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MON SÉJOUR

AUPRÈS DE

L'EMPEREUR NAPOLÉON.

VENDREDI 25 OCTOBRE 1816.

Sur la guerre de Russie; vues et intentions de Napoléon.Instructions officielles.

J'AI été trouver l'Empereur à sa toilette. Le temps était supportable: il est sorti. Nous avons gagné le bois. Il se trouvait faible; il y avait dix jours qu'il n'avait mis les pieds dehors; les genoux lui manquaient, disait-il, et bientôt il serait obligé de s'appuyer sur moi.

* Alors la calèche nous a atteints; elle était conduite à grands-guides par Archambaud; il n'en pouvait être autrement depuis le départ de son frère. D'abord l'Empereur n'a pas voulu monter; il ne le croyait pas prudent au milieu de tous les

* Nous avons cru devoir répéter ici, à leur véritable place, les trois paragraphes placés mal à propos à la fin du jour précédent. Voyez l'errata de la VIe partie.

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tronçons d'arbre: il citait sa fameuse chute de Saint-Cloud; il voulait qu'un des valets Anglais montât en postillon; mais Archambaud protestait qu'il serait moins sûr qu'en menant seul : depuis le départ de son frère il n'avait cessé, disait-il, de s'exercer au milieu de ces arbres, pour s'assurer qu'il pouvait répondre de lui. Alors l'Empereur est monté, et nous avons fait deux tours. En revenant il a été visiter la demeure du Grand-Maréchal, qu'il ne connaissait pas encore.

La soirée s'est terminée par la lecture de quelques passages de la Médée de Longepierre, que l'Empereur a interrompue pour la comparer à celle d'Euripide, qu'il s'est fait apporter. Il a dit, à ce sujet, qu'il avait commandé jadis qu'on lui donnât, sur le théâtre de la Cour, une de ces pièces Grecques dans son intégrité, en choisissant la meilleure traduction, et se rapprochant du reste le plus possible de l'original dans les manières, le costume, les formes, la décoration. Il ne se rappelait pas quelle circonstance, quel obstacle en avait arrêté l'exécution.

Rentré dans sa chambre, et ne se trouvant pas disposé à dormir, il s'est jeté, après quelques tours, sur son canapé: il a ouvert un recueil ou espèce d'almanach politique qui se trouvait sous sa main; il est tombé sur la liste de nos maréchaux qu'il a passés en revue, les accompagnant de citations et d'anecdotes connues ou déjà dites. Arrivé au maréchal Jourdan, il s'y est arrêté assez long

temps; il a terminé disant: "En voilà un que j'ai "fort maltraité assurément. Rien de plus naturel,

sans doute, que de penser qu'il eût dû m'en vou"loir beaucoup. Eh bien! j'ai appris, avec un "vrai plaisir, qu'après ma chute il est demeuré "constamment très-bien. Il a montré là cette élé"vation d'ame qui honore et classe les gens. Du reste, c'est un vrai patriote: c'est une réponse a "bien des choses."

De là passant à beaucoup d'autres objets, il s'est arrêté sur la guerre de Russie.

"Au surplus, a-t-il dit, à la suite de beaucoup "d'antécédens, cette guerre eût dû être la plus "populaire des temps modernes c'etait celle du "bon sens et des vrais intérêts; celle du repos et "de la sécurité de tous: elle était purement paci

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fique et conservatrice; tout-à-fait Européenne et "Continentale. Son succès allait consacrer une "balance, des combinaisons nouvelles qui eussent "fait disparaître les périls du temps, pour les remplacer par un avenir tranquille; et l'ambition "n'entrait pour rien dans mes vues. En relevant "la Pologne, cette véritable clé de toute la voûte, "j'accordais que ce fût un Roi de Prusse, un "Archiduc d'Autriche, ou tout autre qui en occupât le trône; je ne prétendais rien acquérir; je "ne me réservais que la gloire du bien, les béné"dictions de l'avenir. Croirait-on que ce dût être " là où j'échouerais, et trouverais ma perte? Ja"mais je n'avais mieux fait, jamais je ne méritais

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