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contre la Russie. « Quant aux 30,000 hommes, il se dérobe: il ignore les intentions de l'empereur son maître'. Pour distraire Otto, il lui confie tout le détail officiel de son entremise avec les Anglais et les Russes. C'est un moyen d'embarquer Napoléon dans cette négociation, et une fois qu'il l'aura, implicitement, acceptée, de lui déclarer que, en vertu de cette entremise même, l'Autriche ne peut plus fournir à l'un des belligérants un corps auxiliaire; il se retirera de l'alliance, du consentement de Napoléon, sous les yeux de son ambassadeur!

Il écrit une longue lettre à Maret, une autre à Bubna : « Il est réservé à l'empereur des Français de nous faire regarder la présente guerre comme autrichienne; le premier pas est fait; il a accepté notre intervention mot dont voudrez bien soigneusement vous servir en toute occasion, au lieu de celui de médiation 2. » Le médiateur, en effet, s'engage à soutenir ses propositions. Or, Metternich n'entendait devenir médiateur que pour se lier à la Russie, à la Prusse, à l'Angleterre. L'effet de sa procédure devait être non de lier l'Autriche à Napoléon, mais de tirer Napoléon dans le filet dont l'Autriche serrerait les fils et d'où Napoléon ne sortirait plus. François releva les communications de son ministre d'une belle lettre à son bon frère et gendre 3».

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Là-dessus arrive un rapport de Schwarzenberg, commandant du corps auxiliaire. Il est daté du 8 janvier et relate les ouvertures qu'a faites Anstett, l'envoyé d'Alexandre : le grand désir qu'ont le tsar et toute l'armée russe de profiter de l'occasion qui se présente pour renouer les relations; " que tout était préparé pour faire rentrer l'Autriche en possession de ses provinces cédées » ; que la Russie ne visait qu'à rétablir l'équi

libre en Europe; « que le rétablissement de la Pologne ne pouvait jamais entrer dans ses vues, tout aussi peu que le

1 Rapport d'Otto, 18 janvier 1813.

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A Maret, 23 janvier; à Bubna 25 janvier 1813. Voir, ci-après, p. 52, les instructions à Wessenberg, 13 février 1813.

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changement de la dynastie régnante en France; que ces assurances solennelles doivent faciliter infiniment les moyens de s'entendre; et, pour conclure, Anstett propose un armistice de trois mois, ayant, dit-il, du maréchal Koutousof les pouvoirs pour le signer. Schwarzenberg s'y montre très favorable: l'armistice conserve son corps intact et, de plus, arrête le progrès des Russes, dans le duché de Varsovie, aux ci-devant limites de l'Autriche, en 1809.

C'était devancer les désirs de l'empereur François. Il répondit à Schwarzenberg, le 24 janvier : « Si vous deviez en venir à conclure une suspension d'hostilités, vous ne devriez pas perdre de vue l'importance dont il serait de couvrir le plus possible du territoire du duché de Varsovie." Moins les Russes en occuperaient, moins ils seraient autorisés à y prétendre, et puisque les Russes parlaient de restituer à l'Autriche ses provinces perdues, la politique commandait de prendre les Russes au mot et de se nantir, d'ores et déjà, des territoires à réclamer.

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était

L'armistice fut signé le 30 janvier à Zeycs: « Vu la rigueur de la saison et d'autres circonstances également pressantes... Il était illimité; un plan de mouvements concertés Y annexé1. Dès lors Schwarzenberg se retira méthodiquement devant les Russes. L'Autriche avait recouvré la disposition de son corps auxiliaire en même temps que la mobilité de sa politique. Zeyes présentait à un mois de distance le pendant et le complément de Tauroggen.

Le comte Stackelberg, ministre de Russie à Vienne avant la rupture, résidait à Gratz et se tenait en communication avec Metternich; ce ministre lui demanda une entrevue et entama la procédure de l'intervention. Pour qu'Otto n'en conçut point de soupçons, il s'empressa de lui en faire confidence et lui annonça l'envoi de M. de Lebzeltern auprès d'Alexandre 2. Il attribua l'initiative des pourparlers à Stackelberg : ce Russe était arrivé tout exalté de la victoire; Metternich l'avait

1 Texte dans MARTENS, t. III, P. 89.

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Rapports de Stackelberg, 26 janvier; d'Otto, 26 janvier 1813.

ramené sur terre: «Tenez, mon cher Stackelberg, vous ressemblez à un homme qui voit le jour pour la première fois, il vous éblouit... Nous voyons plus clair. » « C'est un grand pas, dit-il à Otto, que cette première démarche de la Russie. Comptez sur nous; nous ne lâcherons rien, absolument rien... L'empereur a ordonné de mobiliser 100,000 hommes, y compris le corps auxiliaire'. » Insinuation destinée à rassurer Napoléon sur cet armement et, en même temps, à enlever son consentement à la fusion du corps auxiliaire dans le gros de l'armée autrichienne. Il ajouta, pour préparer Napoléon à un armement plus considérable et en venir à l'abrogation du traité restrictif de 1809: « Jusqu'ici la guerre n'est pas autrichienne. Si elle le devient dans la suite, ce n'est pas avec 30,000 hommes, mais avec toutes les forces de la monarchie que nous attaquerons les Russes. » Et, pour mieux endormir les soupçons de Napoléon, il révéla toute une trame de trahisons entre des agents d'Alexandre et des Polonais, «< cette nation qui ne respire que manigance et intrigue, qui n'a été polonaise que depuis qu'elle a cessé de l'être, qui cajole à l'apparence la France, qui promet à l'approche du danger fidélité et amour à la Russie... » C'était une invite à Napoléon de dissoudre lui-même le duché de Varsovie, d'en restituer les morceaux autrichiens à l'Autriche, le reste à la Prusse, sans scrupule pour les Polonais, et de s'en faire un boulevard contre la Russie. 2

Sur ce, il expédia les entremetteurs avec des instructions sur l'entremise. A Berlin, Zichy rassurera les Prussiens sur la défection qu'il leur conseillera. Les conditions ne sont pas les mêmes pour les deux souverains, dira-t-il, « mais leur intérêt est le même. Cet intérêt est permanent; il paraît à l'empereur tellement prononcé, qu'un changement d'attitude politique ne saurait le détruire ou même y porter atteinte...

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1 Rapport d'Otto, 13 février 1813.

* Metternich à Bubna, 6 février 1813. ERNOUF, Maret, ch. vIII, et BIGNON, t. XI, p. 503; Souvenirs d'un diplomate. Voir ci-dessus rapport d'Otto, 18 janvier 1813, p. 48.

1813. François l'écrivit de sa main à Frédéric-Guillaume'. Lebzeltern partit à la rencontre d'Alexandre avec une lettre de l'empereur d'Autriche, et Wessenberg se mit en route pour Londres 2.

Ces deux instructions jettent un jour oblique, mais pénétrant, sur les desseins de Metternich. Il raffine sur les nuances : l'entremise et la médiation. « Comme puissance médiatrice, nous aurions à dicter les conditions de la paix. » Ils n'en sont qu'à l'entremise, mais « c'est aux puissances belligérantes elles-mêmes à sentir tout l'intérêt qu'elles ont de nous porter à étendre l'attitude de puissance simplement intervenante et à la changer en celle de puissance médiatrice ». Il va plus loin : « Dès que Napoléon commence à craindre que nous ne changions notre attitude actuelle de puissance intervenante en médiatrice armée, il est de l'intérêt naturel de la partie adverse d'accepter notre intervention pour nous faire passer au rôle de médiateur, auquel l'empereur sera loin de se refuser dans la suite. » Quant aux bases de paix, « il s'agit maintenant moins des bases détaillées de la paix future que de celles premières et générales sur lesquelles pourrait s'asseoir une négociation..... Il s'agira alors d'un lieu de réunion..... Prague nous paraitrait le plus convenable... » C'est-à-dire que suivant la tactique de 1805 3, on produira d'abord des propositions générales, assez vagues encore, qui seront le minimum de ce qu'on exigera plus tard; elles serviront d'amorce à la négociation, et, une fois cette négociation commencée sur cette base provisoire et fallacieuse, on la reprendra en sous-œuvre, on l'étendra, on la développera selon les circonstances de la guerre et la fortune des armes. Jamais, même en cette première période, même en ces premiers pourparlers, il ne fut question d'arrêter des conditions de paix immuables, à accepter ou refuser par oui ou par non, à signer dans les

1 Metternich à Zichy, 30 janvier; l'empereur au roi de Prusse, 28 janvier 1813. Instructions de Lebzeltern; François II à Alexandre, 8 février 1813. Instructions de Wessenberg, 8 février 1813. ARNETч, Wessenberg.

Voir t. VI, p. 418.

vingt-quatre heures; tout au contraire, et c'est de la sorte qu'il conviendra dorénavant d'interpréter les propositions des alliés, si l'on en veut pénétrer la politique, en démêler l'artifice et en connaître la vraie portée.

Metternich commentait lui-même ces instructions dans ses entretiens avec le comte Hardenberg, le Hanovrien. Il lui dit, et le répéta à Humboldt, que, « lorsque la partie serait bien engagée », la Russie avec 200,000 hommes sur l'Oder, si la Prusse se déclare, si la Suède débarque 30,000 hommes, si le Danemark reste,neutre, l'Autriche déclarera sa neutralité; elle formera, en attendant, une armée de 100,000 combattants effectifs, 150,000 avec les dépôts, « sur la destination desquels la France, malgré les protestations de l'Autriche, conserverait toujours des doutes, tandis que, dès ce moment il donnerait les assurances les plus positives à la Russie et à la Prusse que ces forces n'agiraient jamais contre elles; enfin que s'étant, en attendant, entendue sur la base de la paix avec les puissances en guerre contre la France, l'Autriche se déclarerait contre celui qui se refuserait à la paix; menace qui, dans la supposition que l'on se soit entendu avec l'Angleterre, la Russie et la Prusse, ne peut être dirigée que contre la France1. "

Préoccupé d'éloigner le théâtre de la guerre et d'empêcher « les confédérés du Rhin » de tomber sur les contrées riches

des États autrichiens; prévoyant du même coup que ces États, le moment venu, changeraient volontiers de confédération, Metternich engageait les principaux d'entre eux à temporiser, à tirer en longeur leurs armements, bref à filer leur défection. Il attire le roi de Saxe, honnête et borné, dans le filet de l'intervention 2. « Si le roi, écrivait-il à Binder, à Stuttgart, se presse de porter ses forces à un état disponible, il augmente à la fois les chances de sacrifices pour ses propres États et celles de la continuation de guerre. "9 En passant par Munich, l'ambassadeur d'Autriche en France tint un langage

1 Hardenberg à Münster, à Londres, 7 février 1813, en français. André BONNEFONS, Un allié de Napoléon.

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