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et toujours reproduites, toujours désavouées par la magistrature et toujours composées de magistrats (1)! Ce ne sont pas seulement les rois familiarisés avec la tyrannie, tels que Louis XI et François Ier, qui usèrent de ce docile instrument; sans parler des âges antérieurs, que de fois Louis XIII et son ministre n'en firent-ils pas un sanguinaire abus? Tout en protestant de son respect pour l'ordre des juridictions, Louis XIV ne s'en abstint

(1) Quoique les commissions fussent déshonorées en France, il est inoui qu'on ait jamais manqué de magistrats pour les remplir, ni qu'aucune condamnation, sérieusement demandée, ait été refusée par elles. Cette triste facilité s'explique par deux causes. Le nombre de juges a toujours été si excessif en France, qu'à côté d'un grand nombre d'hommes vertueux, il a dû s'en trouver bien d'autres audessous de la noblesse de leurs fonctions. En second lieu, la faveur exerce un si grand empire parmi nous, que peu d'ames ont le privilége d'y résister. Or, un magistrat qui se fait courtisan n'est pas seulement le pire des magistrats, mais encore le pire des courtisans; parce qu'il a eu plus de devoirs à oublier. On ne compte pas à l'infame Laubardemont moins d'imitateurs que de modèles. J'en crois le témoignage du célèbre Mathieu Molé, qui, tout à la fois premier président et garde-des-sceaux, n'est pas suspect en cette matière. Voici un passage qui m'a singulièrement frappé dans son histoire écrite par M. le comte Molé, l'un de ses petits-fils, ministre de sa majesté Louis XVIII: « On commença à instruire le procès « de l'abbé de Saint-Cyran, comme hérétique et faux docteur. Má<< thieu Molé se hâta de lui faire dire d'avoir grand soin de parapher toutes les pages de son interrogatoire, et de tirer des lignes depuis le haut des pages jusqu'en bas; car, ajouta-t-il, il a affaire « à d'étranges gens. » Vie de Mathieu Molé, page 13. Que pourrait-on ajouter à un semblable jugement?

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pas davantage, et le Régent, autorisé par leurs exemples, suivit sans examen cette route plus commode que sûre, et plus ancienne que respectable; car la sainteté des lois n'est pas moins violée quand l'autorité donne arbitrairement des juges suspects à l'accusé, que quand les juges légalement institués ont aliéné leur conscience. Dans les deux cas, l'état est menacé de périr par la plaie la plus profonde dont l'ordre social puisse être atteint.

CHAPITRE VIII.

Guerre avec l'Espagne. - Disgrace d'Alberoni.-Paix avec l'Espagne. Médiation et paix du Nord.

LA force des armes allait enfin terminer au grand jour cette guerre de conspirations que Alberoni et le Régent s'étaient faite sans résultat, et l'on se demandait par quelles ressources l'Espagne résisterait aux efforts combinés de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre. Les familles précipitées du trône sont long-temps le fléau commun des peuples. Dédaignées tant que l'horizon est calme, elles brillent dans la tour

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mente, comme des signes funestes. Alberoni se hâta de tirer Jacques III de l'obscurité ou il végétait dans les états du pape (1). Ce prince fut reçu en Espagne avec les honneurs publics et les mépris secrets dont on paie les idoles (2). L'expédition qui devait lui conquérir trois royaumes partit sans lui, sons les ordres du duc d'Ormond, qualifié de capitaine-général de sa majesté Catholique. On reconnut l'imagination déréglée d'Alberoni, quand on sut qu'une telle entreprise était confiée à une petite flotte de vingt-quatre voiles, qui ne portait que cinq mille hommes et ne comptait que deux vaisseaux de guerre et une frégate. Le secret fut même si mal gardé, que le roi Georges était d'avance sur une défensive

(1) Ce fut le 8 février 1719, que le chevalier de Saint-Georges s'embarqua secrètement à Nettuno sur une corvette, par les soins du cardinal Aquaviva. Trois laquais, décorés de l'ordre de la Jarretière, partirent en même temps dans des calèches, et furent arrêtés, comme on l'avait prévu, sur les frontières du Milanais. La nouvelle que le Prétendant était prisonnier trompa aussitôt toute l'Europe; le roi Georges la reçut à la comédie au milieu des applaudissemens publics.

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(2) « << Un homme de confiance m'a mandé que le chevalier de Saint-Georges a été très-mal reçu à Madrid, et que, s'étant pré« senté au cardinal pour recevoir ses ordres, celui-ci l'a traité fort cavalièrement, s'étendant fort en invectives contre moi. Mais au

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« tant en emporte le vent; quand il est question de mon devoir, je

<< n'ai plus de considération humaine. » Lettre du maréchal de Berwick à l'abbé Dubois, du 29 mars 1719.

formidable. Une proclamation avait mis à prix la tête du duc d'Ormond et de ses adhérens; des secours hollandais et autrichiens étaient débarqués, et les troupes du Régent attendaient sur les côtes de Normandie que le roi osât montrer à l'Angleterre des Français pour amis.

La fortune rendit ces préparatifs inutiles. L'expédition sortie de Cadix le 7 mars fut dispersée au cap Finistère par une tempête qui dura douze jours. On jeta tous les chevaux à la mer. Les vaisseaux cherchèrent un asile dans les rades du Portugal et de la Galice. Deux firent naufrage, et deux seulement atteignirent les rivages d'Ecosse. Une poignée d'aventuriers eut l'audace d'y débarquer, se saisit d'un château, mais bientôt capitula et fut traînée en triomphe dans les villes d'Angleterre. Cependant le duc d'Ormond, ayant réparé ses bâtimens, sortit de nouveau dans le dessein de seconder en Bretagne les trames que le cardinal y avait aussi mal ourdies qu'en Ecosse. Mais au lieu de trouver une province révoltée, prompte à saisir les armes qu'il lui apportait, il ne vit qu'une côte hérissée de troupes fidèles et put à peine recueillir furtivement sur son bord  quelques malheureux fugitifs, pâles et affamés, que poursuivaient la justice et les remords. Georges songea aussi à rendre à l'Espagne les maux qu'elle avait voulu lui faire. L'amiral Mi

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ghels porta la flamme et le pillage à Ribadeo, à Pontavedra, à Vigo, et eut la joie de brûler dans ce dernier port les restes de l'expédition d'Ecosse. Les Anglais, satisfaits de ce brigandage, n'attaquèrent point la Corogne, qui était le but de leur entreprise, et ne surent se venger qu'en pirates de l'insulte d'un fou.

Un incident romanesque permit alors à l'Espagne de renvoyer l'hôte dangereux qu'elle s'était donné. Le pape, attentif à ne pas laisser éteindre la maison de Stuart, espérance chérie de l'église romaine, avait négocié l'union du Prétendant avec la princesse Clémentine Sobieska, et le mariage s'était fait par procureur. La princesse, accompagnée de sa mère et de sa sœur, traversait l'Allemagne pour joindre son époux à Pesaro, lorsqu'elle fut arrêtée par ordre de l'empereur le 25 octobre 1718 et enfermée dans un couvent d'Inspruck. Cet attentat, commis en pleine paix, au mépris de la religion et du droit des gens, contre une femme et une parente, contre la petite-fille du grand Sobieski à qui l'ingrate Autriche devait sa conservation, excita un intérêt général pour la jeune captive. Quatre Irlandais, Miscar, Guidon, Rhogan, et Toole jurèrent de rompre les fers où elle gémissait depuis sept mois. Guidon, qui était major du régiment de Dillon, paraît à Inspruck avec le cos

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