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ENIGME.

Tout le monde a besoin de moi;

A plus d'un genre je n'applique :
Chacun me donne de l'emploi,

Riche ou pauvre, artisan, savant ou politique.
Suivant mon sort, j'ai pour berceau

Le pur esprit, ou la matière :

On me fait de métal, on me construit en pierre,
Et souvent pour m'avoir on creuse son cerveau.
Je suis en certains lieux instrument de ce sure;
Je soutiens ta maison, j'occupe l'intrigant;
Je guide le chanteur, je satisfais l'amant,

Et je t'accompagne en voiture.

A mon poste l'on me conduit:

On me tourne et retourne, on me prend, on m'accroche
Et tel qui m'a sur son habit,

Peut n'avoir aussi dans sa poche.

LOGO GRIPHE.

Je suis, par quatre pieds, le plus puissant empire;
Les plus grands souverains sont soumis à mes lois.
Un pied de moins, lecteur, j habite un autre empire:
Les beaux yeux de l'objet dont tu chéis les lois.

CHARAD E.

VOTRE Cœur, belle Iris, est toujours mon premier;
Tout ce qu'on voit chez vous nous paroît mon dernier;
La nut comme le jour vous avez mon entier.

F. B....T (de l'Isle).

Mots de l'ENIGME, du LOGOGRIPHE et de la CHARADE, insérés dans le dernier Numéro.

Le mot de l'Enigme du dernier N°. est Aménué.
Celui du Logogriphe est Fl, où l'on trouve if, fi, ik
Celui de la Charade est Cor-billard,

RÉFLEXIONS PHILOSOPHIQUES

SUR LA TOLERANCE DES OPINIONS.

L'AUTEUR de cet article croiroit faire injure à ses lecteurs, s'il sollicitoit leur indulgence pour les morceaux de philosophie, quelquefois sévère, qu'il met habituellement sous leurs yeux. S'il y a aujourd'hui en France autant de légèreté dans les mœurs, ou plutôt dans les goûts, que dans les temps qui ont précédé la révolution, les idées, mûries par les événemens et les discussions, ont acquis plus de justesse, et même les esprits plus de solidité. D'ailleurs, le génie français qui a produit à la fois les penseurs les plus profonds et les littéra teurs les plus agréables, aime à réunir les extrêmes; et une discussion philosophique ne déplait pas au lecteur instruit, même à côté de l'annonce d'une pièce de théâtre. Peut-être aussi, que, pour l'honneur de la nation, nos journaux, et surtout le Mercure, ont besoin d'expier, aux yeux des étrangers, par des articles d'un genre sérieux et même austère, ces articles de modes dont la publication régulière, nouveauté remarquable même après une révolution, utile peut – être aux progrès de l'industrie nationale, n'est pas sans quelque. influence sur les mœurs, et peut, pour cette raison, être regardée comme un événement grave dans l'histoire de la frivolité.

Il est des personnes qui pensent, et certes avec raison, qu'on a beaucoup trop parlé de religion, de morale et de politique; et qui, pour divers motifs, ne voudroient pas qu'on en parlåt davantage, sur-tout dans les écrits périodiques dont le peu d'importance, ou plutôt de volume, ne leur paroît pas en proportion avec ces grands objets. Elles nous ramene➡ roient volontiers aux hochets de notre enfance, et à ces graves disputes sur des riens qui ont occupé les esprits dans un autre temps. Mais, c'est précisément parce qu'on a parlé, pendant'

dix ans, de religion et de politique à la tribune, seal lieu d'où l'on pût alors se faire entendre, qu'il faut, dans un autre temps et dans un meilleur esprit, en parler dans les journaux, seuls ouvrages qu'on lise encore, afin que le remède soit aussi répandu, s'il est possible, que le mal l'a été. D'un autre côté, les esprits aujourd'hui plus exercés, mais plutôt éclairés sur l'erreur qu'instruits de la vérité, sont moins empressés de lire que de savoir, parce qu'ils ont beaucoup lu sans avoir rien appris ; et s'il faut, pour instruire des enfans, exercer leur mémoire, et leur donner beaucoup à retenir, il suffit, pour instruire des hommes faits, d'éclairer leur jugement, et de leur donner à penser. Au fond, toutes les grandes questions de morale et de politique ont été assez longuement discutées; et quand une cause est instruite et prête à être jugée, il ne s'agit que de réduire les plaidoyers sous la forme abrégée de conclusions. Il en est de la vérité à mesure qu'on avance, comme de ces substances propres à la guérison de nos corps, que la médecine donne d'abord en nature; et qu'ensuite elle soumet à l'analyse chimique, et donne par extrait, lorsqu'une connoissance plus exacte de leurs propriétés permet de les débarrasser d'un volume superflu, et de les réduire à leurs principes.

J'entre donc dans mon sujet, quelque difficultueux qu'il eût pu paroître dans un autre temps, persuadé que des esprits qui ont été imbus de toutes les erreurs, peuvent, une fois désabusés, porter toutes les vérités,

La différence qui me paroît caractériser la manière dont les bons esprits du siècle de Louis XIV et les beaux esprits de l'âge suivant ont traité des matières philosophiques, est que les premiers, littérateurs en même temps que philosophes, ont porté la littérature dans la philosophie; et que les écrivains qui leur ont succédé, littérateurs et très-peu philosophes, ont porté la philosophie, ou ce qu'ils prenoient pour elle, dans la littérature.

Ainsi chez les uns, la littérature a prêté ses agrémens à la philosophie, et la philosophie a été ornée, aimable et décente, sans cesser d'être grave, comme dans les écrits de

Malebranche, de Fénélon, de la Bruyère : et chez les autres, la philosophie a porté dans la littérature sa sécheresse, son ton dogmatique, positif et disputeur; et en même temps qu'on a fait entrer dans des discussions philosophiques l'épi gramme, les exclamations, les apostrophes, l'invective, la prosopopée, et toutes les figures de rhétorique les plus passionnées, on a mis des sentences dans la tragédie, des dissertations dans le roman, des déclamations dans l'histoire, des argumens dans les chansons; et nous avons eu des ouvrages littéraires et philosophiques, dont la philosophie court après l'esprit, et la littérature après la raison, et où les auteurs s'emportent quand il faut raisonner, ou raisonnent quand il faut sentir.

C'est que les écrivains du grand siècle des lettres françaises, faisoient, de la philosophie, une étude sérieuse. Le ton de leurs ouvrages est grave et persuasif, indulgent envers les hommes, modéré même envers les erreurs; mais l'école du dix-huitième siècle a fait, de sa philosophie, une passion violente qui repousse toute discussion paisible, et appelle le combat autant contre les hommes que contre les opinions elle prêche la tolérance avec aigreur, la liberté avec tyrannie, l'égalité avec arrogance, l'humanité même avec emportement.

Dans les écrits des premiers, la même où la pensée est difficile à saisir, comme dans quelques ouvrages métaphysiques de Malebranche ou de Fénélon, le but de l'auteur est toujours évident; et l'on sent à travers cette obscurité inséparable de ces hautes matières, quelque chose de bon et de grand`qui semble annoncer la présence de la vérité retirée au fond du sanctuaire. Au contraire, ce que les écrits philosophiques du siècle suivant, tels que le Systéme de la nature, et autres systêmes, renferment d'une obscurité quelquefois affectée, ou même de tout-à-fait inintelligible, laisse percer quelque chose de mutin qui se remue au fond des cœurs, pour parler avec M. Bossuet, quelque chose de faux et de violent: en sorte qu'il n'y a pas, dans toutes les productions sorties de cette école, sur la religion, la morale ou la politique, un seul écrit qui ne soit dangereux pour la raison publique ou pour

les mœurs privées ; et je n'en excepte pas même l'Esprit des Lois, le plus profond de tous les ouvrages superficiels; comme son siècle, riche en beautés d'exécution, fécond en erreurs de principes; et dont j'ose dire, avec l'indépendance qui sied à la vérité, que le mérite littéraire est pour beaucoup dans la fortune philosophique.

Et à propos de cet ouvrage célèbre, je ne puis m'empêcher de rappeler qu'il fut repris par la Sorbonne qui condamna aussi le Contrat Social, Bélisaire, la Théorie de la Terre, de Buffon, et tous ces systêmes que l'expérience ou le raisonnement ont depuis condamnés bien plus hautement, et qui sont aujourd'hui universellement abandonnés. On peut voir, dans les écrits du temps, quel déluge de sarcasmes et d'injures, s'attira ce corps respectable dont la censure étoit même à cette époque un titre à la bienveillance d'un parti nombreux, et n'étoit pas une exclusion des honneurs littéraires. Ce n'est pas cependant que la Sorbonne ait toujours donné les meilleures raisons de son improbation; mais à défaut de connoissances suffisantes en physique ou en politique, elle jugeoit sur l'enseignement constant de la religion chrétienne, règle suprême de vérité, même philosophique, et avec la cortitude que tout ce qui se heurteroit contre cette pierre seroit brisé, Il n'y a pas eu moins de différence entre les intentions des écrivains des deux siècles, qu'entre leur manière.

Les uns vouloient éclairer les hommes, les autres ont voulu les enflammer. Ceux-là écrivoient en véritables sages qui cherchent la vérité avec candeur, la développent avec circons pection, la présentent avec modestie. Ceux-ci ont écrit en rhéteurs présomptueux, qui, certains d'avance qu'ils ont découvert la vérité par la force de leur raison, ne perdent pas de temps à la prouver à la raison des autres, mais, pour établir son règne parmi les hommes, vont droit aux passions, et leur parlent ce langage amer ou violent qu'elles entendent si bien; et même, pour faire une impression plus sûre et plus rapide, réduisent leur doctrine à quelques expressions tranchantes, et, pour ainsi dire, expéditives, toutes semblables aux formules abrégées des sciences exactes, et qui supposent prouvé ce qui n'est pas même défini,

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