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le bien, et consentit à être lié pour ne point faire de mal. Il sollicita de nouveau les avis du parlement, et promit d'admettre quelques-uns de ses membres dans le conseil de conscience et dans celui de l'intérieur. L'ivresse fut au comble; on lui accorda tout ce qu'il voulut, le droit de former et de réformer à son gré le conseil de régence, d'établir des conseils particuliers, de conférer seul les emplois et les bénéfices, et de commander non-seulement la maison militaire, mais la garde particulière du roi. On eût donné le trône, s'il l'eût demandé, à un régent si bon parlementaire. Les applaudissemens de la grand'chambre étaient répétés par une foule innombrable dans le palais et dans les rues voisines. Le duc du Maine, pâle et tremblant, se prosterna devant l'orage. Tous les efforts de son ame maligne et timorée allèrent à demander qu'on le déchargeât de la responsabilité pour la garde du roi. Très-volontiers, répondit le Régent avec hauteur. Ainsi fut détruit le testament de Louis XIV, avec moins de formalités qu'on n'en eût mis à dissoudre la ferme d'un arpent de terre, et ce dédain solennel de la cour des pairs outragea plus la mémoire du grand roi que n'eût fait la violence imaginée par le président de Maisons (1). Il était juste que la séance

(1) Voyez, pour les dispositions de détail, le procès-verbal imprimé de la séance du 2 septembre 1715. Cet événement fut annoncé

ne se terminât pas sans quelque chose de ce burlesque qui devait se mêler à toutes les affaires graves de cette époque. Le duc de Saint-Simon, ne pouvant se contenir malgré la promesse qu'il en avait faite an Régent, éclata contre le président de Novion, à l'occasion de la misérable dispute du bonnet. La mine chétive et la prodigieuse colère de ce seigneur acariâtre délassèrent la cour des fatigues de la journée.

S'il faut juger les principaux personnages qui figurèrent dans cette occasion mémorable, le duc d'Orléans fut troublé, inégal, imprudent, et en tout au-dessous de lui-même. Le duc du Maine emporta la double honte d'avoir abandonné, sans résistance, ce qu'on voulut lui ôter, et gardé sans honneur ce qu'on daigna lui laisser. Le parlement, au lieu de ressaisir avec noblesse un pouvoir douteux et de l'affermir avec habileté, ne montra qu'une cohue populaire et la joie immodérée de nouveaux affranchis. On vit pourtant avec surprise la paix publique sortir de ces élémens de discorde; mais il faut avouer que l'empire de la

au public, par la Gazette de France, en trois lignes, avec une insolente légèreté. En même temps on laissait couvrir les statues de Louis XIV d'inscriptions dérisoires, et insulter à son convoi par des farces grotesques. Son cœur, abandonné de ses indignes courtisans, était porté à l'église de Saint-Antoine par six jésuites entassés dans un carrosse.

raison et l'amour de la patrie y eurent moins de part qu'une certaine mollesse dans les ames dont le luxe et la servitude avaient détendu les ressorts. En quittant le Palais de Justice, le Régent se rendit à Versailles auprès du roi. Le peuple, parmi lequel des émissaires répétaient le mot magique de diminution d'impôt, couvrait tous les lieux de son passage, et retardait sa marche par les bruyantes démonstrations de la joie publique. La faveur présente de Philippe se grossissait du repentir des injustices qu'il avait souffertes. Il possédait l'avantage, assez précieux en France, d'avoir lassé la calomnie. L'amour de la nouveauté suffisait pour faire louer un prince sur lequel les satires étaient épuisées.

Telle est cependant l'incertitude de nos principes, qu'on doute si le parlement avait produit un arrêt définitif ou un arrêté sujet à confirmation, parce qu'il avait été pris sur les bas sièges des chambres assemblées. Le duc d'Orléans, presque épouvanté de la promptitude de son élévation, voulut absolument la voir affermir par un lit de justice. Déjà tous ceux qui devaient le composer étaient réunis au Palais dans la matinée du 7 septembre. Mais le roi essuya dans la nuit une telle indisposition, qu'on n'osa l'exposer aux regards de la capitale. En vain des jurisconsultes prétendirent que sa présence n'était point néces

saire à la validité d'un lit de justice, Philippe

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encore plus alarmé, tint à sa première opinion (1). Enfin cinq jours après put se déployer cet appareil redoutable de la puissance royale. Mais le législateur qui s'y montra était un enfant de cinq ans, pâle, débile et sérieux. Un gentilhomme le portait dans ses bras ; une femme assise à ses pieds veillait sur sa faiblesse; et ces deux circonstances du premier acte de son autorité furent l'emblème de tout son règne. Le président de Mesme n'en compara pas moins, dans sa harangue, l'enfant valétudinaire à un dieu et le Régent à un ange. Joly de Fleury parla avec une éloquence un peu plus soutenable. Le chancelier Voisins prononça intrépidement l'arrêt qui cassait son propre ouvrage; et chacun, emporté dans ces momens de crise par la chaleur de son ambition, se hâta de terminer cette vaine et pompeuse cérémonie (2).

(1) Mémoires du duc d'Antin.

(2) Voyez le procès-verbal imprimé du lit de justice, du 12 septembre 1715. Quelques écrivains ont dit, par erreur, que la duchesse de Ventadour y parla au nom du roi, et que c'était un droit de sa place de gouvernante. Dangeau, narrateur exact des petites choses, et qui était présent, dit au contraire que le roi s'exprima avec beaucoup de grace. Voici les paroles qu'il prononça après avoir ôté et remis son chapeau : « Messieurs, je suis venu ici pour vous assurer

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de mon affection. M. le chancelier vous dira ma volonté. »

CHAPITRE II.

Premières opérations de la régence.-Établissement des conseils. D'Uxelles, Noailles, D'Aguesseau.

LE Régent était animé contre le gouvernement précédent des mêmes passions que le peuple. Aussi les premières opérations de sa haine ou de sa politique furent applaudies comme des bienfaits. Le testament de Louis XIV avait ordonné que son successeur serait élevé à Vincennes. Le Régent cassa lui-même cette disposition qui déshéritait Paris de la présence de son roi, et il fit préparer pour le recevoir le palais des Tuileries. La capitale, qui depuis les troubles de la Fronde n'avait pas possédé son maître, reçut cette nouvelle avec transport comme un gage de sa fortune et une réhabilitation de sa fidélité (1).

Quelques essais d'économie parurent aussi une ouveauté bien touchante. On réforma une partie de la maison du feu roi et de son faste si cruel pendant nos malheurs; on rendit à l'agriculture

(1) Le roi fut établi aux Tuileries le 2 janvier 1716.

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