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livrés partout au plus affreux pillage. Les soldats, dans l'excès de leur perpétuelle intempérance, se sont portés à tous les désordres d'une ivresse brutale. Tout enfin, dans leur conduite, annonçait plutôt une armée ennemie qu'une armée qui venait secourir un peuple ami. Le méprisque les Anglais témoignaient pour les Espagnols, a rendu plus profonde encore l'impression causée par tant d'outrages. Cette expérience est un utile calmant pour les insurrections suscitées par les étrangers. On ne peut que regretter que les Anglais n'aient pas envoyé une armée en Andalousie. Celle qui a traversé Benavente, il y a dix jours, triomphait en espérance et couvrait déjà ses drapeaux de trophées; rien n'égalait la sécurité et l'audace qu'elle faisait paraître. A son retour, son attitude était bien changée; elle était harassée de fatigues et paraissait accablée de la honte de fuir sans avoir combattu. Pour prévenir les justes reproches des Espagnols, les Anglais répétaient sans cesse qu'on leur avait promis de joindre des forces nombreuses à leur armée; et les Espagnols repoussaient encore cette calomnieuse assertion par des raisons auxquelles il n'y avait rien à répondre.

Lorsqu'il y a dix jours les Anglais traversaient le pays, ils savaient bien que les armées espagnoles étaient détruites. Les commissaires qu'ils avaient entretenus aux armées de la gauche, du centre et de la droite, n'ignoraient pas que ce n'était point cinquante mille hommes, mais cent quatre-vingt mille, que les Espagnols avaient mis sous les armes ; que ces cent quatre-vingt mille hommes s'étaient battus, tandis que pendant six semaines les Anglais avaient été spectateurs indifférens de leurs combats. Ces commissaires n'avaient pas laissé ignorer que les armées espagnoles avaient cessé d'exister. Les Anglais savaient donc que les Espagnols étaient sans armées, lorsqu'il y a dix jours ils se portèrent en avant, enivrés de la folle espérance de tromper la vigilance du général français,

et donnant dans le piége qu'il leur avait tendu pour les attirer en rase campagne. Ils avaient fait auparavant quelques marches pour retourner à leurs vaisseaux.

Vous deviez, ajoutaient les Espagnols, persister dans cette résolution prudente, ou bien il fallait être assez forts pour balancer les destins des Français. Il ne fallait pas surtout avancer d'abord avec tant de confiance pour reculer ensuite avec tant de précipitation; il ne fallait pas attirer chez nous le théâtre de la guerre, et nous exposer aux ravages de deux armées; après avoir appelé sur nos têtes tant de désastres, il ne faut pas en jeter la faute sur nous.

Nous n'avons pu résister aux armes françaises, vous ne pouvez pas leur résister davantage; cessez donc de nous accuser, de nous outrager : tous nos malheurs viennent de vous.

Les Anglais avaient répandu dans le pays qu'ils avaient battu cinq mille hommes de cavalerie française sur les bords de l'Ezla, et que le champ de bataille était couvert de morts. Les habitans de Benavente ont été fort surpris, lorsque visitant le champ de bataille, ils n'y ont trouvé que trois Anglais et deux Français. Ce combat de quatre cents hommes contre deux mille fait beaucoup d'honneur aux Français. Les eaux de la rivière avaient augmenté pendant toute la journée du 29, de sorte qu'à la fin du jour le gué n'était plus praticable, C'est au milieu de la rivière, et dans le temps où il était prêt à se noyer, que le général Lefebvre-Desnouettes ayant été porté par le courant sur la rive occupée par les Anglais, a été fait prisonnier. La perte des ennemis en tués et en blessés dans cette affaire d'avant-postes, a été beaucoup plus considérable que celle des Français. La fuite des Anglais a été si précipitée, qu'ils ont laissé à l'hôpital leurs malades et leurs blessés, et qu'ils ont été obligés de brûler un superbe magasin de tentes et d'effets d'habillemens. Ils ont tué tous les chevaux blessés ou fatigués qui les embarrassaient. On ne sau

rait croire combien ce spectacle, si contraire à nos mœurs, de plusieurs centaines de chevaux tués à coups de pistolet, indigue les Espagnols; plusieurs y voient une sorte de sacrifice, un usage religieux, et cela leur fait naître des idées bizarres sur la religion anglicane.

Les Anglais se retirent en toute hâte. Tous les Allemands à leur service désertent. Notre armée sera ce soir à Astorga et près des confins de la Galice.

Beuavente, 1er janvier 1809.

Vingt troisième bulletin de l'armée d'Espagne.

Le duc de Dalmatie arriva le 30 à Mancilla où était la gauche des ennemis, occupée par les Espagnols du général la Romana. Le général Franceschi les culbuta d'une seule charge, leur tua beaucoup de monde, leur prit deux drapeaux, fit prisonniers un colonel, deux lieutenans-colonels, cinquante officiers et quinze cents soldats.

Le 31, le duc de Dalmatie entra à Léon; il y trouva deux mille malades. La Romana avait succédé dans le commandement à Blake, après la bataille d'Espinosa. Les restes de cette armée qui, devant Bilbao, était de plus de cinquante mille hommes, formaient à peine cinq mille hommes à Mancilla. Ces malheureux, sans vêtemens, accablés par la misère, remplissent les hôpitaux.

Les Anglais sont en horreur à ces troupes qu'ils méprisent, aux citoyens paisibles qu'ils maltraitent et dont ils dévorent la subsistance pour faire vivre leur armée. L'esprit des habitans du royaume de Léon est bien changé; ils demandent à grands cris et la paix et leur roi; ils maudissent les Anglais et leurs insinuations fallacieuses; ils leur reprochent d'avoir fait verser le sang espagnol pour nourrir le monopole anglais et perpétuer la guerre du continent. La perfidie de l'Angle

terre et ses motifs sont maintenant à la portée de tout le monde et n'échappent pas même à la pénétration du dernier des habitans des campagnes. Ils savent ce qu'ils souffrent, et les auteurs de leurs maux étaient sous leurs yeux.

Cependant les Anglais fuient en toute hâte, poursuivis par le duc d'Istrie avec neuf mille hommes de cavalerie. Dans les magasins qu'ils ont brûlés à Bénavente, se trouvaient, indépendamment des tentes, quatre mille couvertures et une grande quantité de rhum. On a ramassé plus de deux cents chariots de bagages et de munitions de guerre abandonnés sur la route de Bénavente à Astorga. Les débris de la division la Romana se sont jetés sur cette dernière ville et ont encore augmenté la confusion.

Les événemens de l'expédition de l'Angleterre en Espagne fourniront le sujet d'un beau discours d'ouverture du parlement. Il faudra annoncer à la nation anglaise que son armée est restée trois mois dans l'inaction, tandis qu'elle pouvait secourir les Espagnols ; que ses chefs, ou ceux dont elle exécutait les ordres, ont eu l'extrême ineptie de la porter en avant lorsque les armées espagnoles étaient détruites; qu'enfin elle a commencé l'année, fuyant l'épée dans les reins, poursuivie par l'ennemi qu'elle n'a pas osé combattre, et par les malédictions de ceux qu'elle avait excités, et qu'elle aurait dû défendre de telles entreprises et de semblables résultats ne peuvent appartenir qu'à un pays qui n'a pas de gouvernement. Fox, ou même Pitt, n'auraient pas commis de telles fautes. S'engager dans une lutte de terre contre la France qui a cent mille hommes de cavalerie, cinquante mille chevaux d'équipages et neuf cent mille hommes d'infanterie; c'est, pour l'Angleterre, pousser la folie jusqu'a ses derniers excès; c'est être avide de honte, c'est enfin diriger les affaires de la Grande-Bretagne comme pouvait le désirer le cabinet des Tuileries. Il fallait bien peu connaître l'Espagne pour atta

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cher quelque importance à des mouvemens populaires, et pour espérer qu'en y soufflant le feu de la sédition, cet incendie anrait quelques résultats, et quelque durée. Il ne faut que quelques prêtres fanatiques pour composer et répandre des libelles, pour porter un désordre momentané dans les esprits; mais il faut autre chose pour constituer une nation en armes. Lors de la révolution de France il fallut trois années et le régime de la convention pour préparer des succès militaires; et qui ne sait encore à quelles chances la France fut exposée ? Cependant elle était excitée, soutenue par la volonté unanime de recouvrer les droits qui lui avaient été ravis dans des temps d'obscurité. En Espagne, c'étaient quelques hommes qui soulevaient le peuple pour conserver la possession exclusive de droits odieux au peuple. Ceux qui se battaient pour l'inquisition, les Franciscains et les droits féodaux, pouvaient être animés d'un zèle ardent pour leurs intérêts personnels, mais ne pouvaient inspirer à toute une nation une volonté ferme et des sentimens durables. Malgré les Anglais, les droits féodaux, les Franciscains et l'inquisition n'existent plus en Espagne.

Après la prise de Roses, le général Gouvion-Saint-Cyr s'est dirigé sur Barcelonne avec le septième corps; il a dispersé tout ce qui se trouvait aux environs de cette place, et il a fait sa jonction avec le général Duhesme. Cette réunion a porté son armée à quarante mille hommes.

Les ducs de Trévise et d'Abrantes ont enlevé tous les ouvrages avancés de Sarragosse. Le général du génie Lacoste prépare ses moyens pour s'emparer de cette ville sans perte.

Le roi d'Espagne s'est rendu à Aranjuez pour passer en revue le premier corps commandé par le duc de Bellune.

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