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avec notre goût moderne, le coryphée et les choeurs grecs, etc. etc.

Il est passé de-là à l'Edipe de Voltaire, qu'il a beaucoup vanté. Cette pièce lui présentait, disaitil, la plus belle scène de notre théâtre. Quant à ses vices, les amours si ridicules de Philoctète par exemple, il ne fallait point en accuser le poëte, mais bien les mœurs du temps et les grandes actrices du jour, qui imposaient la loi. Cet éloge de Voltaire, nous a frappés: il était nouveau pour nous, tant il était rare dans la bouche de l'Empe

reur.

a

A onze heures, et déjà couché, l'Empereur m'a fait appeler et a continué à causer sur notre théâtre et sur celui des Grecs et des Romains, au sujet desquels il a dit beaucoup de choses fort curieuses.

D'abord il s'étonnait que les Romains n'eussent point de tragédies; puis il convenait qu'elles eussent été peu propres à les émouvoir sur le théâtre; qu'elles se donnaient en réalité dans leurs cirques. "Les combats des gladiateurs, disait-il, celui des "hommes livrés aux bêtes féroces, étaient bien "autrement terribles que toutes nos scènes dra "matiques ensemble; et c'étaient là, du reste, les "seules tragédies, remarquait-il, propres à la

trempe robuste, aux nerfs d'acier des Romains." Toutefois les Romains ont eu, disions-nous, quelques essais de tragédie, produits par Sénèque; et sa Medée, par parenthèse, présente une circonstance bien bizarre: c'est que le chœur y prédit

distinctement la découverte de l'Amerique, opérée 1400 ans plus tard. "Un nouveau Typhon, y "est-il dit, enfant de la terre, ira, dans les siècles "à venir, découvrir vers l'Occident des régions éloignées, et Thulé ne sera plus l'extrémité de "l'univers *."

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L'Empereur beaucoup mieux. Lui sauter!- Madame R..... de St-J... d'A....-Les deux Impératrices.Dépenses de Joséphine; mécontentemens de l'Empereur ; anecdotes caractéristiques de l'Empereur.

9.-L'Empereur était infiniment mieux; entouré de nous, il parlait des prodiges du début de sa carrière, et disait qu'ils avaient dû créer une grande impression dans le monde. Une telle impression, a repris quelqu'un, qu'on avait été tenté d'y apercevoir du surnaturel; et, à ce sujet, il a cité une anecdote qui, dans le temps, avait couru les salons de Paris. Dans un quartier de la capitale, un nouvelliste entre, tout effaré, dans un cercle, annonçant que Bonaparte vient de périr à l'instant: il raconte l'explosion de la machine infernale, et termine en disant: "Le voilà sauté en l'air.-Lui sauter! s'écria un vieil Autrichien, qui avait écouté

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Fin du chœur du 2e acte de la Médée de Sénequé.

de toutes ses oreilles, et qui avait encore présentes toutes les crises désespérées dont il avait vu sortir miraculeusement le jeune général de l'armée d'Italie; lui sauter! Ah! vous connaissez bien votre homme; et moi je vous gage qu'à l'heure qu'il est il se porte mieux que nous tous. Je le connais de longue main avec toutes ses drôleries!

Dans un autre moment, Mme Regnault de St.Jean D'Angely ayant été mentionnée et quelqu'un ayant dit à l'Empereur combien elle avait montré d'attachement pour lui durant son séjour à l'île d'Elbe. "Qui, elle, s'est écrié l'Empereur avec "surprise et satisfaction?-Oui, Sire.-Ah! pauvre "femme," a-t-il ajouté avec le geste et l'accent du regret, "et moi qui l'avais pourtant si maltraitée ! "Eh bien! voilà qui paye du moins pour les rené"gats que j'avais tant comblés...." Et, après "quelques secondes de silence, il a dit signicativement; "Il est bien sûr qu'ici bas on ne connaît "véritablement les ames et les sentimens qu'après "de grandes épreuves !"

L'Empereur, à dîner, était fort bien, très-content et même gai; il se félicitait d'avoir passé sa dernière crise sans s'être soumis à la médecine, sans avoir payé tribut au docteur; et c'est ce qui fâchait celui-ci, disions-nous; il se serait contenté de si peu, le plus léger acte eût suffi! Il n'eût demandé que le billet de confession du clergé, disait l'Empereur, tout en riant beaucoup de la chose, et ajoutant que, par pure complaisance, il avait été

jusqu'à essayer un gargarisme, qu'il avait trouvé d'une acidité violente qui lui avait fait mal; faisant observer en cela qu'il ne lui fallait que des remèdes extrêmement doux; tous les autres le crispant infailliblement. "Au physique comme "au moral, disait-il, il faut me prendre par la "douceur, autrement je me cabre."

Le cours de la conversation a conduit l'Empereur encore une fois sur le compte des Impératrices Joséphine et Marie-Louise. Il a multiplié sur elles les détails les plus aimables et les plus circonstanciés, et a terminé par son adage ordinaire, que l'une était les grâces et tous leurs charmes; l'autre, l'innocence et tous ses attraits.

L'Empereur détaillait ce qu'avait coûté la Malmaison: environ 3 ou 4 cent mille francs; c'est-àdire tout ce qu'il possédait alors, disait-il, et il énumérait ensuite tout ce que pouvait avoir reçu de lui l'Impératrice Joséphine; concluant qu'avec un peu d'ordre et de régularité seulement, elle eût bien dû laisser, peut-être, 50 ou 60 millions. "Son gaspillage," disait l'Empereur, "faisait mon "supplice. Calculateur comme je le suis, il de"vait être dans ma nature d'aimer mieux donner

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un million que de voir gaspiller 100 mille

"francs." Il nous racontait comment étant tombé un jour, sans être attendu, dans le petit cercle du matin de Joséphine, il avait trouvé une dame professant à la lettre modes et chiffons. "Mon "apparition subite causa, disait-il, un grand dés

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"ordre dans la séance académique. C'était une "célèbre marchande de modes, une de ces fameuses du jour, à laquelle j'avais fait défendre "positivement d'approcher de l'Impératrice, "qu'elle ruinait. Je donnai quelques ordres inaperçus, et à sa sortie on s'en empara; elle fut " conduite à Bicêtre. Ce fut un grand bruit dans "tout Paris, le plus grand des scandales, disait"on. Le bon ton fut de lui rendre visite, et il y "eut à sa porte une file de voitures. La police "vint m'en faire part. Tant mieux, dis-je, vous "ne lui avez point fait de mal, elle n'est point au "cachot ?-Non, Sire, elle a plusieurs pièces, elle "tient salon.-Eh bien! laissez crier; tant mieux "si l'on prend ceci pour un acte de tyrannie, ce "sera un coup de diapason pour un grand nom"bre; très-peu leur montrera que je pourrais faire "beaucoup, etc. etc." Il nous a cité aussi un autre célèbre modiste, qu'il disait être le plus insolent personnage qu'il eût jamais rencontré dans toute sa carrière. "Lui ayant adressé la parole, "disait Napoléon, un jour que j'examinais un "trousseau de famille fourni par lui, il avait osé m'entreprendre, moi, à qui certes on ne mangeait pas dans la main; il fit ce que personne en France n'eût osé tenter, il se mit à me démontrer fort abondamment que je ne donnais pas assez à l'Impératrice Joséphine, qu'il devenait impossible de l'habiller à ce prix. Je l'arrêtai, TOME IV. Septième Partie.

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