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de l'air imposant de l'homme qui l'y avoit conduit, et du contraste qui existoit entre sa figure et ses honteuses fonctions. Il intitule ce chapitre : Etude sur les Mœurs

On pourroit multiplier les exemples de cette nature; mais il est temps de terminer un article déjà trop long, en disant un mot du style de l'ouvrage. D'après l'esprit qui l'a dicté, on sent bien qu'il doit être exempt de ces déclamations ambitieuses, de cet enthousiasme factice et exagéré, défaut le plus habituel des auteurs de Voyages. Cet ouvrage péche au contraire par les expressions familières et presque triviales qui y sont employées trop souvent, par des négligences qui nuisent à la clarté, à l'élégance ou à F'exactitude de la phrase. M. Creuzé, qui avec beaucoup de raison fait grand cas de la gaieté française, a voulu sous ce rapport, comme sous tous les autres, se montrer vraiment Français: il n'a pu se décider à s'interdire la plaisanterie dans un sujet naturellement sérieux. En général, il est très-rare de rire à propos quand on écrit. Un bon mot jeté au milieu d'une conversation grave, réussit souvent par cela même qu'il est moins attendu; mais un homme qui écrit, est toujours, à l'égard du public, dans une sorte de représentation, et la plaisanterie ne doit lui être permise que lorsqu'elle naît essentiellement du fond même du sujet. C'est un grand défaut dans le style que la déclamation et l'enflure. Il y en a peut-être un plus grand encore: il consiste dans une certaine négligence recherchée, dans une affectation d'employer les termes les plus familiers; affectation qui est doublement choquante, et parce que cette familiarité n'est pas à sa place, et parce qu'on sent qu'elle n'est pas sans prétention. Voilà pourquoi on blâmera M. Creuzé d'avoir dit, en parlant d'une opinion assez singulière des dames italiennes : « J'en demande par» don au Colysée, à S. Pierre, à Pompeïa, cette opinion m'a paru plus curieuse que tout ce que

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» j'ai vu en Italie. » On n'approuvera pas davantage cette manière de commencer un chapitre : « Je par » lerai peu du Vésuve, non qu'il ne le mérite; mais

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je ne le mérite pas ce n'est pas sa faute, c'est la » mienne, etc. » On ne lui passera pas non plus des compositions de mots comme celles-ci : RaphaëlRacine, Rivoli-Victoire: on sent que si chacun s'en permettoit de pareilles, il n'y auroit bientôt plus moyen de s'entendre. Mais que dira-t-on de ce qu'on lit à la fin du chapitre sur Milan : « Cette chapelle, (celle ou est le corps embaumé de S. Charles» Borromée) est de la plus grande richesse, ainsi que » les ornemens qui entourent le saint. Son visage, qui » est à découvert, présente encore tous ses traits. Le » nez seul est un peu endommagé; c'est le sort des grands monumens. »> Que signifie cette dernière phrase? Je n'en sais rien; mais elle pourra faire demander à l'auteur s'il a vu que le Colysée ou le Capitole eussent le nez endommagé.

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Malgré ces critiques et toutes celles qu'on pourroit y ajouter, l'idée qui restera après la lecture du Voyage en Italie, c'est qu'il est l'ouvrage d'un homme de beaucoup d'esprit, et sur-tout d'un bon Français : il sembleroit même qu'il ait été écrit moins pour faire connoître l'Italie, que pour exalter la France. Il ne faut pas toutefois se dissimuler que les éloges qu'on nous y prodigue, seroient mieux placés dans la bouche d'un étranger. L'auteur s'emporte contre les louanges que les Italiens, et sur-tout les Anglais ne cessent de se donner à eux-mêmes à nos dépens. Il a raison sans doute; mais il a tort de les imiter. La politesse, la douceur, la prévenance à l'égard des étrangers ont toujours distingué les Français; gardons-nous de chercher à dénaturer cet heureux caractère: plus M. Creuzé nous suppose de richesses, moins il doit croire qu'il nous soit permis de nous en

vanter.

C.

L'Art

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AVRIL 1806.

L'Art de connoître les Hommes par la Physionomie ; par Gaspard Lavater. Nouvelle édition, corrigée et disposée dans un ordre plus méthodique; précédée d'une Notice historique sur l'auteur; augmentée d'une Exposition des Recherches ou des Opinions de La Chambre, de Porta, de Camper, de Gall, sur la physionomie; d'une Histoire anatomique et physiologique de la Face, avec des figures coloriées; et d'un très-grand nombre d'articles nouveaux sur les caractères des passions, des tempéramens et des maladies; par M. Moreau, docteur en médecine. Ornée de 500 gravures exécutées sous l'inspection de M. Vincent, peintre, membre de l'Institut.

(Premier extrait.)

« L'homme méchant compose sa face, mais le juste » pénètre son dessein. »

Le roi Salomon étoit un profond physionomiste, et il me paroit avoir renfermé, dans ces mots pleins de sens, tout ce que l'expérience a pu reconnoître d'instructif dans l'expression et les traits de la figure humaine. Ce grand observateur, qui étoit accoutumé à juger les hommes, et dont l'œil perçant démêloit la vérité dans les plus secrets replis de la fraude, a cependant réduit toutes ses connoissances, dans cette partie, à une courte sentence: tant la sagesse est sobre en paroles! II faut que le monde soit devenu bien plus patient qu'il ne l'étoit du temps de ce roi, pour souffrir aujourd'hui qu'on délaie en plusieurs gros volumes, la inatière de quelques réflexions simples et judicieuses, et, pour moi, je suis scandalisé, je l'avoue, qu'un docteur en médecine puisse s'appliquer à une œuvre si inutile, dans un moment où la Gazette de Santé découvre tant de maladies. J'aurois ici beau jeu pour faire

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une prosopopée foudroyante contre ce docteur, et soulever contre lui ses malades, qu'il ne guérira pas plus avec sa Physiognomonie, que le chocolat de santé, n'en déplaise à ma Gazette, ne guérit de la grippe. Mais la vie est courte et l'occasion difficile, dit excellemment notre maître Hippocrate, dans son premier aphorisme. Eh bien, docteur, j'attendrai donc une meilleure occasion pour m'égayer, et comme je me pique de savoir ce qu'on doit à une robe savante, je vais procéder avec méthode, sans autre dessein que d'éclaircir, en peu de mots, ce que vous obscurcissez par de si longs discours.

Du mot Physionomie, que tout le monde entend, on a formé les mots Physionomique et Physiognomonie, dont il faut donner la signification. L'intelligence d'un mot dissipe souvent bien des difficultés.

La science physionomique est la connoissance naturelle du physionomiste, et elle est née avec l'homme. La Physiognomonie est une science conjecturale, imaginée ou du moins élevée à de nouvelles prétentions par Lavater.

La première, qui est le fruit de l'expérience, porte dans l'esprit une révélation subite et rarement fautive, du caractère, des passions et de l'esprit des hommes que nous voyons; la seconde prétend soumettre cette révélation à son jugement et l'asservir à des règles fixes.

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Nous examinerons l'une très-rapidement, et nous donnerons à l'autre quelqu'attention, afin de découvrir ses moyens, et de reconnoître quel est le degré de confiance qu'on peut lui accorder.

M. Moreau (de la Sarthe), docteur de l'Ecole de médecine de Paris, nouvel éditeur de cette Physiognomonie, promet de la donner plus complète qu'elle ne l'étoit en sortant des mains de son auteur, et d'ajouter au travail de Lavater toutes les observations qu'il a pu faire en sa triple qualité de physiologiste, de inédecin et de naturaliste : qualité qui man

quoit à l'observateur allemand, comme il en fait lui-même l'aveu dans ses écrits. Il y joindra, en outre, une exposition. des recherches ou des opinions de La Chambre, de Porta, de Camper et du docteur Gal. Le tout formera douze volumes, qui paroîtront dans le cours d'une année, et en vingt-quatre livraisons, dont les deux premières sortent en ce moment de la presse. C'est un ouvrage parfaitement bien imprimé sur du beau papier; mais toutes les gravures ne sont pas du même burin, elles n'ont pas toutes la même correction de dessin, et la même délicatesse de traits.

Ces deux premières livraisons renferment un discours préliminaire par M. Moreau, et une grande partie de l'Introduction, qui se compose de tous les fragmens que Lavater avoit dispersés dans son ouvrage; d'observations et d'explications intercalées par M. Moreau; de notes et de citations dont l'objet est d'établir la certitude de la science physiognomonique. L'étendue et la magnificence de cette introduction annoncent sans doute un système complet aussi élégamment développé que sagement raisonné; c'est l'avenue d'un palais où nul n'est encore entré, où peu seront admis, même après que les portes auront été ouvertes à tous. En attendant cette ouverture, nous allons considérer ce qui se présente d'abord à nos regards; et sur ces dehors, agrandis par M.Moreau, nous devinerons, s'il est possible, ce que renferme l'intérieur de l'édifice.

Quid tanto dignum feret hic promissor hiatu?

Je remarqué d'abord à chaque pas des inscriptions qui m'avertissent que tout ce que je pourrai dire et penser sur ce vaste sujet, sera parfaitement inutile pour l'auteur et pour sa science, à moins cependant que je n'en pense et que je n'en dise beaucoup de bien: toutes ses précautions sont prises; il n'y a pas d'objections, de difficultés qu'il ne se soit faites à lui-même, auxquelles il n'ait victorieusement répondu

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