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de farine, quatre cent mille rations de biscuit et plusieurs centaines de milliers de rations de pain. L'Autriche avait formé ces magasins pour marcher en avant; ils nous ont beaucoup servi.

Vienne, 13 mai 1809:

Septième bulletin de la grande armée.

Le 10, à neuf heures du matin, l'empereur a paru aux portes de Vienne, avec le corps du maréchal duc de Montebello; c'était à la même heure, le même jour et un mois juste après que l'armée autrichienne avait passé l'Inn, et que l'empereur François 1 s'était rendu coupable d'un parjure, signal de sa ruine.

Le 5 mai, l'archiduc Maximilien, frère de l'impératrice, jeune prince âgé de vingt-six ans, présomptueux, sans expérience, d'un caractère ardent, avait pris le commandement de Vienne.

Le bruit était général dans le pays que tous les retranchemens qui environnaient la capitale, étaient armés, qu'on avait construit des redoutes, qu'on travaillait à des camps retranchés, et que la ville était résolue à se défendre. L'empereur avait peine à croire qu'une capitale si généreusement traitée par l'armée française en 1805, et que des habitans dont le bon esprit et la sagesse sont reconnus, eussent été fanatisés au point de se déterminer à une aussi folle entreprise. II éprouva donc une douce satisfaction, lorqu'en approchant des immenses faubourgs de Vienne, il vit une population nombreuse, des femmes, des enfans, des vieillards, se précipiter audevant de l'armee française, et accueillir nos soldats comme des amis.

Le général Conroux traversa les faubourgs, et le général Tharreau se rendit sur l'esplanade qui les sépare de la cité. A

moment où il débonchait, il fut reçu par une fusillade et par des coups de canon, et légèrement blessé.

Sur trois cent mille habitans qui composent la population de la ville de Vienne, la cité proprement dite, qui a une enceinte avec des bastions et une contrescarpe, contient à peine quatre-vingt mille habitans et treize cents maisons. Les huit quartiers de la ville qui ont conservé le nom de faubourgs, et qui sont séparés de la ville par une vaste esplanade et couverts du côté de la campagne, par des retranchemens, renferment plus de cinq mille maisons et sont habités par plus de deux cent vingt mille ames, qui tirent leur subsistance de la cité, où sont les marchés et les magasins.

L'archiduc Maximilien avait fait ouvrir des registres pour recueillir les noms des habitans qui voudraient se défendre. Trente individus seulement se firent inscrire; tous les autres refusèrent avec indignation. Déjoué dans ses espérances par Je bons sens des Viennois, il fit venir dix bataillons de landwehr et dix bataillons de troupes de ligne, composant une force de quinze à seize mille hommes, et se renferma dans la place.

Le duc de Montebello lui envoya un aide-de-camp porteur d'une sommation; mais des bouchers et quelques centaines de gens sans aveu, qui étaient les satellites de l'archiduc Maximilien, s'élancèrent sur le parlementaire, et l'un d'eux le blessa. L'archiduc ordonna que le misérable qui avait commis une action aussi infâme, fût promené en triomphe dans toute la ville, monté sur le cheval de l'officier français et environné par la landwehr.

Après cette violation inouie du droit des gens, on vit l'affreux spectacle d'une partie d'une ville qui tirait contre l'autre, et d'une cité dont les armes étaient dirigées contre ses propres concitoyens.

Le général Andréossy, nommé gouverneur de la ville,

organisa dans chaque faubourg, des municipalités, un comité central des subsistances, et une garde nationale, composée des négocians, des fabricans et de tous les bons citoyens, armés pour contenir les prolétaires et les mauvais sujets.

Le général gouverneur fit venir à Schoenbrunn une députation des huit faubourgs: l'empereur la chargea de se rendre dans la cité pour porter une lettre écrite par le prince de Neufchâtel, major-général, à l'archiduc Maximilien. Il recommanda aux députés de représenter à l'archiduc, que, s'il continuait à faire tirer sur les faubourgs, et si un seul de ses habitans y perdait la vie par ses armes, cet acte de frénésie, cet attentat envers les peuples, briserait à jamais les liens qui attachent les sujets à leurs souverains.

La députation entra dans la cité, le 11 à dix heures du matin, et l'on ne s'aperçut de son arrivée que par le redoublement du feu des remparts. Quinze habitans des faubourgs ont péri et deux Français seulement ont été tués..

La patience de l'empereur se lassa: il se porta avec le duc de Rivoli sur le bras du Danube qui sépare la promenade du Prater des faubourgs, et ordonna que deux compagnies de voltigeurs occupassent un petit pavillon sur la rive gauche, pour protéger la construction d'un pont. Le bataillon de grenadiers qui défendait le passage, fut chassé par ces voltigeurs et par la mitraille de quinze pièces d'artillerie. A huit heures du soir, ce pavillon était occupé, et les matériaux du pont réunis. Le capitaine Pourtalès, aide-de-camp du prince de Neufchâtel, et le sieur Susaldi, aide de camp du général Boudet, s'étaient jetés des premiers à la nage, pour aller chercher les bateaux qui étaient sur la rive opposée.

A neuf heures du soir, une batterie de vingt obusiers, construite par les généraux Bertrand et Navelet, à cent toises de la place, commença le bombardement : dix-huit cents obus furent lancés en moins de quatre heures, et bientôt toute la

ville parut en flammes. Il faut avoir vu Vienne, ses maisons à huit et neuf étages, ses rues resserrées, cette population si nombreuse dans une aussi étroite enceinte, pour se faire une idée du désordre, de la rumeur et des désastres que devait occasioner une telle opération.

L'archiduc Maximilien avait fait marcher, à une heure du matin, deux bataillons en colonne serrée, pour tâcher de reprendre le pavillon qui protégeait la construction du pont. Les deux compagnies de voltigeurs qui occupaient ce pavillon qu'elles avaient crénelé, reçurent l'ennemi à bout portant: leur feu et celui des quinze pièces d'artillerie qui étaient sur la rive droite, couchèrent par terre une partie de la colonne; le reste se sauva dans le plus grand désordre.

L'archiduc perdit la tête au milieu du bombardement, et au moment surtout où il apprit que nous avions passé un bras du Danube, et que nous marchions pour lui couper la retraite. Aussi faible, aussi pusillanime qu'il avait été arrogant et inconsidéré, il s'enfuit le premier et repassa les ponts. Le respectable général O'reilli n'apprit que par la fuite de l'archiduc, qu'il se trouvait investi du commandement.

Le 12, à la pointe du jour, ce général fit prévenir les avant-postes qu'on allait cesser le feu, et qu'une députation allait être envoyée à l'empereur.

Cette députation fut présentée à S. M. dans le parc de Schoenbrunn. Elle était composée de messieurs le comte de Dietricshtein, maréchal provisoire des états; le prélat de Klosternenbourg; le prélat des Ecossais; le comte Perges; le comte Veterain; le baron de Bartenstein; M. de Mayenberg; le baron de Hafen, référendaire de la Basse-Autriche; tous membres des états; l'archevêque de Vienne; le baron de Lederer, capitaine de la ville; M. Wohlleben, bourguemestre, M. Mcher, vice-bourguemestre ; Egger, Pinck, Staif, conseillers du magistrat.

S. M. assura les députés de sa protection; elle exprima la peine que lui avait fait éprouver la conduite inhumaine de leur gouverneur, qui n'avait pas craint de livrer sa capitale à tous les malheurs de la guerre, qui, portant lui-même atteinte à ses droits, au lieu d'être le père et le roi de ses sujets, s'en était montré l'ennemi et en avait été le tyran. S. M. fit connaître que Vienne serait traitée avec les mêmes ménagemens et les mêmes égards dont on avait usé en 1805. La députation répondit à cette assurance par les témoignages de la plus vive reconnaissance.

A neuf heures du matin, le duc de Rivoli, avec les divisions Saint-Cyr et Boudet, s'est emparé de Léopoldstadt.

Pendant ce temps, le lieutenant-général O'reilly envoyait le lieutenant-général de Vaux, et M. Bellonte, colonel, pour traiter de la capitulation de la place. La capitulation a été signée dans la soirée, et le 13, à six heures du matin, les grenadiers du corps d'Oudinot ont pris possession de la ville.

Schoenbrunu, 13 mai 1809.

Ordre du jour.

Soldats,

Un mois après que l'ennemi passa l'Inn, au même jour, à la même heure, nous sommes entrés dans Vienne.

Ses landwehrs, ses levées en masse, ses remparts créés par la rage impuissante des princes de la maison de Lorraine, n'ont point soutenu vos regards. Les princes de cette maison ont abandonné leur capitale, non comme des soldats d'honneur qui cèdent aux circonstances et aux revers de la guerre, mais comme des parjures que poursuivent leurs remords. En fuyant de Vienne, leurs adieux à ses habitans ont été le meurtre et l'incendie; comme Médée, ils ont de leurs propres mains égorgé leurs enfans.

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