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Cependant l'ennemi avait déployé toute son armée ; il appuyait sa gauche à la ville de Friedland, et sa droite se prolongeait à une lieue et demie.

L'empereur, après avoir reconnu la position, décida d'enlever sur-le-champ la ville de Friedland, en faisant brusquement un changement de front, la droite en avant, et fit commencer l'attaque par l'extrémité de sa droite.

A cinq heures et demie, le maréchal Ney se mit en mouvement, quelques salves d'une batterie de vingt pièces de canon furent le signal. Au même moment, la division du général Marchand avança, l'arme au bras, sur l'ennemi, prenant sa direction sur le clocher de la ville. La division du général Bisson la soutenait sur la gauche. Du moment où l'ennemi s'aperçut que le maréchal Ney avait quitté le bois où sa droite était en position, il le fit déborder par des régimens de cavalerie, précédés d'une nuée de cosaques. La division de dragons du général Latour-Maubourg se forma sur-le-champ au galop sur la droite, et repoussa la charge ennemie. Cependant le général Victor fit placer une batterie de trente pièces de canon en avant de son centre; le général Sennarmont, qui la commandait, se porta à plus de quatre cents pas en avant et fit éprouver une horrible perte à l'ennemi. Les différentes démonstrations que les Russes voulurent faire pour opérer une diversion furent inutiles. Le maréchal Ney, avec un sang-froid, et avec cette intrépidité qui lui est particulière, était en avant de ses échelons, dirigeant lui-même les plus petits détails, et donnait l'exemple à un corps d'armée, qui toujours s'est fait distinguer, même parmi les corps de la grande armée. Plusieurs colonnes d'infanterie ennemie, qui attaquaient la droite du maréchal Ney, furent chargées à la baïonnette et précipitées dans l'Alle. Plusieurs milliers d'hommes y trouvèrent la mort; quelques-uns échappèrent à la nage. La gauche du maréchal Ney arriva sur ces entre

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faites au ravin qui entoure la ville de Friedland. L'ennemi, qui y avait embusqué la garde impériale russe à pied et à cheval, déboucha avec intrépidité, et fit une charge sur la gauche du maréchal Ney, qui fut un moment ébranlée ; mais la division Dupont, qui formait la droite de la réserve, marcha sur la garde impériale, la culbuta et en fit un horrible carnage.

L'ennemi tira de ses réserves et de son centre d'autres corps pour défendre Friedland. Vains efforts! Friedland fut forcé et ses rues furent jonchées de morts.

Le centre, que commandait le maréchal Lannes, se trouva dans ce moment engagé. L'effort que l'ennemi avait fait sur l'extrémité de la droite de l'armée française ayant échoué, il voulut essayer un semblable effort sur le centre. Il y fut reçu

comme on devait l'attendre des braves divisions Oudinot et Verdier, et du maréchal qui les commandait.

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Des charges d'infanterie et de cavalerie ne purent pas retarder la marche de nos colonnes. Tous les efforts de la bravoure des Russes furent inutiles; ils ne purent rien entamer, et vinrent trouver la mort sur nos baïonnettes.

Le maréchal Mortier, qui pendant toute la journée fit grandes preuves de sang-froid et d'intrépidité, en maintenant la gauche, marcha alors en avant, et fut soutenu par les fusiliers de la garde, que commandait le général Savary. Cavalerie, infanterie, artillerie, tout le monde s'est distingué.

La garde impériale à pied et à cheval, et deux divisions de la réserve du premier corps n'ont pas été engagées. La victoire n'a pas hésité un seul instant. Le champ de bataille est un des plus horribles qu'on puisse voir. Ce n'est pas exagérer que de porter le nombre des morts, du côté des Russes, de quinze à dix-huit mille hommes. Du côté des Français la perte ne se monte pas à cinq cents morts, ni à plus de trois mille blessés. Nous avons pris quatre-vingt pièces de canon

et une grande quantité de caissons. Plusieurs drapeaux sont restés en notre pouvoir. Les Russes ont eu vingt-cinq généraux tués, pris ou blessés. Leur cavalerie a fait des pertes immenses.

Les carabiniers et les cuirassiers, commandés par le général Nansouty, et les différentes divisions de dragons se sont fait remarquer. Le général Grouchy, qui commandait la cavalerie de l'aile gauche, a rendu des services importans.

Le général Drouet, chef de l'état-major du corps d'armée du maréchal Lannes; le général Cohorn; le colonel Regaud, du quinzième de ligne; le colonel Lajonquière, du soixantième de ligne; le colonel Lamotte, du quatrième de dragons, et le général de brigade Brun, ont été blessés. Le général de division Latour-Maubourg l'a été à la main. Le colonel d'artillerie de Forno, et le chef d'escadron Hutin, premier aidede-camp du général Oudinot, ont été tués. Les aides-de-camp de l'empereur, Mouton et Lacoste, ont été légèrement blessés.

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La nuit n'a point empêché de poursuivre l'ennemi; on l'a suivi jusqu'à onze heures du soir. Le reste de la nuit, les colonnes qui avaient été coupées ont essayé de passer l'Alle, à plusieurs gués. Partout, le lendemain et à plusieurs lieues, nous avons trouvé des caissons, des canons et des voitures. perdus dans la rivière.

La bataille de Friedland est digne d'être mise à côté dẹ celles de Marengo, d'Austerlitz et d'léna. L'ennemi était nombreux, avait une belle et forte cavalerie, et s'est battu avec courage.

Le lendemain 15, pendant que l'ennemi essayait de se rallier, et faisait sa retraite sur la rive droite de l'Alle, l'armée française continúait, sur la rive gauche, ses manoeuvres pour le couper de Koenigsberg.

Les têtes des colonnes sont arrivées ensemble à Wehlau, ville située au confluent de l'Alle et de la Prégel.

L'empereur avait son quartier-général au village de Peterswalde.

Le 16, à la pointe du jour, l'ennemi ayant coupé tous les ponts, mit à profit cet obstacle pour continuer son mouvement rétrograde sur la Russie.

A huit heures du matin, l'empereur fit jeter un pont sur la Prégel, et l'armée s'y mit en position.

Presque tous les magasins que l'ennemi avait sur l'Alle ont été par lui jetés à l'eau ou brûlés. Par ce qui nous reste, on peut connaître les pertes immenses qu'il a faites. Partout dans les villages, les Russes avaient des magasins, et partout, en passant, ils les ont incendiés. Nous avons cependant trouvé à Wehlau plus de six mille quintaux de blé.

A la nouvelle de la victoire de Friedland, Koenigsberg a été abandonné. Le maréchal Soult est entré dans cette place, où nous avons trouvé des richesses immenses, plusieurs centaines de milliers de quintaux de blé, plus de vingt mille blessés russes et prussiens, tout ce que l'Angleterre a envoyé de munitions de guerre à la Russie, entr'autres cent soixantemille fusils encore embarqués. Ainsi la Providence a puni ceux qui, au lieu de négocier de bonne foi pour arriver à l'œuvre salutaire de la paix, s'en sont fait un jeu, prenant pour faiblesse et pour impuissance la tranquillité du vain

queur.

L'armée occupe ici le plus beau pays possible. Les bords de la Prégel sont riches. Dans peu les magasins et les caves de Dantzick et Koenigsberg vont nous apporter de nouveaux moyens d'abondance et de santé.

Les noms des braves qui se sont distingués, les détails de ce que chaque corps a fait, passent les bornes d'un simple bulletin, et l'état-major s'occupe de réunir tous les faits.

Le prince de Neufchâtel a, dans la bataille de Friedland, donné des preuves particulières de son zèle et de ses talens.

Plusieurs fois il s'est trouvé au fort de la mêlée, et y a fait des dispositions utiles.

L'ennemi avait recommencé les hostilités le 5 on peut évaluer la perte qu'il a éprouvée en dix jours, et par suite des opérations, à soixante mille hommes pris, blessés, tués ou hors de combat. Il a perdu une partie de son artillerie, presque toutes ses munitions, et tous ses magasins sur une ligne de plus de quarante lieues.

Tilsitt, le 19 juin 1807.

Quatre-vingtième bulletin de la grande armée.

Les armées françaises ont rarement obtenu de si grands succès avec moins de perte.

Pendant le temps que les armées françaises se signalaient sur le champ de bataille de Friedland, le grand-duc de Berg, arrivé devant Koenigsberg, prenait en flanc le corps d'armée du général Lestocq.

Le 13, le maréchal Soult trouva à Creutzbourg l'arrièregarde prussienne; la division de dragons Milhaud exécuta une belle charge, culbuta la cavalerie prussienne, et enleva plusieurs pièces de canon.

Le 14, l'ennemi fut obligé de s'enfermer dans la place de Konigsberg. Vers le milieu de la journée, deux colonnes ennemies coupées se présentèrent pour entrer dans la place. Six pièces de canon et trois à quatre mille hommes qui composaient cette troupe furent pris; tous les faubourgs de Kœnigsberg furent enlevés; on y fit un bon nombre de prisonniers : le général de brigade Buget a eu la main emportée par un boulet.

En résumé, les résultats de toutes ces affaires sont quatre à cinq mille prisonniers et quinze pièces de canon.

Le 15 et le 16, le corps d'armée du maréchal Soult fut

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