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ternich de négocier sous main, avec les Français; et le fait est qu'il le tentait. Il envoya, sous prétexte de porter des lettres à Stadion, un diplomate de son entourage, Esterhazy, à Châtillon, et le chargea d'admonester Caulaincourt'. Il écrivit, le 8 mars, à ce diplomate, « le bon duc », comme le qualifiait Stadion, « et qui voulait sincèrement la paix ». Il lui découvrit, ce jour-là, ce qu'il lui avait dissimulé à Prague et à Francfort et ce qu'il aurait fallu découvrir tôt ou tard, lorsqu'on en serait venu à dresser les articles, à savoir l'engagement pris de ne pas traiter sans l'Angleterre et la volonté de l'Angleterre d'imposer les anciennes limites : « Que l'empereur se convainque bien qu'il n'aura rien fait s'il n'arrive pas à la paix générale... L'Angleterre va rondement en besogne. Le ministère est assez fort pour vouloir la paix. Si elle ne se fait pas dans ce moment, nulle autre occasion ne se présentera plus, dans laquelle il puisse être permis d'espérer même une négociation. Ce sera le triomphe des partisans de la guerre à extinction contre l'empereur des Français... Le monde sera bouleversé et la France sera la proie des événements..... »

C'est alors que, pour couper court à des machinations qu'ils redoutaient et qui n'expliquaient que trop clairement la mollesse de Schwarzenberg, Castlereagh revint à sa combinaison favorite, le plan prescrit par le prince régent et par lord Liverpool: une alliance générale qui résumerait et scellerait tous les traités particuliers de 1813, et nouerait si fortement le faisceau qu'aucune partie ne s'en pourrait plus détacher. Il se trouvait, sur cet article, d'accord avec Alexandre, et comme il tenait les clefs de la caisse aux subsides, il fallut bien que Metternich en passât par où il voulait. Les pourparlers, encore que poursuivis sous le coup de la nécessité, ne laissèrent pas d'être épineux. C'est que, pour garantir le résultat de la guerre, il le fallait définir, et c'était aborder le chapitre des

| 3 mars 1814. FOURNIER. Stadion à Metternich, 9 mars. d'Esterhazy, BIGNON, t. XIII, p. 379 et suiv.

Sur la mission

Vers le 7, dit Hardenberg, dans son journal. Il note un conférence chez Castlereagh le 3, jusqu'à une heure.

VIII.

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compensations. Les Anglais auraient voulu faire attribuer à la Hollande la plus grande partie de la rive gauche du Rhin; les Prussiens se récrièrent : Si on ne leur laissait pas, sur cette rive, « un territoire capable d'être défendu et de maintenir une armée de 100,000 hommes, le roi ne consentirait pas à prendre ses indemnités sur la rive gauche du Rhin1». Enfin, le 9 mars, l'ouvrage fut sur pied. Ce traité — mon traité, disait Castlereagh à Hamilton, le 10 mars 1814, - fut antidaté et reporté, dans l'instrument, au 1 mars.

or

C'est le fameux traité de Chaumont 2, « le grand traité d'alliance », dit Münster, « le plus étendu peut-être qui ait été conclu», écrit Metternich à Merveldt. Il gouverna l'Europe jusqu'en 1848 et fonda cette coalition des quatre qui, tant de fois disloquée, se reconstitua chaque fois que la France montra quelque velléité de sortir des limites que les alliés prétendaient alors lui imposer. Il constitua, en quelque sorte, le pouvoir exécutif de l'Europe, dont les traités de Paris du 30 mai 1814 et de Vienne du 9 juin 1815 formèrent la charte. L'objet déclaré par le préambule est de « resserrer [entre les puissances] les liens qui les unissent pour la poursuite vigoureuse d'une guerre entreprise dans le but salutaire de mettre fin aux malheurs de l'Europe;... d'assurer le repos de l'Europe par le rétablissement d'un juste équilibre », et de maintenir contre toute atteinte l'ordre de choses qui aura été l'heureux résultat de leurs efforts ». En cas de refus de leurs conditions de paix par la France, les alliés consacreront tous les moyens de leurs États respectifs à la poursuite vigoureuse de la présente guerre ; chacun tiendra en campagne au moins 150,000 hommes, soit une armée de 600,000 hommes, l'Angleterre paiera pour 1814 cinq millions sterling. Ils s'engagent à ne pas négocier séparément avec l'ennemi commun, et à ne signer ni paix, ni trève, ni convention que d'un commun accord. » Ils promettent de

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Lettre de Münster au prince-régent, 10 mars 1814.

Renouvellements du traité de Chaumont : Vienne, 25 mars 1815; Paris, 20 novembre 1815; Aix-la-Chapelle, 15 novembre 1818.

« ne pas poser les armes avant que l'objet de la guerre, mutuellement convenu et entendu, ne soit atteint. » Ils entreront sans délai, dans des engagements défensifs pour la protection de leurs États respectifs en Europe contre toute atteinte que la France voudrait porter à l'ordre des choses résultant de cette pacification ». Si la France attaque l'un d'eux, les autres interviendront diplomatiquement, d'abord, puis chacun par un corps de 60,000 hommes. Le commandement et la solde de l'armée auxiliaire sont réglés. Le traité est conclu pour vingt années, et renouvelable. Les monarchies d'Espagne, de Portugal, de Suède et le prince d'Orange -futur roi des Pays-Bas seront invités à y accéder. Le traité pose enfin les bases de la paix déjà tant de fois dessinées l'Allemagne composée de princes souverains, confédérés; la Suisse indépendante sous la garantie des puissances; l'Italie en États indépendants; l'Espagne aux Bourbons; la Hollande, accrue, au prince d'Orange.

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Le traité était signé, mais pour s'être engagés avec cette solennité, les alliés n'avaient pas abjuré leurs dissentiments et leurs rivalités à l'arrière-plan, pour la paix générale, la question de Pologne et la question de la suprématie russe; au premier plan, la question de la paix avec Napoléon ou de la déchéance de l'empire.

VII

Caulaincourt méditait, dans l'amertume de son cœur et le désastre de sa pensée, sur une catastrophe qui désormais lui semblait inévitable. Il révèle à Napoléon ce qu'il apprend des menées des Bourbons et de la complaisance de l'Autriche à laisser approcher le comte d'Artois. « L'Autriche, puisqu'elle n'a plus honte d'une telle conduite, est prête à vous renier. " Il rapporte les dernières paroles de l'émissaire de Metternich,

Esterhazy. « La paix, conclut-il, est des plus urgentes pour Votre Majesté, on ne peut savoir où les choses iront... Dussentils reculer momentanément au delà du Rhin, et courir de nouvelles chances, la partie est liée de manière à ce que les plus grands revers ne changeraient rien aux prétentions qu'on a émises. " Il ajoute, sur la suggestion de Metternich : « L'Autriche et la Prusse, vaincues par Votre Majesté, lui ont donné plus d'un exemple de résignation: cette vertu a profité à ces cabinets, puisqu'ils parlent aujourd'hui en vainqueurs. Imitez-les, sire, pendant que votre capitale n'est pas encore envahie ». Ce conseil est « le dernier acte de parenté de l'Autriche ».

Le 10 mars, il y eut, comme il était convenu, conférence à Châtillon. Caulaincourt lut un long mémoire, rédigé vraisemblablement par La Besnardière, d'après les indications de l'empereur. C'étaient des observations incontestables sur les effets des partages de la Pologne, les accroissements obtenus en 1793 et 1795 par la Russie, la Prusse et l'Autriche, les acquisitions russes du traité d'Yassy, celle de Tilsit et la Finlande, les sécularisations d'Allemagne.

Les alliés, dit le mémoire, parlent d'équilibre : en serait-ce un stable qui consisterait à ramener la France dans les limites d'avant 1792, alors que les autres conserveraient ou recouvreraient leurs limites étendues depuis 1792, l'Autriche et la Prusse rétablies dans l'état de 1805, l'Angleterre gardant l'empire des Indes et Ceylan, et le Cap? « Quand tout a changé autour de la France, comment pourrait-elle conserver la même puissance relative en étant replacée au même état qu'auparavant? Replacée dans ce même état, elle n'aurait pas même le degré de puissance absolue qu'elle avait alors, car ses possessions d'outre-mer étaient incontestablement un des éléments de cette puissance. » Arguments historiques, arguments

'Caulaincourt à Napoléon, 3 et 5 mars 1814.

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RANKE, t. IV, p. 428-429.

Notes de Stewart. CASTLEREAGH, Stadion à Metternich, 10 mars; Caulaincourt à Napoléon,

politiques, excellents en soi, et qui eussent porté si l'equilibre, dans le langage des alliés, eût signifié autre chose, que le déplacement, à leur profit, de la balance ancienne des puissances. C'est ainsi qu'ils l'entendaient en 1709, en 1792, en 1793, en 1799. Le Conseil exécutif, le Comité de salut public, et le Directoire, Bonaparte, en 1797, avaient invoqué aussi, pour justifier leurs prétentions sur la rive gauche du Rhin, le partage de la Pologne; mais la France occupait alors cette rive gauche, et une partie de la rive droite, et la Hollande, et l'Italie jusqu'aux Légations et à Venise: elle tenait la balance, elle pouvait parler d'équilibre! A leur tour, les alliés laissèrent Caulaincourt lire sa " longue et tédieuse dissertation » . Il produisit, à l'appui, « la note diciée à M. de Saint-Aignan, avec la lettre de M. de Metternich qui établit », dit-il, l'authenticité de cette pièce. Alléguer les « bases de Francfort », prétendre en établir l'authenticité, c'était, inévitablement soulever un orage. « Une discussion des plus vives s'est élevée... On a représenté que ce n'était point la réponse à laquelle on devait s'attendre... qu'il fallait se décider, qu'on avait fixé un terme » 1. Un des Anglais réclama un contre-projet; Caulaincourt répliqua sur tous les articles. « La conférence est devenue de plus en plus orageuse... Les plénipotentiaires de Russie et d'Angleterre paraissent fort décidés à rompre. Lord Aberdeen a été le plus modéré de toute l'assemblée, et même le seul. " - Est-ce un refus de nos conditions de paix? »> demanda Stadion. Caulaincourt ne le laissa pas même achever sa phrase Ce n'est point un refus; la France ne refuse rien; ce sont des observations qu'il présente à la considération des plénipotentiaires. On en discuta académiquement, quelque temps, puis les alliés faisant mine de se lever, Caulaincourt tira de ses papiers un écrit dont il donna lecture, en forme de déclaration verbale : Napoléon est prêt à renoncer à tous titres exprimant des rapports de souveraineté, de suprématie, de protection, médiation hors des limites de

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