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bien les changemens de l'état du roi par ceux du culte qu'on rend à Philippe. Pendant ces rudes exercices de l'ambition subalterne, Louis traitait sa propre mort comme un acte de représentation royale (1). Jamais il ne mit au jour plus de calme et de grandeur, plus de sagesse et de piété, et même avec son neveu plus de cette haute dissimulation, qui est souvent le premier besoin du trône. Enfin, il expira le 1" septembre 1715, à huit heures du matin. Aussitôt tous les grands du royaume entrent dans la chambre du duc d'Orléans, et le saluent du nom de Régent (2). Une partie d'entre eux le presse d'en accepter le titre, de le notifier au parlement, et de saisir, sans autre formalité, les rênes du pouvoir (3). Philippe sourit au zèle de ces nouveaux d'Epernons; mais ayant peine à reconnaître dans la courtoisie de quelques habitués du château de Versailles le pavois du champ de Mars et le droit des guerriers de Clovis, il ordonne sagement de convoquer le parlement, et entraîne le cortège aux pieds de l'enfant Louis XV.

(1) Le roi ne se crut réellement en danger qu'à la dernière extrémité. Le 22 août, il choisit encore des échantillons et commanda des habits neufs. Cependant depuis deux jours les médecins de la cour avaient donné le signal de détresse, et appelé à leur aide les médecins de la ville. - DANGEAU,

(2) Ledran, Régence d'Orléans, in-4. manuscrit.

(3) Mémoires du duc de Chaulnes, manuscrit.

Tout se prépare ou plutôt tout était prêt pour la séance du lendemain. Les gardes françaises et les gardes suisses environnent le palais. Villeroy, de Guiche, Contades, Reynolds et Saint-Hilaire dirigent en faveur du duc d'Orléans toutes les mesures que Louis XIV a prescrites contre lui. D'Aguesseau et Fleury ont composé les harangues. L'ambassadeur d'Angleterre étale dans une tribune l'apparence d'un crédit qu'il n'a pas. La grande salle et les vestibules sont inondés d'une foule d'officiers déguisés, de militaires réformés, et de ces aventuriers dont les grandes villes sont le rendez-vous. La plupart portent des armes cachées sous leurs habits, mais sans aucun dessein arrêté. Tous obéissent à cette curiosité française qui aime à saisir les événemens dans leur source, à la vanité de jouer un rôle dans toutes les affaires, ou peut-être au plaisir puéril de figurer une scène de la Fronde. Le parlement, impatient de sentir sa liberté, s'était rassemblé dès la pointe du jour. Le duc d'Orléans ne connaissait dans ce grand corps qu'un seul ennemi, et c'était précisément l'homme le plus digne d'être sa créature. En effet, le premier président de Mesme, dissipateur et voluptueux, affectant l'esprit, les manières et le désordre d'un grand seigneur, appartenait bien mieux aux dissolutions de la régence qu'à l'austérité de la vieille cour. Mais ses collègues

devaient peu considérer un magistrat aussi étranger aux habitudes du barreau, et devenu leur chef en jouant la comédie sur le théâtre de la duchesse du Maine. Ils n'oubliaient pas qu'il s'était fait peindre dans le costume de ses rôles, persuadé sans doute qu'il serait moins méconnaissable avec la casaque d'un Dave que sous la toge parlementaire. Ayant donc à se décider entre les vices d'un prince et ceux d'un magistrat, ils donnèrent la préférence aux vices du plus puissant.

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Philippe put reconnaître, à son entrée dans la grand' chambre, tout l'ascendant de son parti. Le premier président lui-même fut obligé de le haranguer avec soumission. «La cour m'a expressé«ment ordonné, » lui dit-il, « de vous protester << qu'elle ira au-devant de tout ce qui pourra vous << prouver le profond respect qu'elle à pour vous.» Le duc d'Orléans apportait tout ouverts les deux codicilles de Louis XIV, et pouvait y lire sa propre condamnation; car le premier de ces actes avait prescrit que le jeune roi serait amené au Palais de Justice, et assisterait à l'ouverture du testament. Cependant l'infidèle d'Orléans se présentait seul, et personne n'osa ou ne voulut en faire la remarque. Cet encouragement donné à la révolte d'un premier sujet présageait assez l'issue de la séance. Quelque hardi et quelque favorisé que fût le duc d'Orléans, l'aspect de la cour des pairs et

le silence qui s'y fit pour l'entendre, le déconcertèrent étrangement (1). I commença, dans un grand trouble, un discours très-artificieux. Il ne craignit pas de supposer dans la bouche du feu roi des discours sans vraisemblance et sans témoins, bien sûr que personne n'oserait y opposer un démenti dont son épée eût fait justice. Il promit ensuite un gouvernement sage, économe, réparateur, et toujours éclairé par les remontrances du parlement, et à ces derniers mots tous les cœurs tressaillirent de joie. Aussi, quand il proposa de prononcer, séparément et en premier lieu, sur le droit que sa naissance et les lois du royaume lui donnaient à la régence, un empressement sans frein dépouilla l'assemblée de la gravité d'un corps délibérant. Le testament fut apporté ; un conseiller nommé Dreux le lut d'une voix basse et rapide, et personne ne daigna l'écouter. Les têtes bouillantes des enquêtes ne souffrirent même pas qu'on recueillit les voix dans la forme accoutumée, et une impétueuse acclamation nomma le duc d'Orléans régent en vertu de sa naissance et des lois du royaume.

Le nouveau régent attaqua aussitôt les autres dispositions de Louis XIV. Il improuva surtout avec raison celle qui lui ôtait le commandement

(1) Collection de Fontanieu.

de la maison militaire; mais il passa toute mesure quand il dit que si celui qui avait donné au feu roi ce conseil pernicieux était connu, il mériterait un châtiment exemplaire (1). Cet emportement fut suivi d'une altercation triviale entre lui et le duc du Maine. Un reste de décence engagea ces deux princes à passer dans une chambre voisine consacrée au service des enquêtes, où un cercle de curieux les entoura. Le duc de La Force, esprit froid et rusé, aperçut le premier combien cette querelle compromettait le duc d'Orléans, et laissait au parlement le pouvoir d'en abuser. Il fit avertir le prince de sa mauvaise position (2). Celui-ci rentra, et renvoya la continuation de la séance à l'après-midi. Retrempé dans un conseil de ses plus habiles confidens, il revint avec la pompe d'un régent et le visage riant d'un maître satisfait. Il développa son plan de régence, parla avec un saint respect de la mémoire du duc de Bourgogne, et, empruntant une phrase du roman de Télémaque, il demanda à être libre pour faire

(1) Collection de Fontanieu.

(2) Notes de Saint-Simon sur Dangeau.-Mémoires du duc de Chaulnes. -Mémoires du duc d'Antin. 9 vol. in-fol. manuscrits. Ce dernier ajoute qu'on introduisit dans cette chambre des enquêtes les capitaines des gardes, des gendarmes, et des chevau-légers, où ils déclarèrent, en présence des gens du roi, que par le droit de leurs charges, ils ne pouvaient recevoir d'ordres que du roi lui-même ou du Régent qui le représente.

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