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Je termine par une dernière réflexion. Les opinions que je combats sont d'autant plus déplorables et plus dangereuses, qu'elles ont pour résultat d'exagérer outre mesure le principe de la centralisation, en tirant des conséquences très-fausses d'une législation accusée d'avoir porté ce principe au delà de ses justes limites, et contre laquelle beaucoup de bons esprits réagissent

en ce moment.

On peut regarder cette facilité que nous autres Français av ons toujours eue de déléguer le pouvoir législatif ou réglementaire, comme une des causes qui rendent si difficile, chez nous, la conservation de la liberté. Sous ce rapport, les Anglais sont plus sages que nous. Voici ce qu'on lit, à ce sujet, dans l'Irlande sociale, politique et religieuse, par M. G. de Beaumont, t. I, p. 394:

« Le pouvoir législatif est, en Angleterre, encore plus centralisé que chez nous. Presque tout ce qui, en France, se fait par une ordonnance royale ou par une décision ministérielle, ne s'exécute en Angleterre que par une loi du parlement. En France, le pouvoir législatif se délégue souvent. Ainsi il n'est pas rare que, chez nous, les lois confèrent à de certaines autorités secondaires le pouvoir de faire des règlements de police, en leur traçant les limites dans lesquelles elles devront se renfermer. Ainsi l'on voit chez nous un maire ou un préfet, sous le prétexte du bon ordre ou de la paix publique, puiser dans la loi du 24 août 1790 le droit de faire des règlements qui embrassent presque toute la vie des citoyens, défendre dans certains cas la circulation dans les rues, etc. Aucun pouvoir semblable n'appartient, en Angleterre et en Irlande, aux agents du pouvoir exécutif. Dans ces pays, c'est un principe rigoureux que le pouvoir législatif ne se délègue pas. Le pouvoir est présumé capable de faire face à tous les besoins administratifs. En fait, il est souvent dans l'impossibilité de remplir une pareille tâche; mais en Angleterre on considère comme un moindre mal de manquer d'une loi ou d'un règlement utile, que de voir cette loi arbitrairement faite par une autorité incompétente. »>

Il semble que les rédacteurs de notre Constitution de 1848 aient eu présentes à l'esprit les réflexions de l'auteur que nous venons de citer, lorsqu'ils ont omis à dessein d'insérer dans cette

Constitution la disposition de l'article 13 de la charte, qui déléguait au roi le pouvoir réglementaire d'une manière générale pour l'exécution des lois. Espérons que leur exemple servira de règle à nos tribunaux pour réformer la déplorable jurisprudence qui voyait des délégations de pouvoir réglementaire là où il n'en existait en aucune façon, et là où il en existe moins que jamais depuis l'établissement de notre Constitution républicaine.

SERRIGNY..

CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.

ANALYSE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION DONNÉE A L'AUTRICHE. Une nouvelle constitution a été octroyée le 4 mars à l'Autriche. Nous remarquons dans le décret de publication les passages suivants : « Par le manifeste du 2 décembre, nous avions exprimé l'espoir qu'avec l'aide de Dieu et d'accord avec les peuples, nous réussirions à réunir tous les pays et toutes les tribus de la monarchie en un grand corps politique. Ces paroles ont rencontré partout dans notre vaste empire un joyeux retentissement; car elles furent l'expression d'un besoin ressenti depuis longtemps, et arrivé à présent à l'état de nécessité générale. Dans la renaissance de la monarchie entière, dans l'union plus intime des éléments dont elle se compose, le sain esprit du peuple reconnaît la première condition du retour de l'ordre troublé et du bien-être qui a disparu, ainsi que la garantie la plus sûre d'un avenir béni et glorieux.

. En attendant, la diète convoquée par l'empereur Ferdinand délibéra à Kremsier sur la constitution pour une partie de la monarchie. Nous résolûmes à la vérité, non sans éprouver des doutes, de continuer à la laisser chargée de la poursuite de cette œuvre. Nous avions alors l'espoir que cette assemblée, conservant en vue les rapports existants de l'empire, amènerait, le plus promptement possible, la mission qui lui avait été confiée à un résultat prospère.

» Notre attente ne s'est malheureusement pas réalisée. Après plusieurs mois de délibération, l'œuvre de la constitution n'est pas arrivée à une conclusion. Des discussions du domaine de la théorie, en opposition directe non-seulement avec les rapports réels de la monarchie, mais avec la fondation d'un État légal, ont éloigné le retour de la tranquillité, de la légalité et de la confiance publique, et fait naître dans les citoyens des craintes profondes....... Les peuples d'Autriche attendent de nous avec une juste impatience une constitution devant embrasser non-seulement les pays représentés à Kremsier, mais l'empire entier en une union générale. Par là l'œuvre constitutionnelle a dépassé les limites de la mission de celte assemblée.

» En conséquence, nous avons décrété pour la généralité de l'empire d'accorder à nos peuples les droits, libertés et institutions politiques, de notre plein gré et en vertu de notre puissance impériale, que notre auguste Prédécesseur et Nous leur avons promis, et que nous reconnaissons en notre savoir et conscience

intime, comme les plus salutaires et les plus profitables au bien-être de l'Autriche. Nous promulguons ainsi, aujourd'hui, l'acte constitutionnel de l'Autriche une et indivisible;

» L'unité de l'ensemble avec l'indépendance et le libre développement de ses parties, un pouvoir fort protégeant le droit et l'ordre dans l'empire entier avec la liberté des individus, des communes, des pays de notre Couronne et des diverses nationalités; -la fondation d'une administration énergique qui, également éloignée d'une étroite centralisation et d'une séparation dissolvante, accorde aux nobles forces du pays un jeu suffisant, et sache protéger la paix au dehors et à l'intérieur ; la création d'une administration économique de l'État, allégeant autant que possible les charges des citoyens, et garantie par la publicité; — l'entier dégrèvement de la propriété foncière par l'intervention de l'État, moyennant une juste indennité; — la garantie de la vraie liberté par la loi : voilà les principes qui nous ont dirigé en accordant cette constitution. >>

La Constitution de l'empire d'Autriche se compose de seize sections.

Ire SECTION. De l'empire (§§ 1-8). - Les divers pays de la couronne forment la monarchie héréditaire d'Autriche, libre, indépendante, indivisible et indissoluble (SS 1, 2). Vienne est la capitale de l'empire et le siége du pouvoir impérial (§ 3). Il est garanti aux divers pays de la couronne leur indépendance dans les limites fixées par la constitution (§ 4). Toutes les nations ont les mêmes droits, et chaque nation a un droit inviolable à la conservation et à la culture de sa nationalité et de sa langue (§ 5). Les limites de l'empire et des pays de la couronne ne pourront être changées que par une loi (§ 6). L'empire entier forme un seul territoire de douanes et de commerce.

II SECTION. De l'empereur.

III SECTION. Du droit des citoyens de l'empire - Il n'existera qu'un seul droit de citoyen d'Autriche pour tous les peuples de l'empire (§ 23). Il n'existera en aucun pays de la couronne une différence entre ses habitants et ceux d'un autre pays de la couronne en matière de droit civil et pénal, dans la procédure ou dans la distribution des charges publiques. Les jugements des tribunaux de tous ces pays qui ont passé en force de chose jugée, seront partout également efficaces et exécutoires (S 24). Le droit d'émigration, dans les limites de l'empire, n'est assujetti à aucune restriction; celui à l'étranger est limité seulement par l'obligation du service militaire (§ 25). Toute espèce de servitude et de servage est abolie pour toujours. Tout esclave devient libre en mettant le pied sur le territoire ou sur un navire autrichien (§ 26). Tous les citoyens sont égaux devant la loi et sont soumis à la même juridiction personnelle ($ 27). Les charges et fonctions publiques sont également accessibles à tous ceux qui ont la capacité voulue (§ 28). La propriété est placée sous la protection de l'empire (§ 29). Tout citoyen d'Autriche peut acquérir dans toutes les parties de l'empire des immeubles de toute espèce, et exercer toute profession admise par les lois (§ 30). La liberté de transporter sa fortune dans les limites de l'empire n'est soumise à aucune restriction (§ 31). Toute redevance ou obligation provenant du lien de sujétion et servage et d'un titre de la propriété divisée ou féodale, est rachetable (§ 32).

IV SECTION. De la commune. Sont garantis à la commune les droits fondamentaux suivants : a) l'élection de ses représentants; b) l'admission de nouveaux membres dans la commune; c) l'administration indépendante de ses affaires; d) la publication des résultats de son état économique en général; e) la publicité des débats de ses délégués (§ 34 ).

Ve SECTION. Des affaires territoriales.—Sont réputées affaires territoriales:
J. Toutes les dispositions relatives:

1o A l'agriculture;

2° Aux constructions publiques entreprises avec les moyens appartenant au pays; 3o Les établissements de bienfaisance du pays;

4 L'estimation préalable des dépenses et la reddition des comptes du pays, tant par rapport à ses recettes, à l'administration des biens lui appartenant, aux impôts nécessaires à ses besoins et à l'emploi de son crédit, que des dépenses soit ordinaires, soit extraordinaires du pays.

II. Les dispositions ultérieures rendues dans les limites des lois de l'empire, concernant :

1° Les affaires communales;

2o Les affaires ecclésiastiques et celles concernant les écoles;

3° L'entretien et le logement de l'armée.

III. En général toutes les matières qui par les lois de l'empire sont attribuées au cercle d'action de l'autorité territoriale (§ 35).

VI SECTION. Des affaires de l'empire. — Sont déclarées affaires de l'empire toutes les affaires concernant la famille impériale régnante et les droits de la couronne, les rapports de l'État et de l'Église, l'instruction supérieure, tout ce qui concerne l'armée de terre et de mer, etc., et en général tout ce que la constitution ou des lois de l'empire ne déclarent pas affaires territoriales (§ 36).

VII SECTION. Le pouvoir législatif est exercé par l'empereur et la diète de l'empire par rapport aux affaires générales, et par lui et les diètes territoriales en ce qui concerne les affaires des pays (§ 37).

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VIII SECTION. De la diète de l'empire. La diète sera formée de deux chambres, et sera convoquée chaque année au printemps par l'empereur (§ 38). La haute chambre sera composée de députés élus pour chaque pays de la couronne par sa diète particulière. Le nombre de ses membres atteindra la moitié de ceux de la chambre basse (§§ 40, 41). Chaque pays y enverra deux députés de sa diète ; le surplus sera réparti à raison de la population entre les divers pays (§ 42). Le nombre des députés de la chambre basse sera déterminé de manière qu'il y aura au moins un député par cent mille habitants (§ 44). Les membres de la haute chambre seront élus pour dix ans, ceux de la seconde chambre pour cinq ans (§ 47). Toutes les lois concernant l'empire seront soumises à la diète générale, notamment les lois civiles, criminelles, celles de procédure et d'organisation judiciaire. Sont maintenues provisoirement les lois particulières qui régissent la Hongrie, la Transylvanie, la Croatie et l'Esclavonie, et les députés de ces provinces ne prendront pas part aux délibérations de la diete générale ayant pour objet l'une de ces matières.

IX SECTION. Des constitutions et des diètes territoriales ou provinciales. — Les pays de la couronne sont représentés par leurs diètes dans les affaires que les lois de l'empire déclarent affaires territoriales (§ 70). La constitution de la Hongrie est maintenue en ce qu'elle n'a pas de contraire à celle de l'empire; y sont garantis en outre l'égalité des droits des nationalités et l'emploi des langues usitées dans tous les rapports de la vie publique et privée (§ 71). La woiwodje de Serbie conserve ses franchises anciennes et celles qui lui ont été accordées récemment par des constitutions impériales, en ce qui concerne sa religion et sa nationalité. Les royaumes de Croatie et d'Esclavonie et le territoire de Fiume conserveront leurs institutions particulières, et seront entièrement indépendants du royaume de

Hongrie; la Dalmatic se réunira à ces provinces sur la base arrêtée par ses députés (§ 73). La principauté de Transylvanie. conservera sa constitution et sera entièrement indépendante de la Hongrie. Les droits de la nation saxonne sont garantis (§ 74). La frontière militaire est maintenue dans son organisation (§ 75 ). La constitution du royaume lombardo-vénitien sera réglée par un statut particulier (§ 76). Tous les autres pays de l'empire recevront des constitutions particulières (§ 77). Les constitutions de tous les pays de la couronne seront mises en vigueur dans l'année 1849, et elles seront soumises à la révision ultérieure de la diète de l'empire, qui sera convoquée aussitôt après leur mise en vigueur.

X SECTION. Du pouvoir exécutif.- Des gouverneurs seront nommés par l'empereur pour les pays de la couronne, qui, comme organes du pouvoir exécutif, veilleront à l'exécution des lois générales et territoriales (§ 92). Ils auront le droit de se présenter et de prendre la parole dans les diètes (§ 93).

XI SECTION. Du conseil de l'empire. — Il sera chargé de donner son avis sur les lois qui lui seront soumises par le pouvoir exécutif.

XII SECTION. Du pouvoir judiciaire. — Sont abolies les justices patrimoniales ($100). Aucun juge ne pourra être suspendu ou éloigné de ses fonctions que par une décision judiciaire (§ 101). L'administration será séparée de la justice (§ 103). La procédure sera orale et publique. La procédure criminelle sera établie sur le principe d'accusation, et le jury prononcera dans les crimes graves et dans les crimes politiques et de presse.

XIII SECTION. Du tribunal de l'empire. Un tribunal suprême prononcera : I. Comme tribunal arbitral dans toutes les contestations entre les pays de la couronne ou entre eux et l'empire. -II. Comme instance suprême en cas de violation des droits politiques.-III. Elle sera chargée de l'instruction et de la décision suprême: a) dans les accusations contre les ministres et les gouverneurs; b) en cas de conspiration et d'attentats contre le monarque, de crime de haute majesté et de trahison du pays (S 106).

XIV SECTION. Des finances.- La dette publique est garantie (§ 110). L'organisation et les attributions d'une cour des comptes seront réglées par une loi (SS 111, 112).

XV SECTION. De la force arinée (SS 113-119).

XVI SECTION. Dispositions générales (§§ 120-123).

Cette constitution, avec son cachet si original, tend avec une sagesse remarquable à résoudre le problème si difficile de la réunion de pays et de nationalités si variés dont se compose l'empire. Tandis que, d'un côté, elle a fait à l'esprit local ou provincial les concessions les plus larges, elle a posé pour a première fois, au milieu de toutes ces diversités de races et d'institutions, le principe de l'unité. Elle est conçue dans ce haut esprit pratique qui distingue généralement la législation autrichienne, et lui donne une si grande supériorité sur les autres législations allemandes.

Une autre ordonnance du même jour promulgue les droits fondamentaux, en treize paragraphes, des pays de la couronne qui forment la partie allemande de l'empire, ainsi que des royaumes de Gallicie, de Dalmatie, du duché de Cracovie.

Une troisième ordonnance, en trente-sept paragraphes, règle le mode d'in— demnité due à la suite de l'abolition des corvées et charges féodales et de l'affranchissement du sol, qui ont été proclamés par la loi du 7 septembre 1948.

- Enfin deux ordonnances règlent l'organisation communale et les droits de la presse.

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