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la France; à reconnaître le rétablissement des Bourbons en Espagne; l'indépendance de l'Italie, de la Suisse, de l'Allemagne; la Hollande au prince d'Orange; des cessions de colonies moyennant compensations. C'étaient, implicitement, les « limites naturelles » qu'il réclamait, et il usait des expressions même de la déclaration de Francfort, en abdiquant « la prépondérance hors des limites de son empire

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Les alliés demandèrent à en référer et la conférence fut ajournée sine die. « Il y a de quoi rompre si cela vous plait, écrivit Stadion à Metternich; et il y de quoi rester à l'infini, tout à votre choix. Vos figures de tapisserie de Châtillon ont tenu les portes ouvertes à tout ce que les puissances de Chaumont voudront décider....... Je crois que pour des hommes de paille, nous avons fait au delà de ce qu'on devait attendre. "

A Chaumont, où l'on eut ces nouvelles le 11, l'on commença par en disputer; puis on se rejeta, finalement, dans les malentendus'. Plusieurs lettres de Maret à Caulaincourt avaient été interceptées; dans l'intervalle du temps où les avant-postes les avaient saisies et où Stadion les avait reçues, recachetées et remises à Caulaincourt, le cabinet noir d'Autriche, digne de sa vieille réputation, les avait en partie déchiffrées. Metternich les jugeait pacifiques. Il en communiqua au tsar ce qu'il fallait pour lui faire croire qu'au 9 février, quand cet empereur avait rompu, « la paix se serait faite aux plus belles conditions". « Nous nous sommes durement repentis, pensait-il, de n'avoir pas signé la paix à ce momentlà, où Napoléon l'implorait comme une grâce, à nos conditions les plus extrêmes 3. »

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Les alliés refusèrent de prendre au sérieux les considérations et déductions historiques de Caulaincourt. Ils l'invitèrent encore une fois à produire un contre-projet, qui ne fût pas la négation du projet des alliés : bref les anciennes limites, avec

1 Journal de Hardenberg, 11 mars 1814. FOURNier.

236 heures. Caulaincourt s'en plaint à la conférence du 10. FOURNIER, p. 339. 3 Voir ces pièces dans Fournier, annexes, p. 340-342. — Metternich à Stadion, 11 et 12 mars; à Hudelist, 2 mars 1714. FOURNIER.

quelques amendements peut-être sur les autres articles'. Ils s'accordèrent ainsi pour laisser le protocole ouvert, espérant, Alexandre que la guerre le fermerait brutalement, Metternich qu'on y pourrait glisser quelques insinuations, si les événements tournaient mal. « Parlez sous main à Caulaincourt, manda-t-il à Stadion, et faites-lui pressentir, si vous le jugez utile, que les vaisseaux d'Anvers, si le reste est accordé, ne peuvent pas faire en Angleterre une condition sine qua non. Caulaincourt est tellement animé du meilleur esprit, que je vous supplie de vous mettre en rapport direct avec lui. » Il arrange un mode secret de correspondance avec Stadion, par sa femme 2. Le lendemain : «Faites savoir à Caulaincourt que je trouve le mémoire détestable, les articles insuf fisants et que s'il ne sait pas faire de la meilleurs besogne, nous n'arriverons pas à la paix, malgré le désir que nous en avons, avec lui... » On enverra un dernier ultimatum. « Si Caulaincourt l'engraisse un peu, nous l'attirerons peut-être ici pour finir conjointement avec vous en deux fois vingtquatre heures 3. » « Nous devons d'ici à peu de jours nous trouver en paix avec la France, ou pouvoir nous servir des armes puissantes pour agir sur l'opinion publique que nous fournira la rupture des négociations par la France. » n'aura jamais écrit un plus beau manifeste", disait-il quelques jours auparavant *.

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Si bien que Metternich cachât son jeu, ses collègues s'en doutaient : « Nous sommes tous suspects aux envoyés..." « Vous n'avez pas l'idée de tout ce que ceux de notre quartiergénéral nous font souffrir. Je n'y tiens plus, et l'empereur en est malade. Ils sont tous fous ... " On colportait des propos singuliers de Schwarzenberg. Ce généralissime tenait pour la défensive. Est-il sage d'engager une bataille avec cette armée? demandait-il. Et il écrivait à sa femme : « Si cette armée est

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Instruction envoyée à Châtillon, 11 mars 1814, à minuit, FOURNIER.

* A Stadion, le 11 mars à deux heures du matin.

A Stadion, le 12 mars à trois heures du matin.

4 A Stadion, 26 février 1814.

3 A Stadion, sans date, le 13 mars, vraisemblablement.

battue aussi, quel triomphe pour Napoléon et quel rôle joueront les souverains, s'ils passent le Rhin à la tête de l'armée battue ! » "

Le 12 mars il se tint, à Chaumont, une conférence des plus orageuses chez Hardenberg. L'empereur François a-t-il interdit au généralissisme de se battre? demande Alexandre à Metternich; lui a-t-il déjà donné l'ordre de repasser le Rhin? Frédéric-Guillaume prononce le mot de trahison; on veut pousser Blücher aux extrêmes : l'Autriche est certainement d'accord avec la France! Metternich, en sortant, écrit à Schwarzenberg2: « Je vous prie de parler bien fort à l'empereur Alexandre; ne vous laissez dérouter par rien... Il s'agit de battre l'ennemi et pas de se battre... Laissez håbler les håbleurs. Il importait d'attendre le résultat du duel engagé entre Blücher et Napoléon, et, en attendant, de conserver à l'Autriche la fameuse « position de flanc » qui la rendrait

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arbitre des affaires.

La conférence du 13 mars, à Châtillon 3, ne fut qu'une mise en demeure à Caulaincourt de déposer un nouveau contre-projet. Les alliés l'exigeaient dans les vingt-quatre heures; Caulaincourt en demanda quarante-huit. Il se raidit d'ailleurs, assurant que si.l'on voulait des déclarations précises, il n'en pouvait fournir qui le fussent davantage que la note de Saint-Aignan. Cette note revenait ainsi incessamment sur le tapis. Jusque-là les alliés avaient évité la discussion. Cette fois, et surtout après le mémoire du 10 mars, ils jugèrent indispensable de rompre l'équivoque qui durait depuis le 9 novembre, et ils dissipèrent le fantôme. « Quant aux bases de M. de Saint-Aignan, rapporte Stadion, nous refusames positivement de les admettre, et nous déclarâmes que, s'il voulait y persister ou baser le contre-projet sur elles, cela ne pourrait être regardé que comme refus. Les ministres

1 Schwarzenberg à sa femme, 12 mars 1814, FOURnier.

13 mars 1814.

3 ANGEBERG.

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Rapport de Stadion, 13 mars 1814.- Notes de Stewart, CASTLEREAGH, t. I, p. 560.

anglais mirent surtout beaucoup d'attention à rejeter les pièces de Francfort comme étant officiellement inconnues à eux, et tout à fait étrangères aux négociations de Châtillon. »

Ces feintes propositions n'avaient jamais été, comme on se plaisait à le croire en France, un point d'arrêt dans la guerre, et dans la négociation une époque, en quelque sorte, où le cours des choses aurait pu changer. Elles furent un épisode qui ne suspendit rien, n'arrêta rien, et s'écoula comme le reste, selon la fortune des armes. Or, les armes tournèrent contre Napoléon. Il avait dû renoncer à culbuter Blücher à Laon. Il se retira, 9-13 mars, et Schwarzenberg reprit l'offensive. Les Anglais, ayant forcé Soult à se replier, étaient entrés dans Bordeaux, où, le 12 mars, le maire proclama les Bourbons et arbora le drapeau blanc. Dans le même temps un émissaire du comte d'Artois se présentait au quartier général des alliés.

VIII

Des royalistes s'infiltraient par toutes les frontières, rôdaient autour des états-majors, quêtant des audiences, jouant les envoyés d'importance, grands prometteurs, solliciteurs plus empressés encore. Tous les anciens affidés des agences se remirent en campagne, battant les buissons, le grand braconnage politique étant rouvert. En première ligne le baron de Vitrolles'. Cet ancien officier de l'armée de Condé s'était faufilé chez Tal

leyrand, chez Dalberg, qui ne demandaient qu'à être informés des vues des alliés, et de celles des « princes » dont ils s'inquiétaient fort, s'agissant pour eux d'être les artisans, bénificiaires et dignitaires de la future monarchie, ou les dupes de la prochaine révolution, ce qui n'était ni dans leurs goûts ni

1 Mémoires de Vitrolles; Mémoires de Talleyrand, t. II, II, p. 151, 175.

p.

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- PASQUIER,

dans leurs habitudes. Vitrolles offrit de partir en éclaireur, Dalberg lui remit une lettre en encre sympathique pour Stadion, et cette autre pour Nesselrode, avec un signe de reconnaissance. « La personne que je vous envoie est de toute confiance écoutez-la et remerciez-moi. Il est temps d'être plus clair. Vous marchez avec des béquilles, servez-vous de vos jambes et voulez ce que vous pouvez. On sait que depuis longtemps il correspondait avec les Russes'.

Vitrolles et les agents moins connus dont il est, grâce à sa fortune politique, à sa verve de récit, à son art de mise en scène, devenu comme le type et le chef de file n'avaient ni plus de politique, ni plus d'audace, ni plus d'entregent que tant de leurs prédécesseurs, courriers, commis et courtiers, chevaliers errants ou condottières diplomatiques de la monar chie, depuis 1790. Ils eurent, ce jour-là, au moins, de l'àpropos, la chance du « voyageur de commerce » qui, au lieu d'obséder de ses offres les gens qu'il visite, leur propose l'entremise dont ils ont besoin pour une affaire qui les presse.

Vitrolles débarqua, raconte-t-il, le 10 mars, à Châtillon, chez Stadion, sous le nom de Saint-Vincent. Stadion trouva qu'il parlait bien et rapportait des choses qui méritaient d'être entendues; il l'envoya à Metternich. Vitrolles se rendit à Troyes, où Metternich arriva le 16 avec les souverains et les ministres. Vitrolles apportait des nouvelles de Paris, des renseignements sur l'opinion, les personnes qui se remuaient, les gens avec qui l'on devait compter, ceux sur lesquels on pourrait compter. « M. de Vitrolles, rapporte Nesselrode, me mit au fait de l'état des esprits à Paris, de la facilité que nous aurions à nous en rendre maîtres, en imprimant plus de vigueur à nos opérations militaires, et de l'accueil que nous y trouverions. 2 Reçu un instant le 16 au soir, il eut ses audiences le lendemain, de Metternich d'abord, puis de Nesselrode. Enfin, demanda Metternich, que voudrait-on en France? La France demande un repos qu'on lui a ravi

"

1 Voir t. VI,

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p. 324.

NESSELRODE, Autobiographie.

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