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les jardins qui masquaient les abords de la muraille. Cet ordre fut exécuté sans murmures ; à peine une maison était-elle désignée qu'elle tombait à l'instant. Tous les beaux arbres qui faisaient la richesse du pays disparurent sous la hache, et les jardins, naguère si beaux, ne présentèrent plus qu'une terre inculte. La persuasion que ces sacrifices étaient nécessaires à l'intérêt commun, armait des milliers de bras qui se plaisaient à détruire d'un seul coup les résultats de l'industrie de tant d'années.

Palafox commandait en dictateur, et son pouvoir était encore augmenté par un système de terreur entretenu par les moines. Une potence était en permanence sur la place du marché; et, chaque jour, on y traînait quelques malheureuses victimes. Le peuple aussi exerçait arbitrairement quelque portion de l'autorité qu'il avait déléguée au gouverneur. Le plus léger soupçon de trahison ou de tiédeur, la première dénonciation, étaient des arrêts de mort: heureux ceux qui, conduits au château dans les prisons de l'inquisition, rachetaient leur vie au prix d'une dure captivité! Toute demande était faite au nom de la patrie et du roi; toute désobéissance était un crime de lèse-majesté. Ainsi, lors même que l'unanimité des sentiments n'eût pas existé dans le coeur de tous les citoyens, la seule crainte eût suffi pour en donner

l'apparence. A ces moyens d'action déjà si puissants, se joignaient encore l'ivresse d'un premier succès, la ténacité naturelle des Aragonais, et l'exaltation de leurs sentiments religieux. N. D. del Pilar, protectrice de Saragosse, avait signalé son pouvoir, et la levée du premier siége était le plus grand de ses miracles. Dans une telle disposition des esprits, quels résultats ne pouvaient donc pas espérer les chefs espagnols qui commandaient dans la place?

Cependant le maréchal Moncey mettait à profit son séjour à Alagon pour faire ses préparatifs de siége. Dès le 28 novembre, le général Dedon, commandant l'artillerie, avait mis en réquisition les chevaux et les mulets de la Navarre pour conduire à Tudela l'équipage de siége, qui se composait de soixante bouches à feu et d'une grande quantité de projectiles. Les transports devaient avoir lieu ensuite par le canal jusqu'à Saragosse; mais l'ennemi ayant enlevé tous les bateaux, on fut obligé d'amener par terre jusqu'à Alagon une partie des bouches à feu, avec un approvisionnement de deux cents coups par pièce, ainsi que tout ce qui était nécessaire à la construction des batteries. Alagon devint le dépôt de l'armée : on y établit les magasins, les manutentions, les hôpitaux. Le général Lacoste, commandant du génie, y réunit vingt mille outils, cent mille sacs à terre, et fit confectionner par

Tome II.

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les sapeurs trois ou quatre mille gabions, ainsi qu'un grand nombre de fascines.

Le 15 décembre, le maréchal Mortier, duc de Trévise, arriva avec le cinquième corps à Tudela. Le maréchal Moncey lui envoya un colonel de son état-major pour guider ses colonnes. Le cinquième corps était formé des divisions Suchet et Gazan, d'une brigade de cavalerie, de sept compagnies d'artillerie, d'une compagnie d'ouvriers, d'une compagnie de pontonniers, d'une compagnie de sapeurs; au total environ vingt-quatre mille hommes: il devait couvrir le siége et former aussi une partie de l'investissement. Le troisième corps, destiné spécialement aux travaux du siége, était formé des divisions Grandjean, Musnier et Morlot, d'une brigade de cavalerie, sous les ordres du général Watier, de sept compagnies d'artillerie; en tout vingt-trois mille hommes. L'équipage de siége était suivi de six compagnies d'artillerie, d'une compagnie de pontonniers et d'une compagnie d'ouvriers, présentant un total d'environ six cents hommes. Le personnel du génie était composé de quarante ingénieurs, de huit compagnies de sapeurs, de trois compagnies de mineurs, faisant environ onze cents hommes (1).

(1) Voyez, à la fin de la relation, les tableaux de la composition de l'armée.

Le 19 décembre, les deux maréchaux, ayant concerté leurs opérations, mirent leurs troupes en mouvement sur trois colonnes : la première, composée du troisième corps, de l'artillerie et du génie, s'avança par la rive droite du canal; la deuxième, formée de la division Suchet, du cinquième corps, marcha entre le canal et l'Ebre; la division Gazan, du cinquième corps, qui formait la troisième colonne, passa l'Ebre en face de Tauste, se dirigeant par Castejon sur Zuera. Le maréchal Moncey laissa à Tudela, à Alagon, et sur la ligne, la deuxième légion de réserve, forte de deux mille cinq cents hommes, et dix-huit cents hommes du cent vingt et unième de ligne, pour garder les magasins, conserver les communications avec Pampelune et pousser des colonnes mobiles sur les deux rives de l'Ebre. L'esprit d'agitation qui animait le pays, et l'existence d'une masse de soldats ou de paysans armés qui, dispersés à la bataille de Tudela, portaient leur brigandage depuis Haro et Soria jusqu'à Borja, rendaient cette mesure indispensable.

Le 20 décembre, dans l'après-midi, les troupes françaises parurent en vue de Saragosse. Le maréchal Mortier s'avança, avec la division Suchet, par la rive droite de l'Ebre, et prit poste à Saint-Lambert, à une lieue de Saragosse, tandis que la division Gazan se portait, par la rive gauche, sur Zuera et Villanueva. Le maréchal Moncey s'a

vança, avec le troisième corps, jusque sur la Huerba, que la division Grandjean traversa pour tourner le Monte-Torrero. La division Morlot resta sur les hauteurs de la rive gauche, en face des grandes écluses, et la division Musnier forma la réserve avec l'artillerie et les sapeurs.

Avant la chute du jour, le maréchal Moncey fit reconnaître la ligne de l'ennemi sur le canal, et donna des ordres pour l'attaquer dès le lendemain. Deux batteries furent construites et armées pendant la nuit pour battre le fort de BuenaVista: l'une à droite, de quatre pièces de 12 et de deux obusiers de six pouces, placée à quatre cents mètres du fort, sur le prolongement de la capitale du saillant de gauche; l'autre à gauche, de deux pièces de douze et de quatre obusiers de huit pouces, à trois cent vingt mètres et sur le prolongement de la face droite.

Le 21, à huit heures du matin, ces deux batteries commencèrent à tirer; elles démontèrent une des pièces de l'ennemi, et mirent le feu à un dépôt de poudre. En même temps le capitaine d'artillerie Monot se portait à la droite, devant le pont d'América, avec six pièces d'artillerie légère, et battait les retranchements qu'avait l'ennemi au pied des grands magasins. Sous l'appui de cette artillerie, la division Grandjean se présenta sur le MonteTorrero la deuxième brigade simula une attaque

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