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MAI 1866,

à n'être qu'un art de convention. Je conviens qn effet
danse et le chant n'ont, pour imiter la nature, que
faux; des attitudes forcées, des chants modulés,
qui existe. Pour n'en pas rire, il faut être accoutume
voir employer, Personne,. que je sache, n'a jamais chanté
pour exprimer sa douleur véritable, et on n'a pas encore vu
des hommes, animés d'une passion vive, chercher à nous la
faire sentir par un pas de deux. Cependant la danse et la mu-
sique sont des imitations de la nature (puisque ce sont de
beaux-arts), mais des imitations fardées, dans lesquelles il
seroit permis de ne pas reconnoître l'original. De sorte qu'en
leur accordant l'avantage d'imiter, on est en même temps
obligé de reconnoître qu'elles prêtent à ce qu'elles imitent
des ornemens que la nature ne lui donna jamais.

Il n'en est pas de même de la peinture. Quand le peintre
embellit, c'est qu'il veut le faire, et, dans ce cas même, il ne
prête à son objet que des ornemens dont la nature toute seule
auroit pu
l'enrichir. Du reste, son intention est de nous
peindre réellement l'objet qu'il a sous les yeux ou dans son
imagination; et s'il ne parvient que difficilement à nous faire
une illusion complete, c'est qu'il n'a pour l'exprimer qu'un
des langages de la nature, je veux dire celui des couleurs.
Mais il n'est pas moins vrai que le chef-d'œuvre de son art
seroit de nous tromper au point de nous faire croire que les
objets qu'il a peints sur la toile sont réellement présens à nos
yeux, et que si on n'exige pas de lui cette perfection, c'est
qu'il n'a pour y arriver que des moyens imparfaits.

Je ne finirai point sans faire remarquer que M. Reynolds n'oublia jamais le respect qu'il devoit à ces hommes célèbres, qui sont dans l'histoire de la peinture ce que sont Homère et Virgile dans celle de la poésie. Tous ses discours sont pleins de son admiration pour Raphaël et pour Michel-Ange: sans cesse il recommande d'étudier les chefs-d'œuvre des anciens. Grand exemple pour tous les artistes, et qu'on aime à voir donner par un homme célèbre, que ses talens, ses succès, sa réputation auroient autorisé, si on pouvoit l'être, à se donner lui-même pour modèle.

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GYAIRARD.
D d

DE LA VRAIE ÉT DE LA FAUSSE PHILOSOPHIE,

CHEZ LES GRECS ET LES ROMAINS.

DANS tous les siècles, la vraie philosophie a été modeste, grave, désintéressée, paisible et religieuse; dans tous les siècles, la fausse philosophie a été orgueilleuse, légère, intrigante, vénale, turbulente et impie. Nous allons développer ces deux vérités historiques.

Le desir de connoître les lois morales de l'univers, et de s'approcher par la pensée d'un Etre-Suprême, nulle part visible et présent partout, voilà ce qui fut originairement appelé parmi les Grecs, philosophie, on étude de la sagesse. << Philosopher, disoit Pythagore, c'est se former autant que » possible d'après l'image de Dieu (1).» «Le sage, disoit » Zénon, porte Dieu dans son cœur (2). » « La destination de » l'être raisonnable, s'écrie Epictète, c'est de louer Dieu à » toute heure, en tout lieu, dans toutes ses actions et dans >> toutes ses pensées (3). » Une semblable philosophie rappeloit à l'homme sa foiblesse et le néant des choses terrestres ; aussi la philosophie, selon Platon, n'est qu'une longue méditation de la mort, un apprentissage de l'art de mourir, un essai continuel de dégager l'ame de la prison du corps (4). Mais, d'un autre côté, cette philosophie si modeste, si religieuse, élève notre ame au-dessus de ce point, dans l'univers, que nous nommons la terre; « elle nous transforme en des » voyageurs célestes qui parcourent librement l'immensité, » se mêlent parmi les chœurs des astres, voient le soleil sous >> leurs pieds, et se rapprochent de Dieu même en contemplant sa puissance régulatrice et conservatrice. Quel voyage » sublime! quel spectacle pompeux! quel rêve plein de » vérité! (5) »

(1) Themist. orat. I. Sen. ep. 48.

(2) Laert. in Zen.

(3) Arrien. lib. I. dies 16.

(4) Plat. in Phæd. Plut. de plac. phi'os. Apul. de philos. (5) Max. Tyr. Diss. VI. Sen. ep. 65.

Cette philosophie parle-t-elle aux peuples? « A sa voix » s'élèvent les cités, à sa voix des sauvages épars se rassem» blent en société; c'est elle qui leur enseigne à former les » nœuds du bon voisinage, du mariage, d'une langue et d'une » écriture communes. Ensuite, cette mère des vertus humaines >> leur dicte des lois, elle fonde des institutions, elle forme » les mœurs, elle donne de la tranquillité à la vie, et dépouille » la mort même de ses terreurs (6). » La philosophie s'adresse-t-elle aux particuliers? «Elle ne cherche point à » éblouir par un faux éclat les yeux de la multitude; elle ne » s'abaisse point jusqu'à devenir un passe-temps et un hochet » des oisifs. Non: elle règle notre ame; elle se place comme » au timon de notre vie, et nous conduit sains et saufs à tra>> vers l'orage et les écueils; elle nous apprend à respecter » dans les Dieux nos maîtres, à chérir dans les hommes nos » frères. Amie de la tranquillité, elle est l'amie de l'ordre. » politique. Elle nous découvre le vrai rapport des choses >> divines et humaines. La piété, la justice, la pureté du » cœur, toutes les vertus l'accompagnent, se serrent autour » d'elle, et lui forment un inséparable cortége (7). »

C'est uniquement de cette philosophie que les sages anciens et même plusieurs pères de l'Eglise ont dit, « qu'elle étoit un » présent des cieux, qu'elle étoit précieuse devant Dieu, et » qu'elle conduisoit à lui (8). » C'est à cette philosophie religieuse que se rapportoient les mystères ou cultes secrets, les initiations et les allégories les plus pures de la mythologie. C'est son souffle divin qui inspira les Homère, les Eschyle, les Pindare.

Mais à côté des justes éloges de la vraie et ancienne philosophie, les anciens nous ont laissé un tableau de cette science funeste qui, au moyen d'un arrangement subtil de quelques vains mots, enlève à la vertu ses appuis, au vice son frein, aux états leur seule base solide, et à l'univers entier son créateur et

(6) Cic. Tuscul. V. etc., etc.

(7) Sen. ep. 16. ep. 90, etc.

(6) Clem. Alex. ad Tryph. Lact. Instit. lib. V. cap. 1. Hieron. de Doctr. Christ. lib, II. Aug. de Civit. lib. XI. cap. 14, etc.

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son conservateur! Ce n'est pas Tertullien qui a le premier attaqué ces sophistes qui tiennent « boutique de sagesse, » et qui, « pour un vil intérêt, sont prêts à tout prouver et à tout » réfuter (9). » Ce n'est pas saint Jérôme qui a le premier peint un faux philosophe comme « un animal orgueilleux, » avide des applaudissemens de la multitude (10). » Ce n'est pas chez les seuls pères d'Eglise (11) que l'on trouve des lamentations sur cette métaphysique subtile et obscure qui veut tout ébranler, tout embrouiller, et qui, très-occupée de bagatelles, néglige les connoissances les plus salutaires et les plus sublimes.

Non! C'est déjà dans le siècle de la philosophie naissante qu'un Pythagore s'écria: « Qu'elle est vaine, cette philo» sophie qui par tous ses discours ne calme aucune de nos » passions! C'est un remède qui ne guérit aucune maladie.»> (12) Plainte trop souvent répétée, regrets inutiles! Ecoutons Sénèque et Dion, qui étoient eux-mêmes philosophes. « Les » professeurs de philosophie, après avoir changé la plus noble » des sciences en un métier vénal, enseignèrent plutôt l'art » de disputer que l'art de bien vivre, cherchèrent plus à faire » briller leur esprit qu'à propager la vérité, se plurent à inven»ter des artifices de rhétorique et descendirent même à de » minutieuses recherches de grammaire. » (13) Ces professeurs firent le contraire de ce que Pythagore avoit fait; il repoussa le titre de sophos où sage comme appartenant à Dieu seul et s'appela philo-sophe, c'est-à-dire qui aime, qui recherche la sagesse; eux au contraire se qualifièrent de sophistes, c'està-dire, docteurs en sagesse. (14)

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« Un sophiste, dit Cicéron, est un homme qui enseigne la >> philosophie par ostentation ou par intérêt. » — « Et quel

(9) Tert. de anim. cap 3.

(10) Hieron. ep. ad Iul.

(11) Clem. Alex. V. strom. Greg. Naziaz. orat. I. de théol. Euseb. præp. evang. lib. I. cap. 15. Lact. de irâ Dei, cap. 19.

puer. educ.

(12) Pythag. ap. Stob. serm So. Plut, de (13) Plat. in Gorg. 4rist. de soph. elench. Sen. epist. 88, 108, etc. 'Dion. Chrysost. de schemate phi os., etc.

14) Voyez, sur ce mot, Vossius, de rhet. nat. p. 5, 9.

est aujourd'hui le philosophe, dit-il, dans un autre endroit, » qui ne considère sa science plutôt comme un moyen de >> briller que comme une règle pour sa propre vie? » (15) Un siècle avant Cicéron, le sénat avoit chassé de Rome indistinctement tous ces faux sages sous le nom de philosophes et de rhéteurs. (16) Mais la résistance d'un Caton ne put retarder que de quelques années le triomphe des systèmes philosophiques dont la Grèce fournissoit de si nombreux apôtres, et qui trouvoient des intelligences dans les ames corrompues et efféminées des grands et des riches citoyens de Rome.

Ce qui en même temps corrompoit la philosophie et la rendoit plus populaire, c'étoit principalement l'application que les sophistes en faisoient à l'éloquence judiciaire. L'art de faire des phrases devint 'indispensable dans des villes, comme Rome et Athènes, où régnoient au dernier point la fourbe, l'intrigue et l'injustice, favorisées par la multiplicité des lois et par la forme populaire des tribunaux. Déjà du temps d'Aristophane, les sophistes enseignoient l'art de rendre les mauvaises causes bonnes; (17) dans la fameuse comédie des Nuées, un bourgeois d'Athènes ne veut étudier la philosophie que pour apprendre comment éluder le paiement de ses dettes. La scène dans laquelle Aristophane représente l'Injustice prouvant dans un beau discours sa supériorité sur la Justice, et à force de sophismes fermant la bouche à celle-ci; cette scène si bizarre et si spirituelle, a été réalisée à Athènes même, par le sophiste Thrasymaque, qui se déclara publiquement défenseur de l'injustice, et qui se rendit pourtant justice à luimême, en se pendant. (18)

La philosophie d'Epicure et d'Aristippe trouva nécessairement des sectateurs intéressés parmi tous ces avocats qui, pour parler avec Sénèque,

Louoient au plus offrant leur verbeuse colère (19).

(15) Cie. Acad. quest. lib. III. cap. 66. Tuscul. lib. II. cap. 9. (16) Le décret est rapporté par Suétone, lib. de clar. rhet. cap. 1, (17) Aristoph. in Nub. v. 112. v. 411., etc., etc.

(18) Max. Tyr. diss. 7. Juv. sat. VII. v. 204.

(19) Here. Fur. v. 175. « Iras el verba locat. »

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