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et pour elle seule, que l'Autriche et la Russie ont fait la guerre ? L'Autriche ne tarda point à conclure sa paix ; la Russie resta en guerre avec la France. Depuis, un plénipotentiaire russe signa un traité de paix à Paris; la Russie ne le ratifia point, par la seule raison qu'ayant fait la guerre avec vous, c'était avec vous qu'elle voulait faire la paix. Ainsi, après avoir fait la guerre pour l'Angleterre, c'est encore pour elle que la Russie n'a pas fait la paix ; c'est encore pour elle que la Russie a continué la guerre. Ce n'est point pour la Prusse, parce que la Russie ne devait rien à cette puissance; elle ne devait rien à cette puissance, parce que la Prusse, après avoir signé à Berlin un traité de coopération, l'avait presque aussitôt fait désavouer à Vienne, s'était séparée de ses alliés, et avait conclu avec la France ses arrangemens particuliers. La possession du Hanovre, désirée par la Prusse, l'avait été non-seulement sans l'intention de la Russie, mais contre ses intérêts et sa volonté. C'est encore une vérité historique, que la Prusse a armé sur le bruit du traité de paix signé à Paris par M. Doubril, et d'après l'assurance qui lui fut donnée par le marquis de Lucchesini, que, par un article secret de ce traité, la Pologne avait été cédée au grand-duc Constantin. Cet inconcevable cabinet de Berlin, après avoir trompé tout le monde, avait enfin été pris dans ses propres filets. Il est donc vrai que lorsque la Prusse arma en 1806, ce fut tout à la fois contre la France et contre la Russie; il n'est pas moins vrai que la bataille d'Iéna avait déjà détruit l'armée prussienne, que les Français étaient déjà à Berlin et sur l'Oder, lorsqu'il n'y avait point encore de traité entre la Prusse et la Russie. La Russie dut marcher sur la Vistule, à cause de l'état de guerre où elle se trouvait avec la France depuis 1805, et pour se défendre elle-même. Cette confusion des événemens les plus récens, cette ignorance des affaires de nos jours, sont dignes de l'administration actuelle de l'Angleterre. Toute cette conduite

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enfin décèle l'égoïsme et le machiavélisme de ce cabinet. 5 Ainsi l'empereur de Russie' n'est pas fondé à se plaindre de ce que, pendant qu'il était aux prises avec l'armée française, le cabinet de Londres employait les forces britanniques pour le seul profit de l'Angleterre. Si l'escadre anglaise qui a forcé les Dardanelles, avait voulu se combiner avec l'escadre russe, si elle avait pris à bord les dix mille hommes qui ont été envoyés en Egypte, si elle les avait réunis aux douze mille Russes de Corfou, l'attaque de Constantinople eût été une diversion efficace pour la Russie. La conduite de l'Angleterre fut dans un sens tout opposé après avoir subi à Constantinoble une honte ineffaçable, elle fit son expédition d'Egypte, qui n'affaiblissait pas le grand-visir d'un seul homme, et qui n'avait rien de commun avec la querelle dans laquelle elle avait engagé la Russie.

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Ainsi l'empereur de Russie ne doit s'en prendre qu'à lui, puisqu'il n'a pas voulu attendre les secours que l'Angleterre était disposée à lui accorder. Mais ces secours, il fallait les faire marcher lorsque Dantzick était encore dans la possession de Kalkreuth. Si aux douze mille hommes qui ont mis bas les armes et capitulé dans les rues de Buenos-Ayres, l'Angleterre avait joint les quinze mille hommes qui depuis ont incendié Copenhague, ces forces n'auraient pas sans doute fait triompher les armes britanniques; la France était en mesure; elle estimait assez l'Angleterre pour avoir compté sur de plus grands efforts; mais la Russie n'avait pas à se plaindre. Il importait bien peu au cabinet de Londres que deux nations du continent s'entr'égorgeassent sur la Vistule; les trésors de Monte-Vidéo et de Buenos-Ayres excitaient sa cupidité, et Dantzick n'a point été secouru.

S. M., disent les ministres, faisait les plus grands efforts

5 La déclaration anglaise cherche à repousser le reproche qu'on lui adressait de n'avoir rien tenté en faveur de ses alliés.

pour remplir l'attente de son allié. Et qu'ont produit ces grands efforts? L'arrivée de six mille Hanovriens à l'île de Rugen, au mois de juillet, c'est-à-dire, un mois après que la querelle était terminée. N'était-il pas évident qu'une si misérable expédition avait été conçue dans le seul but d'occuper le Hanovre, si l'armée russe avait été victorieuse? n'est-il pas évident qu'elle n'arrivait à Rugen que pour le compte de l'Angleterre? n'est-il pas évident que si l'armée française avait été victorieuse, un secours de six mille hommes n'aurait été d'aucun effet? n'est-il pas évident qu'au mois de juillet, l'armée française devait être victorieuse ou battue? n'est-il pas évident que les ving milie Espagnols, que les quarante mille Français venus de l'armée d'Italie, et dont une partie s'était trouvée disponible Far la sûreté que donnait à la France les expéditions d'Egypte et de Buenos-Ayres, réunis aux vingt-quatre mille Hollandais qui étaient à Hambourg, formaient au mois de juillet une armée plus que suffisante pour anéantir tous les efforts de l'Angleterre ?

Ce n'est donc pas au mois de juillet qu'il fallait envoyer des secours. C'était én avril. Mais alors la légion hanovrienne n'était point formée, et avant qu'on pût faire marcher ce ramas de déserteurs étrangers, les ministres n'avaient à leur disposition que des troupes nationales, et nous dirons-pourquoi ils n'aiment pas à en disposer. Les quinze mille hommes de Buenos-Ayres, réunis à quinze mille hommes des milices de la Grande-Bretagne, pouvaient fournir au mois d'avril une armée de trente mille Anglais; mais ce n'était point là ce qui convenait au cabinet de Londres : le sang des peuples du continent doit seul couler pour la défense de l'Angleterre. Qu'on lise attentivement les débats du parlement, on y trouvera le développement de cette politique; et c'est de cette politique que la Russie se plaint justement. Elle avait le droit de voir. débarquer quarante mille Anglais au mois d'avril, ou à Dant

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zick ou même à Stralsund. L'Angleterre l'a-t-elle fait ? Non; l'a-t elle pu faire? Si elle répond négativement, elle est donc une nation bien faible et bien misérable; elle a donc bien peu de titres pour être si exigeante envers ses alliés. Mais ce qui manquait aux ministres, c'était la volonté ; il ne leur faut que des opérations de pirates; ils calculent les résultats de la guerre à tant pour cent; ils ne songent qu'à gagner de l'argent, et les champs de la Pologne n'offraient que des dangers et de la gloire; et si l'Angleterre avait enfin pris part à quelques combats, du sang anglais aurait été versé; le peuple de la Grande-Bretagne, en apprenant quels sacrifices exige guerre, aurait désiré la paix; le deuil des pères, des mères pleurant leurs enfans morts au champ d'honneur, aurait peutêtre fait naître enfin, dans le cœur des ministres, ces mêmes sentimens qu'une longue guerre a inspirés aux Français, aux Russes, aux Autrichiens. Le cabinet britannique n'aurait pu se défendre à son tour d'avoir-horreur de la guerre perpétuelle, ou bien les hommes de sang qui le composent seraient devenus l'exécration du peuple. Il n'en est pas de la guerre de terre comme de la guerre de mer la plus forte escadre n'exige pas quinze mille hommes parfaitement approvisionnés et n'ayant à souffrir aucune privation; le plus grand combat naval n'équivaut pas une escarmouche de terre, il coûte peu de sang et de larmes. La France, l'Autriche, la Russie emploient à la guerre des armées de quatre cent mille hommes, qui sont exposés à tous les genres de dangers et qui se battent tous les jours. Le désir de la paix naît au sein même de la victoire; et pour des souverains pères de leurs sujets, il se place bientôt parmi leurs sentimens les plus chers. De tous les gouvernemens, l'olygarchie est le plus dur ; lui même cependant est aussi ramené vers la paix, quand la guerre coûte tant de victimes. Le système qui a conduit l'Angleterre à ne point secourir ses alliés, est la suite de son égoïsme, et l'ef

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fet de sa maxime barbare d'une guerre perpétuelle. Le peuple anglais ne se révolte point à cette idée, parce qu'on a soin d'éloigner de lui les sacrifices de la guerre. C'est ainsi que, pendant quatre coalitions, nous avons vu l'Angleterre rire à l'aspect des malheurs du continent, alimenter son commerce de sang humain, et se faire un jeu des scènes de carnage auxquelles elle ne prenait point de part. Elle rentrera dans l'estime de l'Europe, elle sera digne d'avoir des alliés quand elle se présentera en front de bandière avec quatre-vingt mille hommes; alors, quel que soit l'événement, elle ne voudra pas une guerre perpétuelle, son peuple ne se soumettra point aux caprices d'une ambition désordonnée, ses alliés ne seront pas ses victimes. C'est en se battant que les Russes, les Autrichiens, les Français ont appris à s'estimer; c'est en se battant qu'ils ont appris à faire céder les passions haineuses ou cruelles au désir de la paix. L'Angleterre a acquis sa supériorité sur les mers par la trahison à Toulon et dans la Vendée : elle n'a exposé aux convulsions qu'elle a suscitées, que quelques vaisseaux, et quelques milliers d'hommes; elle n'a éprouvé ni le besoin de la paix, ni les pertes sanglantes de la guerre. Mais il est naturel que le continent veuille la paix, ét que les puissances continentales aient en horreur la république d'Angleterre.

6 Il est vrai que la cour de l'amirauté n'a condamné qu'un seul bâtiment russe; mais ce raisonnement n'en est pas moins faux plus de cent bâtimens russes ont été détournés de leur navigation, assujettis à d'odieuses visites et retenus en Angleterre. Depuis le manifeste du cabinet de Londres, plus de douze de ces vaisseaux arrêtés pendant que les Russes se battaient pour la cause de l'Angleterre, ont déjà été condamnés. Ce n'est donc point à la cour de l'amirauté qu'il fal

6 Réfutation des griefs de la Russie, qui se plaignait des vexations que son commerce avait éprouvées de la part des Anglais.

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