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Rapport fait à l'Assemblée nationale, dans sa séance du 6 janvier 1849, au nom du comité de la législation civile et criminelle, sur la proposition de M. Parieu, relative aux majorats et aux substitutions.

Par M. VALETTE, représentant du peuple, professeur à la Faculté de droit de Paris 1.

CITOYENS REPRÉSENTANTS,

Le comité de la législation civile et criminelle s'était déjà livré à de longues études sur la proposition de M. Parieu, lorsqu'il a été saisi de celle de M. Flocon 2; cette dernière n'est d'ailleurs relative qu'aux majorats, et non aux substitutions permises par la loi du 17 mai 1826. C'est donc surtout à la proposition de M. Parieu que nous nous référerons dans le rapport qui va suivre. Le comité, dans le cours de son travail, a vu les difficultés se multiplier devant lui, du moins en ce qui concerne les majorats.

1 Ce rapport, qui a trait à une matière épineuse et assez peu connue, nous a paru de nature à intéresser les lecteurs de la Revue.

(Note des Directeurs.)

Proposition de M. Parieu.

Art. 1. Les majorats de biens particuliers, conservés jusqu'à deux degrés, l'institution non comprise, par la loi du 12 mai 1835, sont abolis. Les biens qui y étaient affectés seront libres entre les mains de ceux qui en sont actuellement investis.

Art. 2. Toutefois, les droits de pension des veuves des titulaires, dans les proportions fixées par le décret du 1er mars 1808, suivant l'état des descendances, seront conservés soit par une hypothèque légale frappant les immeubles affectés au majorat à la date du présent décret, soit par l'inaliénabilité des rentes nécessaires pour le service des pensions jusqu'à leur extinction.

Art. 3. La disposition de l'article 1er sera applicable aux biens substitués en vertu de la loi du 17 mai 1826, sauf le maintien des droits des appelés nés avant la promulgation du présent décret.

Art. 4. La loi du 17 mai 1826 est abrogée.

Proposition de M. Flocon, présentée lorsque le comité avait en très-grande partie terminé son rapport.

Art. 1. L'article 2 de la loi du 12 mai 1835, relative aux majorats, est et demeure rapporté.

Art. 2. Les biens formant les majorats ayant existé jusqu'à ce jour sont désormais soumis au droit commun.

Le problème qu'il avait à résoudre était celui-ci : donner aux principes démocratiques et au crédit public et privé une satisfaction légitime, tout en évitant ce qui pourrait froisser des intérêts respectables, et, par suite, jeter la perturbation dans les familles. Plusieurs fois nous avons cru avoir rencontré une solution définitive, et ensuite de plus mûres réflexions nous ont conduits à remanier notre œuvre. Nous vous la présentons comme le fruit de recherches longues et consciencieuses, et comme ayant obtenu, en dehors du comité même, l'approbation d'un grand nombre d'hommes compétents.

Depuis la révolution de 1830, et dès l'année 1831, des projets avaient été soumis aux chambres sur les mêmes matières. Mais, après plusieurs années de discussions et de renvois faits d'une chambre à l'autre, ces projets avaient abouti, quant aux substitutions, à un avortement, et quant aux majorats de biens particuliers, à la loi du 12 mai 1835, loi insuffisante au point de vue de la politique et du crédit, et qui d'ailleurs est muette ou obscure sur des points fort importants.

Nous allons, en suivant l'ordre présenté par M. Parieu, nous occuper d'abord des majorats. Nous passerons ensuite aux substitutions.

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I. L'institution des majorats, si répandue autrefois en Espagne et en Italie, ne s'était point naturalisée en France; il n'en existait que dans quelques-unes de nos provinces. En 1792, ils disparurent avec les substitutions dont ils étaient une variété; mais plus tard ils furent établis d'une manière générale par le sénatusconsulte du 14 août 1806.

On trouve, dans ce sénatus-consulte même (art. 3, 4 et 5), et dans le deuxième décret du 1er mars 1808 (art. 35 et 36), les expressions propres à déterminer exactement ce qu'on entendait fonder en France sous le nom de majorats. C'étaient « des dotations de titres héréditaires que l'empereur érigeait en faveur d'un chef de famille, pour être reversibles à sa descendance légitime, naturelle ou adoptive, de mâle en mâle, par ordre de

primogéniture. » Cette institution fut organisée avec un soin extrême et dans les plus grands détails, d'abord par le décret que nous venons de citer, et ensuite par beaucoup d'autres décrets, avis du conseil d'État et ordonnances royales.

Le but que l'on se proposait se trouve nettement expliqué dans le sénatus-consulte de 1806 et dans le décret de 1808: on voulait, non pas seulement récompenser de grands services et perpétuer d'illustres souvenirs, mais encore entourer le trône de la splendeur qui convient à sa dignité (préambule du décret du 1er mars 1808); en d'autres termes, reconstituer une aristocratie puissante sur la base de la grande propriété. Dans cette pensée, les décrets impériaux eurent soin d'exprimer que les nouveaux titres de noblesse ne seraient transmissibles qu'autant qu'ils seraient attachés à un majorat constitué par le chef du gouver

nement 1.

Le décret du 1er mars, dans son titre deuxième, distinguait les majorats de propre mouvement et les majorats sur demande. -Les premiers étaient de pures libéralités de l'empereur, prises sur le domaine extraordinaire, lequel provenait lui-même : 1° des biens conquis à l'étranger; 2° des biens acquis en vertu des dispositions des traités, soit patents, soit secrets; 3° des biens acquis à titre onéreux en France, tels que rentes sur l'État et biens immeubles, payés, soit aux particuliers soit au trésor public, et enfin d'actions des canaux de navigation d'Orléans, de Loing ou du Midi, cédés au domaine extraordinaire par l'État, et payés en numéraire. Les seconds étaient formés de biens particuliers appartenant aux fondateurs. Il y eut aussi une troisième espèce de majorats appelés mixtes, parce qu'ayant pour base une dotation impériale, ils étaient complétés en biens personnels du fondateur, jusqu'à concurrence du revenu exigé pour chaque titre par les statuts.

Sous la restauration, le domaine extraordinaire ayant été réuni au domaine de l'État, aucune dotation nouvelle ne put être accordée qu'en vertu d'une loi. Dès lors, les nouveaux majorats

1 Premier décret du 1er mars 1808; deuxième décret du même jour, art. 35 à 39; décret du 4 juin 1809.

• Loi sur les finances, du 15 mai 1818, tit, 10.

furent à peu près exclusivement établis sur demande, c'est-à-dire au moyen de biens particuliers.

II. La révolution de juillet avait laissé subsister la monarchie; mais elle n'en avait pas moins porté un coup mortel à l'établissement dont nous venons d'expliquer la nature. On ne voulait plus d'aristocratie territoriale ou autre; la pairie héréditaire, malgré quelques faibles résistances, avait été abolie; le nouveau Code pénal avait même refusé à la noblesse les garanties qu'elle possédait auparavant contre l'usurpation des titres. Comment dès lors l'institution des majorats aurait-elle pu se maintenir? Elle se trouvait isolée, sans appui dans l'opinion publique et dans l'ensemble de la législation; elle ne se rattachait plus à rien. Évidemment on devait être de plus en plus choqué des inconvénients qui lui sont propres, tels que la concentration des fortunes dans quelques mains, l'inégalité organisée à perpétuité dans les familles, enfin les dommages économiques et financiers résultant de l'inaliénation des biens.

III. Aussi, lorsque la question fut soulevée devant les chambres, se mit-on bien vite d'accord sur ce point: que toute institution de majorats devait être interdite à l'avenir. Telle est la disposition formelle de la loi sur les majorats, du 12 mai 1835, article premier.

Mais quel parti fallait-il prendre à l'égard des majorats existants? Fallait-il les laisser subsister avec toutes leurs conséquences légales et les abandonner à leurs chances naturelles d'extinction? Devait-on, au contraire, les supprimer, soit immédiatement et d'une manière absolue, soit avec des tempéraments propres à ménager la position actuelle des parties intéressées?

Hâtons-nous de dire qu'il ne s'éleva point de débats sérieux en ce qui touche les majorats de propre mouvement, fondés avec les biens du domaine extraordinaire. On parut s'accorder à reconnaître que toute innovation en cette matière était impraticable : car, d'une part, on ne pouvait enlever aux familles des biens qu'elles avaient reçus de l'État comme juste récompense de leurs services; et, d'autre part, en consolidant ces biens entre les mains des possesseurs actuels ou de leurs successeurs à un degré déterminé, on aurait privé l'État lui-même du retour qui, tôt

ou tard, doit s'effectuer à son profit. Le capital ainsi reversible à l'État s'élevait, à la fin de 1847, tant en biens immobiliers qu'en rentes 5 p. 100 évaluées au pair, et en capitaux garantis ou non garantis, à plus de vingt-trois millions de francs. Ajoutons que pour environ douze cents actions des canaux d'Orléans et de Loing, comprises dans les dotations, la loi du 5 décembre 1814 réservait le droit de retour aux anciens propriétaires qui avaient été dépossédés de ces actions. En conséquence, l'article 4 de la loi du 12 mai 1835 déclara que « les dotations ou portions de » dotation consistant en biens soumis au droit de retour en fa» veur de l'État, continueraient à être possédées et transmises » conformément aux actes d'investiture, et sans préjudice des » droits d'expectative ouverts par la loi du 5 décembre 1814. »

La grande question a été en 1835, comme elle l'est encore aujourd'hui, le règlement des majorats antérieurs, formés de biens particuliers. En analysant les discussions qui eurent lieu dans les chambres pendant les années 1834 et 1835, on voit que, sur le sort futur de ces majorats, cinq systèmes différents ont été successivement adoptés par quatre résolutions de la chambre des députés et deux résolutions de la chambre des pairs. Le système qui triompha en définitive sur ce point est formulé dans deux articles de la loi de 1835.

L'un, qui est l'article 2, est ainsi conçu: « Les majorats fondés jusqu'à ce jour avec des biens particuliers ne pourront s'étendre au delà de deux degrés, l'institution non comprise. » - Ces derniers mots donnent lieu à des interprétations diverses: les uns les entendent comme se rapportant à la fondation du majorat, tandis que les autres y veulent voir une première transmission, ce qui porterait, en réalité, le nombre des degrés à trois.

L'autre article, qui est le troisième, décide que « le fondateur d'un majorat pourra le révoquer en tout ou en partie, ou en modifier les conditions, excepté dans le cas où l'appelé aurait contracté antérieurement à la loi un mariage non dissous, ou dont il serait resté des enfants. >>

IV. M. Parieu, dans son projet, laisse subsister le statu quo en ce qui concerne les majorats formés de biens du domaine

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