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XVI. Aujourd'hui la constitution déclare « abolis à toujours » tous titres nobiliaires; » cette abolition, déjà réalisée dans l'opinion et dans les mœurs, n'a guère attiré l'attention des parties intéressées et du public, la vanité n'a pu en ressentir qu'une très-légère blessure. Ce qui émeut aujourd'hui, ce qui préoccupe les esprits, c'est la peur des atteintes qui seraient portées aux biens, à la fortune, au patrimoine des particuliers. Est-ce donc le moment de venir déranger un ordre établi dans les intérêts des familles et de réviser ce qui a dû être regardé comme une sorte de compte clos et arrêté? N'est-il pas à craindre que de pareilles mesures n'excitent des regrets, des murmures, des ressentiments, si dangereux pour un gouvernement nouveau? Le puritanisme scrupuleux qui ne veut pas laisser aux majorats de biens particuliers les quelques années de durée qui leur restent ne paraitra-t-il pas surtout capricieux et tyrannique, lorsqu'on verra le législateur tolérer l'existence paisible et indéfinie des majorats dits de propre mouvement, qui ont été fondés avec les biens de l'État ? Disons-le encore, il faut soigneusement éviter aujourd'hui ce qui troublerait les intérêts privés et notamment les arrangements de famille. Et ce parti est d'autant plus sage qu'aucune raison politique sérieuse ne vient ici à la traverse car, en général, on ne se préoccupe guère de l'existence des majorats, et nous ne voyons éclater contre eux aucune manifestation de l'opinion populaire.

:

Sans doute, et nous nous empressons de le dire, il faut réformer les imperfections de la loi de 1835, puisque l'occasion s'en présente; il est bon même de hâter l'extinction des majorats par de sages innovations rien de mieux, et nous allons vous en présenter les moyens. Mais il convient aussi d'opérer ces changements avec une sage mesure, ou, en d'autres termes, de ne point toucher à ce qui peut être considéré comme droits acquis. XVII. Il est bon de remarquer, relativement aux intérêts de l'État lui-même, que le régime actuel est loin de lui être aussi désavantageux qu'on pourrait le croire. D'un côté, il est vrai l'État perd sur les biens majoratisés les droits de mutation qu'il en retirerait s'ils étaient dans le commerce. Mais, d'un autre côté, lorsque le majorat est transmis à un descendant du titu

laire, l'État peut faire un bénéfice plus considérable que s'il s'agissait d'une transmission ordinaire à titre de succession. En effet, outre un demi-droit perçu à titre de transmission équivalente à celle de l'usufruit', le nouveau titulaire doit au fisc un cinquième de la première année du revenu des biens, valeur égale à celle que paye un héritier en ligne directe s'il s'agit d'immeubles, et quadruple s'il s'agit de meubles. Ajoutons, ce qui est digne de remarque, que non-seulement le cinquième du revenu, mais encore le droit de transmission à titre d'usufruit, sont payés sur les rentes des majorats, qui sont forcément immobilisées, tandis qu'en règle ordinaire les rentes sur l'État sont affranchies de tous les impôts de mutation.

XVIII. D'après ces motifs, le comité a décidé, à une très-grande majorité, que les droits des appelés déjà nés ou conçus demeureraient intacts. Il a ensuite arrêté, à l'unanimité, qu'il fallait régler les points suivants, qu'on trouvera plus loin formulés en un texte de loi :

1° Trancher la question à laquelle ont donné lieu les mots : institution non comprise, de l'article 2 de la loi du 12 mai 1835, mots qui paraissent d'abord fort clairs, mais sur le sens desquels plusieurs passages des rapports faits dans les chambres ont jeté de l'incertitude; par suite, décider, en s'attachant au sens naturel des termes et à l'opinion la plus générale, que la transmis sion ne peut avoir lieu qu'à deux degrés, à partir de la personne sur la tête de qui le majorat a été établi ou institué; que, par exemple, le majorat ayant été fondé par l'aïeul, il passera au fils, puis au petit-fils, entre les mains duquel les biens deviendront libres. On sait que, dans tous les temps, le législateur a procédé par voie d'interprétation réglementaire, afin de trancher pour l'avenir des questions obscures et de tarir ainsi des sources de discussions et de procès.

2o Déclarer que les biens des majorats deviendront libres entre les mains des titulaires actuels, lorsqu'il n'existera aucun appelé. Il est évident que cette mesure ne peut léser aucun intérêt proprement dit. En même temps prévenir ici, par l'intervention

1 Premier décret du 24 juin 1808, art. 6. • Décret du 4 mai 1809, art. 14 et 29.

de la magistrature et à l'aide de moyens puisés dans la loi civile, le danger d'expropriations trop brusques, qui pourraient être désastreuses dans les circonstances actuelles.

3o Supprimer la retenue annuelle du dixième, prescrite par l'article 6 du décret du 1er mars 1808, sur le revenu des majorats qui sont en rentes sur l'État ou en actions de la Banque, et organisée, quant aux rentes seulement, par le décret du 4 juin 1809. Aux termes de ce dernier décret, les arrérages du dixième des rentes doivent être touchés par la caisse d'amortissement et employés par elle en acquisitions de nouvelles rentes. Le but de cette retenue était d'élever successivement le chiffre du revenu, afin que la dépréciation probable de l'argent fùt insensible aux générations futures, et n'affectàt point l'opulence relative qu'on voulait leur assurer. Mais aujourd'hui ce motif n'a plus de valeur, puisque les majorats doivent s'éteindre dans un temps assez court pour que l'on n'ait pas à craindre une diminution sensible dans la valeur de l'argent. Conserver cette retenue, serait tout simplement enrichir le futur possesseur aux dépens du possesseur actuel. Aussi des jurisconsultes distingués, tels que feu M. Parant, qui a approfondi cette matière dans un travail des plus remarquables, ont-ils paru regretter que le changement que nous proposons n'ait pas déjà été accompli dans la loi du

12 mai 1835.

4° Déterminer les droits de mutation qui doivent être payés lors de la transmission du majorat. A cet égard, la législation actuelle présente, comme on l'a vu plus haut, une certaine complication qu'il sera bon de faire disparaître.

D'abord, aux termes de l'article 6 du premier décret du 24 juin 1808, les mutations par décès des biens composant un majorat donnent ouverture à un droit égal à celui qui est perçu pour les transmissions de simple usufruit en ligne directe. Ce droit est imposé à l'appelé et à la veuve par proportion. Ensuite, d'après le décret du 4 mai 1809 (art. 14 et 29), le successeur qui réclame le titre d'un majorat est tenu de payer un cinquième du revenu du majorat, dont moitié doit appartenir à

V., quant aux droits de la veuve, les articles 48 et 49 du deuxième décret du 1er mars 1808.

la Légion d'honneur et moitié au sceau des titres, aujourd'hui à l'État. Or ce cinquième du revenu peut être pris comme équivalant, en terme moyen, à 1 pour 100 du capital. En sorte que le nouvel appelé se trouve, en définitive, payer, tant à l'État qu'à la Légion d'honneur, 1 1/2 pour 100 du capital, c'est-àdire 1/2 pour 100 de plus qu'un autre successible en ligne directe. Mais il faut observer que dans la pratique le cinquième du revenu se paye mal, parce que les nouveaux appelés se mettent fort souvent en possession des biens sans demander au ministère de la justice l'investiture du majorat et la délivrance des lettres patentes. Il conviendrait donc de simplifier ces perceptions, en établissant un droit uniforme, qui serait celui de la mutation ordinaire de propriété en ligne directe. Ce droit serait ainsi de 1 pour 100, tant sur les immeubles réels que sur les actions de la Banque et les rentes, actions et rentes qui ont été immobilisées aux termes des statuts. Quant à la veuve, comme elle n'obtient qu'une simple pension viagère, elle ne doit acquitter qu'un droit de transmission d'usufruit mobilier.

5° Déclarer, pour éviter toute incertitude, que les titulaires. qui voudront, dans les cas prévus par la loi, libérer les biens de leurs majorats, et, en conséquence, obtenir la radiation de la transcription hypothécaire ou la mobilisation des actions et des rentes, devront, à cet effet, s'adresser au ministre de la justice, et, au cas de refus de sa part, aux tribunaux, qui prononceront comme sur toute autre question de propriété. Cette marche est conforme à l'esprit des décrets du 4 mai 1809 (art. 5 et 18) et du 14 octobre 1811 (art. 7).

XIX. M. Parieu avait ajouté à son projet des mesures de précaution pour la conservation du droit des veuves, droit établi d'abord par le décret du 1er mars 1808 (art. 48, 49 ́et 50), rappelé dans plusieurs actes postérieurs, et qui varie de qualité suivant que le majorat est régulièrement transmis, éteint ou transporté. Tel est l'objet de son article 2. Le comité, de son côté, avait cherché à améliorer et à compléter cet article par une rédaction à laquelle M. Parieu donnait son assentiment. Mais, depuis, nous avons reconnu que l'article dont il s'agit était superflu et ne ferait qu'embarrasser notre nouvelle loi. Le décret

du 1er mars 1808 n'a jugé nécessaire aucune disposition du même genre dans l'intérêt des veuves des titulaires, quoiqu'il règle en termes exprès la quotité de la pension due après l'extinction des majorats. Rien de semblable non plus dans les décrets et ordonnances postérieures. Enfin le même silence est gardé par la loi du 12 mai 1835, qui était déjà venue assurer, pour une époque plus ou moins éloignée, l'anéantissement des majorats de biens particuliers. Pourquoi donc nous montrerions nous plus que le législateur de toutes les époques, plus que l'empire lui-même, d'une vigilance scrupuleuse pour la conservation de la pension des veuves douairières, auxquelles, pour le dire en passant, le décret du 1er mars impose quelquefois la condition de demeurer en viduité? Si elles réclament leurs droits, les tribunaux ordinaires prononceront; il est même à remarquer que la compétence des tribunaux sur ce point se trouve déjà écrite en termes formels dans le décret du 14 octobre 1811.

$ 2.

XX. Nous passons maintenant aux substitutions permises par la loi du 17 mai 1826.

Ici les principes sont beaucoup plus faciles à poser, parce que la matière appartient au pur droit civil.

On sait que la loi du 17 mai 1826, sans abroger complétement la règle de droit, commun qui repousse les substitutions (C. civ., art. 896), y a pourtant dérogé d'une manière beaucoup plus large que ne l'avait fait le Code civil. Ainsi, d'après cette loi, la libéralité avec charge de conserver et de rendre à la mort du grevé peut être conférée, non-seulement, comme l'avait autorisé le Code, au fils ou à la fille, et, à leur défaut, au frère ou à la sœur du disposant, mais à une personne quelconque. De plus, la restitution peut être ordonnée au profit d'un ou de plusieurs enfants du grevé, tandis que le Code ne la validait qu'en faveur de tous les enfants nés et à naître sans distinction. Enfin, la charge de restitution est permise jusqu'au deuxième degré, tandis que le Code ne l'autorisait qu'à un seul degré.

La nation accueillit cette innovation avec un sentiment de dé

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