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CHAPITRE VII.

Conspirations de Cellamare en France et du duc de SaintAignan en Espagne. — Révolte des gentilshommes bretons.

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J'AI dit comment Cellamare, infidèle à ses instructions, avait laissé le duc d'Orléans saisir les rênes de l'état. Alberoni s'obstinait à ériger en séditieux cet ambassadeur lent, doux et grave. Sans cesse il lui présentait les mœurs infames de la régence comme une argile que les factions pouvaient pétrir à leur gré. « Les amis du duc << d'Orléans et ses confidens, » lui écrivait-il, « sont gens sans honneur, sans probité, sans re«ligion, qui ne suivent que leurs intérêts, et << seront les premiers à l'abandonner. C'est ainsi « que je les ai vus en user avec le duc de Vendôme qui les avait comblés de biens, et qu'ils déchi<< rèrent dans sa disgrace (1). » Mais un vieillard

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«

(1) Lettre d'Alberoni à Cellamare, du 20 août 1718. — Le même ton de dénigrement et de fureur se trouve dans d'autres dépêches du cardinal à l'ambassadeur. Voici un passage de sa lettre du 8 février 1717 : « Je ne suis point étonné que dans le pays où vous êtes « on fasse bon accueil au traître Bonneval. Il n'y a qu'à faire bonne

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égoïste, né sous le ciel de Naples, et que tous ses goûts ramenaient à une vie molle et voluptueuse, était bien plus porté à faire de la corruption générale l'objet de ses jouissances que l'aliment de sa politique. L'envoi des libelles fabriqués contre le Régent fut long-temps la seule complaisance qu'il eut pour les passions de sa cour (1). Cependant lorsque Dubois déploya son système des nouvelles alliances, Cellamare entra pesamment en guerre contre lui, fit ses représentations avec toute la solennité diplomatique, et montra partout plus d'emphase que d'habileté. Il écrit un jour à Alberoni qu'il vient d'avoir une entrevue avec Torcy et Villeroy, et que, emporté par les mouvemens de son ame à la plus haute éloquence, il les a terrassés en leur disant : « Les pierres << même de cette capitale prennent une voix contre «< le gouvernement, et moi, qui habite à la place << des Victoires, j'entends les cris par lesquels la << statue de Louis-le-Grand blâme ses anciens mi

« chère pour être honnête homme. Il ne peut y avoir un plus grand fripon. Il porte la marque d'un coup de marteau qu'un maréchal

<«< lui a donné sur le nez en Italie. Ailleurs qu'à Paris, il ne pourrait paraitre parmi les honnêtes gens. Un tel homme pourrait fort

« bien se mêler avec les mécontens de cette cour-là, Au nom de

Dieu, M. le prince, soyez attentif à ce qui peut arriver.»

(1) « La reine a fort agréé la satire que vous savez. LL. MM. s'en

« sont diverties deux jours entiers. » Lettre d'Alberoni à Cellamare, du 15 mars 1717.

<< nistres devenus les adulateurs d'une mauvaise régence (1), » Croire qu'une phrase de collége a convaincu deux vieux courtisans est une naïveté un peu forte. Ces formes, au reste, tiennent à une certaine rouille scolastique, dont les étrangers qui ont fait de bonnes études ne se dépouillent jamais entièrement. Alberoni n'en remercia pas moins Cellamare de sa rhétorique, della sua bel lissima parlata.

Mais le titre seul de cet ambassadeur en faisait presque un conspirateur involontaire. Sa maison était le rendez-vous naturel où les idolâtres de l'ancienne cour venaient gémir de leur impuissance à s'établir dans la nouvelle; et parmi eux se distinguait, moins par son mérite que par son assiduité, un homme d'un esprit commun et d'un caractère chagrin, qui, élevé autrefois avec les enfans de Louis XIV, voyait sa fortune détruite, et le nom de Pompadour prêt à s'éteindre avec lui. Aux plaintes stériles de ces vieillards, un événement politique vint joindre la turbulence de quelques esprits plus entreprenans. On se souvient que le dernier roi avait, en mourant, recommandé à son petit-fils le sort de Jacques III, et Philippe V avait, en conséquence, chargé Cellamare de verser, à l'insu du Régent, les dons de

(1) Lettre de Cellamare à Alberoni, du 19 juin 1718.

l'Espagne sur les proscrits de Saint-Germain. Un tel emploi initia secrètement l'ambassadeur dans cette cour parasite, et lorsqu'elle fut dispersée, il hérita de tous les intrigans formés à une école si dangereuse. On y comptait Foucault de Magny, chassé de l'intendance de Caen par le désordre de sa conduite, et le nommé Brigault, prêtre du diocèse de Lyon, nourri dans la domesticité des princes, et dès long-temps accoutumé à couvrir ses manœuvres toutes mondaines de ces voiles pieux déchirés par Molière, et remis en honneur par la marquise de Maintenon. Le Régent ayant commis la faute de faire discuter, dans un pamphlet, les droits de sa maison à la couronne de France, par préférence à la branche espagnole, l'abbé Brigault crut pouvoir réfuter un plaideur descendu des marches du trône dans l'arène (1). Cellamare envoya cette réponse à sa cour, sans

(1) Ce pamphlet, intitulé: Lettres de Filtz Moritz sur les affaires du temps, fut composé par l'abbé Margon, d'après les instructions du Régent. Il traite en ennemis de ce prince les jésuites, les parlemens de France et les casuistes espagnols. La question principale, que le. sentiment national jugerait aujourd'hui si promptement, y est perdue dans ses subtilités. Cet écrit, qui fut si fameux en 1718, paraît maintenant bien médiocre. L'histoire peut néanmoins en exhumer ce fait curieux : « Le duc d'Orléans, averti de l'irrésolution où était Louis XIV d'accepter le testament de Charles II, forma le dessein de se dérober de la cour et de gagner un port d'Espagne. Dans ce lieu il devait se faire connaître aux Espagnols pour le

dissimuler l'opinion peu favorable qu'il en avait. Contre son attente, il reçut l'ordre de la faire imprimer en Hollande. Ce fut la seule hostilité de ce ministre, jusqu'au moment où une impulsion française le jeta hors de ses paisibles mesures.

Depuis l'édit contre les bâtards, la duchesse du Maine s'était agitée, comme pouvait le faire une ame vaine et usée par de petites passions, qui se partage entre la soif de la vengeance et la soif des plaisirs. Malézieu et Polignac, ses deux seuls confidens, n'avaient en eux-mêmes rien de propre à ennoblir ce dépit d'une femme. Le premier, maître de mathématiques, poète improvisateur, chancelier de Dombes, intendant de spectacles, rassemblait dans son état servile les avantages d'une médiocrité universelle; à quelque conspiration qu'on l'employât, il ne pouvait craindre que d'en être le valet et jamais le complice. Le second, quoique ambitieux, n'avait encore subjugué la fortune que

petit-fils d'Anne d'Autriche, et leur déclarer qu'il voulait tenir la couronne uniquement de leur choix. Il avait alors un cheval anglais merveilleux coureur; il devait le monter et le pousser jusqu'où il pourrait aller, pour se rendre en fort peu de temps à Lyon, un homme, envoyé par avance, l'attendait avec une cabane pour descendre le Rhône. Un autre lui avait préparé, vers l'embouchure de ce fleuve, un petit bâtiment toujours prêt à mettre à la voile. Louis XIV déclara qu'il acceptait le testament; dès-lors M. d'Orléans renonça à toutes ses vues, et demeura tranquille. » Lettre de Filtz Moritz, page 176.

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