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de justice, afin qu'ils soient productifs pour tous. Ce but n'est pas atteint par la simple organisation des rapports civils et politiques; il faut encore que les lettres, les sciences, les arts, le commerce, la navigation et l'agriculture reçoivent des pouvoirs sociaux une protection vigilante et éclairée. C'est aussi une œuvre à la fois charitable et d'une haute importance sociale que de chercher, non par le pamphlet, mais par la réflexion et par l'expérience des faits, les moyens pratiques de diriger la classe ouvrière dans une vie qui ne doit pas être purement matérielle et mécanique, de diminuer pour elle, par l'épargne et par l'association, les nécessités du travail, enfin d'améliorer son sort par l'allégement de certains impôts qui pèsent trop lourdement sur elle.

Chaque institution politique ou sociale doit contribuer à la réalisation du plus grand bien possible. L'indépendance personnelle l'emporte-t-elle sur les droits de l'État? il y a anarchie; l'État veut-il absorber les activités individuelles? il y a tyrannie. Toutes les institutions humaines qui tendent à étouffer les idées, à pétrifier pour ainsi dire les peuples, sont en opposition avec les lois de notre nature. Mais, par contre, un gouvernement qui retire luimême les intelligences de la nuit où elles sommeillaient et qui ne s'occupe pas de les diriger vers le bien général, ne fait que léguer des révolutions aux temps futurs.

Les sociétés, on est obligé d'en convenir, ne peuvent être constituées de manière à satisfaire tout le monde, et ce n'est pas, quoi qu'on en dise, dans la forme des pouvoirs sociaux que gît l'obstacle à la félicité universelle. Cet obstacle se trouve dans les éléments de notre nature même, dans nos penchants divers, dont les uns sont à favoriser, les autres à combattre. Toutes les doctrines de ces penseurs qui, dans le but de découvrir un rhythme social, ont indiqué les moyens de transition d'abord et d'organisation définitive ensuite, ont constamment échoué dans la pratique; et il devait en être ainsi, car, comme l'a dit un poëte contemporain,

a Le bonheur ici-bas est un rêve perfide,

» Un bruit qui nous égare, un mirage trompeur. »

Est-ce à dire qu'il faille mépriser tout ce qui paraît utopic? Non, certes. La plupart des doctrines que l'on a considérées comme des rêveries métaphysiques, ont apporté un certain contingent d'idées qui, sainement appréciées, étaient de nature à mettre plus en relief les hautes vérités sociales et les justes espérances de l'avenir. Que les hommes sincèrement dévoués au bien commun de leur patrie étudient la maladie de la nation pour la traiter convenablement. Les lois humaines ne doivent pas être uniquement des palliatifs et des expédients. Les institutions sociales ne sauraient rester moitié routine, moitié empirisme. Songeons surtout à la classe du peuple. Des écoles gratuites pour les enfants, afin que chacun puisse acquérir les connaissances indispensables à la carrière qu'il doit suivre; du travail pour les gens valides, c'est l'agent moralisateur le plus actif; des soulagements aux malades et aux infirmes, des enseignements moraux et de la bonne justice pour tous.

Chaque peuple, réuni en corps d'État, est une personne morale qui a des droits à faire respecter, des engagements à remplir visà-vis des autres États. Comme les individus, les peuples sont souvent placés à l'égard les uns des autres dans des situations particulières; et néanmoins, en toutes circonstances, ils doivent se conduire avec sagesse et dignité, se préoccuper sans cesse d'étouffer leurs inimitiés, de détruire de faux préjugés, de concilier ceux de leurs intérêts qui viennent à se croiser sur la même route. Les limites d'un État marquent la fin d'un pouvoir souverain, mais non la fin de l'humanité. Puissent des sentiments conformes aux vrais intérêts de l'espèce humaine pénétrer chaque jour davantage dans l'esprit des peuples, et ne plus leur faire chercher les éléments de prospérité dans l'abaissement et l'oppression de leurs rivaux! Si le terrible fléau de la guerre ne peut être rejeté du monde civilisé, qu'il y devienne du moins l'extrême résultat de différends que ni la modération des gouvernants, ni la raison des politiques, ni le bon sens des peuples n'auront pu apaiser suivant les lois éternelles de la justice et de l'équité naturelle! Respect loyal et sincère de l'individualité de chaque peuple dans toutes ses manifestations légitimes, concours empressé de tous à l'œuvre commune de la civilisation, tels doivent être les mots

d'ordre des nations. Pour les observer, il faut que chaque peuple se fonde sur les sympathies communes de probité et de confiance, sur la fusion des intérêts généraux de chacun et de tous, sur l'autorité d'une opinion publique dirigée par les lumières et par les convictions, dégagée surtout de l'alliage passionné et impur d'un patriotisme trop exclusif. C'est ainsi que les gouvernements de toutes les nations mettront de l'accord dans leurs tendances, de la moralité dans leurs institutions.

Chaque époque a sa part dans la grande œuvre de développement que je viens d'esquisser pour toutes les sociétés humaines. Suivant le cours des temps, les erreurs font successivement place à des vérités, les ténèbres se dissipent devant la lumière: « Tout » croît par une évolution progressive, a dit un écrivain contempo>> rain, mais le tout futur reste à jamais inachevé. » Telle est en ce monde la condition humaine. Par l'effet d'une espèce de mystère que Dieu seul saurait dévoiler, il nous a été donné d'entrevoir un idéal de perfection, d'y aspirer sans cesse, et cependant, malgré tous nos efforts, nous ne pourrons jamais ici-bas le réaliser complétement. « Le moment ne viendra jamais où les

abus, le mal et la misère seront définitivement abolis, pas plus » que l'heure où l'équilibre des forces physiques de l'homme ne » sera jamais troublé, et où il sera mis en possession d'une inal»térable santé par la parfaite et constante harmonie de tous les principes de vie qui sont en lui. » Ces paroles, extraites d'un discours prononcé en 1843 par M. Portalis à l'Académie des sciences morales et politiques, sont saisissantes de vérité. Il y a dans ce monde des misères et des souffrances qui ont quelque chose d'irremédiable et d'inhérent à la constitution. humaine. Tout le génie de l'humanité ne peut espérer que de faire disparaître les circonstances aggravantes de ces maux et de ces souffrances. Le progrès de la science sociale consiste à augmenter la somme de satisfaction des meilleures tendances de notre nature, à réunir dans chaque société la plus grande masse possible de forces (physiques, intellectuelles et morales) capables d'étouffer tout germe de dissolution et de coopérer toujours davantage au développement de la loi de perfectibilité. Pour arriver à ces résultats si désirables, il importe d'imprimer aux institutions qui

régissent les sociétés, aux mœurs et aux enseignements qui prennent tant d'empire sur les esprits, une direction tendant constamment à rétablir ce que l'action des mobiles intéressés de notre nature travaille à détruire sans cesse. Telle est la vocation de l'humanité en ce monde. Elle est assez noble, assez élevée pour que nous nous efforcions de ne pas y manquer.

La vraie civilisation résulte du perfectionnement progressif de tous les actes de l'homme et du juste adoucissement des maux de la vie. Et n'allez pas penser que ces résultats s'obtiennent quand on se borne uniquement à favoriser le développement des forces physiques ou à faciliter l'action de l'intelligence humaine. Les gouvernements ne sauraient trop se préoccuper de la culture de l'âme; sans cela, au lieu de peuples patients et laborieux, ils ne verront autour d'eux que des multitudes inquiètes, agitées incessamment par l'égoïsme et par les mauvaises passions. Il est donc indispensable que le monde civilisé repose sur les bases de la vraie morale,

Quel avantage immense l'humanité entière ne retirerait-elle pas d'une éducation bien dirigée! Le raisonnement est l'arme de l'intelligence. En éclairant l'intelligence, on parviendrait plus facilement à préciser le raisonnement, à purifier les mœurs, à perfectionner la moralité publique. La tête de l'homme est pleine de germes utiles. Qu'on la cultive, qu'on la féconde, on fera ainsi mûrir et venir à bien ce qu'il y a de plus lumineux et de mieux tempéré dans la vertu. « J'ai toujours pensé, disait Leib»nitz, qu'on réformerait le genre humain si l'on réformait l'édu» cation de la jeunesse. » Mais à quel moyen recourir afin de ne pas faire perdre à l'éducation de la jeunesse ses principes, son but et son utilité? Il faut veiller sans cesse à l'éducation de la nation elle-même. Les esprits doivent être dirigés de manière à saisir l'harmonie entre la condition sociale et la vocation morale des individus et des nationalités. Ces deux missions sont connexes.

Ainsi, en résumé, trois conditions sont nécessaires au maintien et à la prospérité des sociétés : l'ordre, la moralité, le progrès. Leur concours doit dominer les différents actes du dévelop pement de l'humanité.

AD. RIGAUT.

DE L'INFLUENCE DE L'ACTION PUBLIQUE SUR L'ACTION CIVILE. 145

De l'influence de l'action publique sur l'action civile,
relativement à la durée de celle-ci.

PAR UN MAGISTRAT.

L'action civile, qui prend naissance dans un délit, est-elle soumise à la prescription ordinaire qui atteint toutes les actions personnelles, ou bien tombe-t-elle sous la prescription spéciale attachée par les lois criminelles à l'action publique ? Cette question, extrêmement grave et qui présente, dans la pratique, un puissant intérêt, peut s'agiter, comme on voit, au sujet de tout préjudice causé par un délit quelconque et donnant naissance à une action personnelle.

Si l'on consulte les articles 637,639 et 640 du Code d'instruction criminelle, et qu'on s'attache au sens littéral de leurs dispositions, rien ne paraît aussi facile que de résoudre cette question, qui même n'en semble pas une au premier abord. Il résulte, en effet, de ces articles que l'action publique et l'action civile, résultant d'un crime, se prescrivent par dix années révolues, à compter du jour où le crime a été commis; que ces deux actions sont prescrites par trois ans, s'il s'agit d'un délit de nature à être puni correctionnellement; enfin, que toutes deux sont soumises à la prescription d'un an, pour une contravention de police.

Mais, en pénétrant plus avant dans la difficulté, on rencontre des objections vraiment sérieuses, et l'on se demande si ces articles doivent être entendus dans ce sens, qu'après les délais fixés par le Code d'instruction criminelle, l'action est non-recevable même devant les tribunaux civils; ou bien, si elle n'est frappée par la prescription qu'autant qu'elle est poursuivie devant les tribunaux criminels.

Pour justifier cette distinction, on peut dire que l'action civile, résultant d'un délit, est fondée sur le principe général consacré par l'article 1382 du Code civil, portant que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige

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