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Vienne, 28 juin 1809.

Vingt-troisième bulletin de la grande armée.

Le 25 de ce mois, S. M. a passé en revue un grand nombre de troupes sur les hauteurs de Schoenbrunn. On a remarqué une superbe ligne de huit mille hommes de cavalerie dont la garde faisait partie, et où ne se trouvait pas un régiment de cuirassiers. On a remarqué également une ligne de deux cents pièces de canon. La tenue et l'air martial des troupes excitaient l'admiration des spectateurs.

Samedi 24, à quatre heures après-midi, nos troupes sont entrées à Raab. Le 25, la garnison prisonnière de guerre est partie. Décompte fait, elle s'est trouvée monter à deux mille cinq cents hommes.

S. M. a donné au général de division Narbonne le commandement de cette place et de tous les comitats hongrois soumis aux armes françaises.

Le duc d'Auerstaedt est devant Presbourg. L'ennemi travaillait à des fortifications. On lui a intimé de cesser ses travaux s'il ne voulait pas attirer de grands malheurs sur les paisibles habitans. Il n'en a tenu compte : quatre cents bombes et obus l'ont forcé de renoncer à son projet, mais le feu a pris dans cette malheureuse ville, et plusieurs quartiers ont été brûlés.

Le duc de Raguse avec l'armée de Dalmatie a passé la Drave le 22, et marchait sur Dratz.

Le 24, le général Vandamme a fait embarquer à Molck trois cents Wurtembergeois commandés par le général Kechler, pour les jeter sur l'autre rive, et avoir des nouvelles, Le débarquement s'est fait. Ces troupes ont mis en déroute deux compagnies ennemies, et ont pris deux officiers et quatrevingts hommes du régiment de Mitrowski.

Le prince de Ponte-Corvo et l'armée saxonne sont à SaintPolten.

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Le duc de Dantzick qui est à Lintz, a fait faire une reconnaissance sur la rive gauche par le général de Wrede. Tous les postes ennemis ont été repoussés. On a pris plusieurs officiers et une vingtaine d'hommes. L'objet de cette reconnaissance était aussi de se procurer des nouvelles.

La ville de Vienne est abondamment approvisionnée de viande; l'approvisionnement de pain est plus difficile à cause des embarras qu'on éprouve pour la moûture. Quant aux subsistances de l'armée, elles sont assurées pour six mois : elle a des vivres, du vin et des légumes en abondance. Le vin des caves des couvens a été mis en magasin pour fournir aux distributions à faire à l'armée. On a réuni ainsi plusieurs millions de bouteilles.

Le 10 avril, au moment même où le général autrichien prostituait son caractère et tendait un piége au roi de Bavière, en écrivant la lettre qui a été insérée dans tous les papiers publics, le général Chasteller insurgeait le Tyrol et surprenait sept cents conscrits français qui allaient à Augsbourg où étaient leurs régimens, et qui marchaient sur la foi de la paix. Obligés de se rendre et faits prisonniers, ils furent massacrés. Parmi eux se trouvaient quatre-vingt Belges nés dans la même ville que Chasteller. Dix-huit cents Bavarois, faits prisonniers à la même époque, furent aussi massacrés. Chasteller qui commandait fut témoin de ces horreurs. Non-seulement il ne s'y opposa point, mais on l'accusa d'avoir souri à ce massacre, espérant que les Tyroliens, ayant à redouter la vengeance d'un crime dont ils ne pouvaient espérer le pardon, seraient ainsi plus fortement engagés dans leur rebellion.

Lorsque S. M. eut connaissance de ces atrocités, elle se trouva dans une position difficile: si elle voulait recourir aux représailles, vingt généraux, mille officiers, quatre-vingt

mille hommes faits prisonniers pendant le mois d'avril pou→ vaient satisfaire aux mânes des malheureux Français si lâchement égorgés. Mais des prisonniers n'appartiennent pas à la puissance pour laquelle ils ont combattu; ils sont tous la sauve-garde de l'honneur et de la genérosité de la nation qui les a désarmés. S. M, considéra Chasteller comme étant sans aveu ; car, malgré les proclamations furibondes et les discours violens des princes de la maison de Lorraine, il était impossible de croire qu'ils approuvaient de pareils attentats. S. M. fit en conséquence publier l'ordre du jour suivant :

Au quartier-général impérial à Ens, le 5 mai 1809.

Ordre du jour.

D'après les ordres de l'empereur, le nommé Chasteller, soi-disant général au service d'Autriche, moteur de l'insurrection du Tyrol, et prévenu d'être l'auteur des massacres commis sur les prisonniers bavarois et français par les insurgés, sera traduit à une commission militaire, aussitôt qu'il sera fait prisonnier, et passé par les armes s'il y a lieu, dans les vingt-quatre heures qui suivront la saisie. Berthier.

A la bataille d'Esling, le général Durosnel, portant un ordre à un escadron avancé, fut fait prisonnier par vingt-cinq hulans. L'empereur d'Autriche, fier d'un triomphe si facile, fit publier un ordre du jour conçu en ces termes :

Copie d'une lettre de S. M. l'empereur d'Autriche au prince Charles.

Mon cher frère,

J'ai appris que l'empereur Napoléon a déclaré le marquis de Chasteller hors du droit des gens. Cette conduite injuste et contraire aux usages des nations, et dont on n'a aucun

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exemple dans les dernières époques de l'histoire, m'oblige d'user de représailles : en conséquence, j'ordonne que les généraux français Durosnel et Foulers soient gardés comme ôtages, pour subir le même sort et les mêmes traitemens que l'empereur Napoléon se permettrait de faire éprouver au général Chasteller. Il en coûte à mon cœur de donner un pareil ordre, mais je le dois à mes braves guerriers et à mes braves peuples, qu'un pareil sort peut atteindre au milieu des devoirs qu'ils remplissent avec tant de dévouement. Je vous charge de faire connaître cette lettre à l'armée, et de l'envoyer, par un parlementaire, au major-général de l'empereur-Napoléon. Signé FRANÇOIS.

Aussitôt que cet ordre du jour parvint à la connaissance de S. M., elle ordonna d'arrêter le prince de Colloredo, le prince Metternich, le comte de Pergen et le comte de Harddeck, et de les conduire en France, pour répondre des jours des généraux Durosnel et Foulers. Le major-général écrivit au chef d'état-major de l'armée autrichienne la lettte cijointe :

A monsieur le major-général de l'armée autrichienne.

Monsieur,

S. M. l'empereur a eu connaissance d'un ordre donné par l'empereur François, qui déclare que les généraux français Durosnel et Foulers, que les circonstances de la guerre ont mis en son pouvoir, doivent répondre de la peine que les lois de la justice infligeraient à M. Chasteller, qui s'est mis à la tête des insurgés du Tyrol, et a laissé égorger sept cents prisonniers français et dix-huit à dix-neuf cents Bavarois; crime inoui dans l'histoire des nations, qui eût pu exciter une terrible représaille contre quarante feld-maréchaux-lieutenans, trente-six généraux-majors, plus de soixante colonels ou ma

jors, douze cents officiers et quatre-vingt mille soldats, qui sont nos prisonniers, si S. M. ne regardait les prisonniers comme placés sous sa foi ou son honneur, et d'ailleurs n'avait eu des preves que les officiers autrichiens du Tyrol en ont été aussi indignés que nous.

Cependant, S. M. a ordonné que le prince de Colloredo, le prince Metternich, le comte Frédéric de Harddeck et le comte Pergen, seraient arrêtés et transférés en France, pour répondre de la sûreté des généraux Durosnel et Foulers, menacés par l'ordre du jour de votre souverain. Ces officiers pourront mourir, monsieur, mais ils ne mourront pas sans vengeance: cette vengeance ne tombera sur aucun prisonnier mais sur les parens de ceux qui ordonneraient leur mort.

Quant à M. Chasteller, il n'est pas encore au pouvoir de l'armée; mais s'il est arrêté, vous pouvez compter que son procès sera instruit, et qu'il sera traduit à une commission militaire. Je prie votre excellence de croire aux sentimens de ma haute considération,

Le major-général Signé BERTHIER,

La ville de Vienne et le corps des états de la Basse-Autriche sollicitèrent la clémence de S. M., et demandèrent à envoyer une députation à l'empereur François, pour faire sentir la déraison du procédé dont on usait à l'égard des généraux Durosnel et Foulers, pour représenter que Chasteller n'était pas condamné, qu'il n'était point arrêté, qu'il était seulement traduit devant les tribunaux; que les pères, les femmes, les enfans, les propriétés des généraux autrichiens étaient entre les mains des Français, et que l'armée française était décidée, si l'on attentait à un seul prisonnier, à faire un exemple dont la postérité conserverait long-temps le souvenir.

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L'estime que S. M. accorde aux bons habitans de Vienne

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