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tion de nos mœurs. "Comme les plus sales "fumiers provoquent la plus noble végétation.” Et il n'hésitait pas à dire que són administration serait une ère mémorable du retour à la morale. "Nous y courions, disait-il, les voiles pleines, et "nul doute que les catastrophes qui ont suivi "feront tout rebrousser; car au milieu de tant de ❝ vicissitudes et de désordres, le moyen qu'on ré"siste aux tentations de tout genre, aux appâts de l'intrigue, à la cupidité, aux suggestions de la " vénalité. Toutefois on pourra bien arrêter, "comprimer le mouvement ascendant d'améliora"tion; mais non le détruire; car la moralité

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publique est du domaine spécial de la raison et "des lumières: elle est leur résultat naturel, et "l'on ne saurait plus faire rétrograder celles-ci. "Pour reproduire les scandales et les turpitudes "des temps passés, la consécration des doubles "adultères, le libertinage de la régence, les dé"bauches du règne qui a suivi, il faudrait repro"duire aussi toutes les circonstances d'alors, ce

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qui est impossible; il faudrait ramener l'oisiveté "absolue de la première classe, qui ne pouvait "avoir d'autre occupation que les rapports li"cencieux des sexes; il faudrait détruire, dans la " classe moyenne, ce ferment industriel qui agîte "aujourd'hui toutes les imaginations, agrandit "toutes les idées, élève toutes les ames; il faudrait "enfin replonger les dernières classes dans cet avi"lissement et cette dégradation qui les rédui

"saient à n'être que de véritables bêtes de somme;

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or, tout cela est désormais impossible. Les "mœurs publiques sont donc en hausse, et l'on "peut prédire qu'elles s'amélioreront graduelle"ment par tout le globe, etc.

Sur les neuf heures, et déjà au lit, l'Empereur a demandé qu'on fît entrer tout le monde dans sa chambre. Le Grand-Maréchal et sa femme étaient du nombre. Il nous a gardés une demi-heure, causant ses rideaux fermés.

L'Empereur, toujours souffrant, manque de médicamens.— Guerres d'Italie par Servan.-Madame de Montesson.

28.-Je souffrais beaucoup à mon réveil; j'ai voulu mettre les pieds dans l'eau; impossible de m'en procurer. Je ne cite ceci que pour que l'on comprenne, si l'on peut, notre véritable situation à Longwood. L'eau en général y est assez rare; mais depuis quelque temps cette rareté a singulièrement augmenté, et c'est une grande affaire aujourd'hui que de pouvoir procurer un bain à l'Empereur. Nous ne sommes pas mieux sous tous les autres rapports de secours médical: hier le docteur parlait devant l'Empereur de drogues, d'instrumens, de remèdes nécessaires; mais à chacun d'eux il ajoutait : "Malheureusement il n'y "en a point dans l'île.-Mais, lui a dit l'Empereur, "en nous envoyant ici on a donc pris l'engage"ment que nous nous porterions bien, et tou"jours ?" En effet les plus petites choses et les

plus nécessaires manquent.

L'Empereur, pour

faire bassiner son lit, n'a trouvé d'autre moyen que de faire percer une de ces grandes boules d'argent dont on se sert pour tenir les plats chauds à table, et d'y faire introduire des charbons. Depuis deux nuits il sent inutilement le besoin d'esprit de vin, qui, pût lui tenir chaude quelque boisson nécessaire, etc. etc.

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L'Empereur a continué de souffrir tout le jour; sa joue demeurait très-enflée; mais la douleur était moins vive. Je l'ai trouvé près du feu lisant les guerres des Gaulois en Italie, par Servan. Elles lui donnaient l'idée de quelques additions à nos chapitres d'Italie, si précieux pour le métier. Il a fait venir la carte de ce pays. Comme je m'étonnais que l'auteur, descendant jusqu'à nos jours, et donnant les campagnes de l'Empereur même, il décrivît si peu, et semblât même ne pas connaître beaucoup le terrain. "C'est qu'il l'aura parcouru", disait l'Empereur, "sans le connaître, "et n'aura peut-être pas su le deviner, même en le voyant; tandis que le génie des grandes entre" prises, et les grands résultats consistent surtout "dans l'art de le deviner, même sans l'avoir vu, "etc."

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L'Empereur s'est vu forcé, comme hier, se de mettre au lit de bonne heure. Il devait avoir de la fièvre, car il souffrait du froid. Il n'avait mangé qu'une soupe depuis hier, et se sentait des dispositions à des étourdissemens. Il trouvait son lit

mal fait, les couvertures mal arrangées; rien n'allait, disait-il; et il a essayé de faire raccommoder le tout tant bien que mal, remarquant à ce sujet que tout ce qui l'entourait n'était calculé que sur sa bonne santé, et que chacun se trouverait sans expérience et sans doute bien gauche s'il venait jamais à être sérieusement malade, etc. etc.

Il s'est fait faire du thé de feuilles d'oranger, qu'il a dû attendre long-temps, ce qu'il a fait avec une patience dont je n'eusse certainement pas été capable.

Il a causé, étant au lit, de ses premières années de Brienne, du Duc d'Orléans, de Mme de Montesson, qu'il se rappelait y avoir vus; de la famille de Nogent, de celle de Brienne, liées aux détails de ses premières années, etc. etc.

"Une fois à la tête du gouvernement," disait Napoléon, Mme de Montesson m'avait fait de"mander à pouvoir prendre le titre de Duchesse "d'Orléans, ce qui m'avait paru extrêmement ridi"cule." L'Empereur ne la croyait que maîtresse du Prince. Je l'assurai qu'elle avait été bien mariée avec le consentement de Louis XV., et que je croyais être certain que depuis la mort de son époux, elle prenait, dans tous les actes, le titre de douairière d'Orléans. L'Empereur disait avoir ignoré cette circonstance. "Mais encore, dans ce

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cas, observait-il, qu'avait à dire et à faire le Pre"mier Consul? Aussi était-ce toujours là ma réponse aux intéressés, qui en étaient peu satis

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"faits. Mais devais-je prendre tout aussitôt les irrégularités et les ridicules de la vieille école ? "etc."

L'Empereur continue d'être très-souffrant.-Circonstances caractéristiques.

29.-Mon fils était malade, moi-même je n'étais pas bien; mes insomnies duraient toujours. Le docteur est venu nous voir. Il m'a appris que l'Empereur était mieux, mais qu'il s'obstinait à tort à ne vouloir faire aucun usage de la médecine.

Je n'ai été appelé qu'à cinq heures chez l'Empereur. Je l'ai trouvé les pieds dans l'eau, souffrant encore violemment de la tête. Cependant, ce demi-bain lui a fait du bien. Il s'est remis sur son canapé, et a pris les Mémoires de Noailles: il en a lu tout haut quelques morceaux sur le Duc de Vendôme, au siége de Lille, quelques autres sur le Duc de Berwick, qu'il accompagnait de remarques à sa manière, toujours neuves, originales, piquantes. Je regrette fort de ne pouvoir les tracer ici; mais cette dernière partie de mes cahiers n'ayant point encore été mise au net lorsqu'ils m'ont été arrachés, je n'y retrouve aujourd'hui que des indices devenus par le temps tout-à-fait étrangers à ma mémoire.

L'Empereur, apercevant sur sa commode quelques pâtisseries ou espèce de sucreries qui semblaient y avoir été oubliées, m'a dit de lui en apporter; et, comme il voyait mon embarras et mon hésitation, cherchant vainement le moyen de pou

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