morbide. Jusqu'à ce que tout ce mystère soit dévoilé, la sagesse et l'humanité nous conseilleront de redouter beaucoup la peste, tant qu'elle est éloignée, et de ne plus la craindre dès qu'elle est présente.

CHAPITRE XII.

Réconciliation avec l'Espagne.—Traités, alliances et mariages. Ambassadeur turc en France, réception et traitement.

TANDIS que la banque et la peste associaient leurs ravages, le Régent travaillait à conjurer un troisième fléau, par la réconciliation de l'Espagne. Il n'avait, à la vérité, combattu qu'à regret (1);

(1) Après la prise de Fontarabie, le Régent fit frapper une mé daille avec cette légende peu hostile: Pacis firmandæ ereptum pignus (gage enlevé pour l'assurance de la paix. ) Lorsqu'il maria sa fille

mais Philippe V n'avait signé la paix que par foree. On pouvait juger de la vivacité de ses ressentimens par les faveurs dont il accablait les réfugiés. Presque tous les régimens de cavalerie leur étaient donnés; Foucault de Magny devenait majordome de la reine et gouverneur des Infaus; le roi n'avait accédé à la quadruple alliance qu'après une conférence avec cet homme, qui passait en France pour un insensé; Lambilly et Ferrette avaient des missions de confiance. Cet accueil attirait chaque jour de nouveaux transfuges, et Marcillac, déserteur depuis la paix, était aussitôt créé lieutenantgénéral. Il n'entra jamais dans l'esprit de Philippe V que les traîtres qui avaient conspiré pour lui ne fussent pas de fidèles Français, et la fin tragique des quatre Bretons lui rendit encore plus cher ce sentiment qu'il conserva toute sa vie (1). Le crédit de ces fugitifs opposait aux désirs du duc d'Orléans une barrière d'autant plus incom

au prince de Modène, il en informa la reine d'Espagne par cette lettre d'une galanterie française: « Je voudrais que ma fille pût rendre « à l'Italie ce que l'Italie a donné en votre personne à la maison << de France; mais il n'est pas permis de porter ses souhaits si loin.» (1) Les lettres de Maulevrier, de Saint-Simon, de Berwick, etc., témoignent à chaque ligne l'extrême faveur dont jouissaient tous nos réfugiés sans exception. Ils eussent été heureux si des Français pouvaient l'être hors de leur patrie. Le colonel Seyssant, l'un d'eux, qui mourut en Espagne, voulut qu'au moins son cœur revînt en France, et il le légua par testament à un couvent de Récollets du Languedoc qui n'osa pas le recevoir sans l'aveu du ministre.

mode que la cour, confinée dans les forêts de Balsain, n'avait jamais été plus farouche. Le roi et sa femme, épris d'une jalousie mutuelle, ne se perdaient de vue ni le jour ni la nuit. Si quelque lumière arrivait à la reine sur les affaires publiques, c'était par des moyens que le duc de Popoli avait inventés, et que la gravité de l'histoire ne permet pas d'exposer.

A ces obstacles intérieurs se joignait un incident nouveau, qui retenait toute l'Europe sous les armes. A peine les débris de l'armée de Sicile étaient rentrés dans les ports d'Espagne, qu'une autre expédition non moins menaçante se préparait à en sortir.

J'anticipe un peu sur l'ordre des événemens pour expliquer le but d'un effort si extraordinaire. La flotte débarqua tout à coup sur la côte d'Afrique (1) pour dégager Ceuta que les troupes de Maroc assiégeaient depuis vingt-six ans. Une guerre si patiente avait transformé le camp des Africains en une jolie ville mauresque, et il n'eût tenu qu'aux deux peuples de s'assiéger réciproquement ou de vivre en bons voisins. Après les premiers succès que donne une invasion imprévue, le climat et les forces des Maures détruisirent l'armée catholique; ses pitoyables restes repassèrent la mer, traînant dans l'Andalousie des maladies con

(1) 14 nov. 1720.

tagieuses, et subsistant des aumônes des monastères. Cette fatale entreprise avait été conçue dans les ténèbres du confessionnal. On se souvient qu'Alberoni n'avait obtenu de la cour de Rome une levée de décimes sur le clergé espagnol qu'en prétextant une guerre contre les infidèles. Philippe V se crut engagé par un fourbe, et il sacrifia le sang de son peuple à une pieuse faiblesse, aussi indigne d'un roi que d'un homme sensé. Ce fut au milieu des apprêts de cette mystérieuse folie que Dubois, assuré de la confiance de son maître par d'importans services, résolut de conquérir, comme alliée, cette cour qu'il avait déconcertée comme intrigante, et vaincue comme ennemie.

Il s'adressa d'abord au duc de Parme, oncle et beau-père de la reine, qui demanda sérieusement, pour prix de son entremise, une armée de soixante mille hommes, destinée à chasser les Allemands de l'Italie (1). Ce petit prince, jusqu'alors réputé sage, gagnait cette manie de conquêtes dans le commerce du lord Petersborough, qu'on n'appelait pas sans raison le dernier des chevaliers errans. Dubois, dégoûté du maître et du disciple, chercha sous la robe d'un religieux un conciliateur moins turbulent. Les temps anciens n'offrent rien d'analogue à ce qu'est parmi nous un confesseur de roi. Le père d'Aubenton montrait, en Espagne, (1) Mémoires manuscrits de Chavigny.

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