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préparât des hommes capables de rendre à l'administration dans les sphères supérieures, et au pays dans les Conseils de la nation, des services distingués par la force et l'étendue des connaissances spéciales ajoutées à la connaissance du droit. La Commission de 1846 avait principalement en vue, par la creation de l'École spéciale d'application, la haute administration, à l'intérieur, et la représentation, à l'extérieur, des intérêts politiques et commerciaux de la France. Dans ce système d'organisation, il y avait deux points de départ en faveur des aspirants aux fonctions administratives: les Écoles de droit, pour l'administration ordinaire et départementale; l'École spéciale pour le recrutement, par voie de concours, du Conseil d'État, de la Cour des comptes, des Divisions dans les bureaux ministériels, des Consulats et des Légations. Mais ce projet laisserait à la capacité de chacun, sur les différents degrés de la hiérarchie, le droit de se développer et de tendre vers toutes les positions: il ne créerait de monopole au profit d'aucune école; et ceux des élèves sortant de l'École spéciale, qui n'auraient pas obtenu les places mises au concours, rentreraient dans la classe ordinaire des candidats à l'administration.

La première commission de l'Assemblée nationale ne voulait point non plus constituer le monopole des places en faveur des élèves de l'École d'administration, puisqu'elle ne leur assignait que le tiers des places vacantes; mais elle n'ouvrait aucune ressource d'enseignement administratif pour les deux autres tiers des futurs fonctionnaires, et dans l'énumération des services destinés aux candidats soitant de l'École spéciale, elle présentait de nombreux emplois qui ne devaient pas beaucoup sourire à l'ambition des élèves elle leur destinait, par exemple, le tiers de 3,926 places dans les contributions indirectes, de 559 places dans le service colonial, de 449 places dans les douanes, etc.1. Est-ce vraiment pour occuper des rangs inférieurs dans les douanes, le service colonial et les contributions indirectes, que l'on a besoin de faire des études spéciales dans une école d'administration, et puis un noviciat de deux années? Ne suffirait-il pas d'avoir le

1 V. le rapport de M. Bourbeau, Moniteur du 21 décembre 1848.

fonds commun d'instruction que donnera l'enseignement ordinaire du droit administratif, et d'y joindre l'expérience d'un court noviciat?

4o La quatrième différence est relative aux droits des élèves. Le plan de 1846 établit sur les points principaux de la France un enseignement général, et, par une École centrale d'application, un enseignement spécial qui auront pour objet de préparer, dans une mesure différente, des candidats pour l'administration du pays et la représentation de ses intérêts au dehors: mais ce projet n'attribue point à ces jeunes gens un droit définitif; il leur confère seulement une aptitude. On dit aux élèves: L'administration départementale ou générale, les grands corps administratifs se recruteront parmi vous ; mais vous n'aurez de droit acquis que lorsque après examen, noviciat et concours, vous serez devenus fonctionnaires publics.

Le projet de 1848 affecte, au contraire, le tiers de toutes les places aux candidats de l'École d'administration, qu'ils soient ou non plus capables que les autres soldats de l'armée administrative ( selon l'expression du rapport); en attendant les places, il alloue aux élèves, pendant leur noviciat, un traitement de 1,200 fr.: or, comme le noviciat durerait au moins deux ans, et que la promotion de chaque année devrait porter sur cent élèves, il en résulterait que tous les deux ans l'État aurait à payer un noviciat de 240,000 fr. ; et si le nombre des emplois à donner ne répondait pas, chaque année, aux prévisions de l'excommission, il faudrait ajouter à cette charge annuelle la somme des traitements provisoires affectés aux anciens élèves non encore placés. C'est un poids un peu lourd que l'École d'administration, telle qu'elle a été conçue par la Commission de 1848, pourrait traîner après elle.

Avec beaucoup moins de dépense et plus d'équité dans la répartition des charges et des avantages, l'Assemblée nationale peut exécuter le plan de 1846. Le développement de l'enseigne ment administratif dans les Facultés, qui est la première amélio ration à réaliser (si l'on ne croyait pas pouvoir adopter immé diatement le projet tout entier), entraînerait seulement pour toute

les Facultés une dépense de 50 à 60,000 fr. par an. Et il faut se rappeler que cette dépense ne serait pas pour l'État une charge sans compensation, car les Facultés de droit versent, année moyenne, dans le Trésor public, un bénéfice net de TROIS CENT MILLE FRANCS. N'est-il pas de toute justice qu'une partie de ce bénéfice reflue sur les Facultés de droit pour leur donner le moyen de travailler plus activement encore à la propagation de la science?

Que si, comme nous le désirons sincèrement, le plan, maintenant connu, de la Commission des hautes études faisait cesser l'antagonisme et devenait le point de réunion où se concilieraient les deux systèmes mis en présence, l'Assemblée nationale trouverait encore les voies et moyens de l'entière exécution du projet de 1846 dans les 300,000 fr. produits par les Facultés de droit. Et ainsi la République, en restituant à l'enseignement supérieur un excédant de recette sur la dépense, pourrait à la fois doter le pays d'une grande amélioration dans l'enseignement administratif de nos Facultés, et fonder, pour les sciences politiques et administratives, un établissement spécial et d'application, dans le sein duquel se formeraient d'habiles administrateurs et des sujets capables de devenir un jour des hommes d'État.

Personne, au surplus, dans les préoccupations de projets dissemblables mais non inconciliables, personne n'oublie qu'une École d'administration a été formée sur la foi d'un arrêté du Gouvernement provisoire, et que cent cinquante jeunes gens ont pris part à ses premiers exercices. Si le projet du 22 janvier 1849 est adopté, en ce qu'il a d'essentiel, ces jeunes gens seront admis à s'inscrire de suite dans les Facultés, pour les cours de droit pu

1 Savoir :

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6,000 fr.

A Paris, une deuxième chaire de droit administratif.
Dans les huit Facultés des départements, huit chaires à 3,000 fr., cl. 24,000
Plus, pour traitement éventuel, d'après abonnement avec le Tré-
sor pour les huit professeurs, à 3,000 fr., ci.

-24,000

54,000 fr.

Mais dès les premiers temps, il n'y aurait pas nécessité de pourvoir aux huit chaires par la nomination d'autant de professeurs; il suffirait, pour certaines Facultés, de créer quelques suppléances de plus.

blic et administratif, comme s'ils avaient dejà le diplôme de bacheliers en droit, et ils pourront se préparer soit à poursuivre le but ordinaire des études juridiques, soit à obtenir specialement le grade de licenciés en droit administratif - Et si à ce projet, qui a pour lui le vœu exprimé par toutes les Facultés de droit, l'Assemblée nationale ajoutait le complément d'une École spéciale, les élèves qui ont concouru aux premiers travaux de 1848 seraient appelés par leur droit acquis à faire partie de l'École définitive d'administration.

Par l'équité de l'une et de l'autre mesure, on conciliera l'intérêt public, qui réclame pour l'enseignement la meilleure organisation, avec de légitimes espérances, nées sous les auspices de l'administration du pays, et placées sous la protection due à l'intérêt sacré des familles.

F. LAFERRIÈRE.

PHILOSOPHIE DU DROIT.

Considérations sur les principes du droit naturel et social.

Par M. AD. RIGAUT, avocat, juge suppléant à Wissembourg,

§ 1". De la destination et du but de toute société.

La vie sociale est la condition normale de l'homme. S'il est vrai de dire que les instincts ont ébauché les sociétés humaines, ce sont surtout l'intellignce et la raison qui les ont développées et organisées. La communauté d'origine, de langage, d'habitudes, de traditions, a fourni les premiers éléments de l'agrégation sur un certain territoire; mais, pour former un État, il a fallu de plus que chaque société reconnût et réalisât le principe de l'ordre qui seul anime et régularise le fait de l'association. L'ordre suppose la règle; la règle, des autorités qui la déclarent, l'appliquent et l'exécutent. Le but et la destination de toute société, c'est la garantie et la protection d'un développement complet et simultané de toutes les personalités qui com

posent l'association. Cette garantie, cette protection, doivent constamment être basées sur l'idée du juste, élément interne du droit. Les maux physiques qui atteignent l'humanité n'ont rien de commun avec la théorie de la liberté humaine, car il ne nous est pas donné de nous en garantir complétement. Mais l'association est aussi exposée au mal moral provenant de l'exercice irrégulier du libre arbitre de chacun. Comment peut-elle s'en préserver? par l'institution d'une autorité qui, tout en accordant au citoyen le plus de liberté possible, circonscrive cependant la liberté extérieure dans de justes bornes. Le pouvoir gouvernemental puise sa force dans le sentiment du devoir qui nous prescrit à tous de respecter les liens de l'ordre social, sans lequel il n'y a pour les hommes aucun développement, aucun progrès possible. Dans l'état de société, il est évident que nul ne peut se faire justice à soi-même. Celui qui est attaqué dans sa personne, dans son honneur ou dans ses biens, doit s'adresser aux magistrats institués pour lui rendre justice. Il n'y a d'exception à cette règle que quand on se trouve dans la nécessité de repousser de suite une violence personnelle contre laquelle on ne peut immédiatement obtenir le secours des autorités constituées.

La souveraineté de l'État repose sur une seule notion, celle de la justice; l'État doit toujours pratiquer la justice; c'est alors seulement qu'il est capable de la faire respecter.

Dans la sphère de la justice sociale, les manifestations de la libre activité humaine, de la personnalité individuelle, cessent. d'être licites toutes les fois qu'elles blessent le droit à l'égard des autres individus ou qu'elles ôtent à l'État les moyens d'atteindre le but de la société.

L'organisation du pouvoir social est extrêmement variable; rien de plus divers dans l'histoire que les formes de gouver nement. Ges formes ne sont vraiment dignes d'approbation qu'autant qu'elles établissent avec justice l'équilibre et l'harmonie entre les divers éléments sociaux. En effet, l'autonomie sociale et juridique est instituée pour arrêter toutes les mauvaises tendances et pour suppléer par ses commandements à la faillibilité de la volonté, de l'intelligence individuelles. Cela posé, il est

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