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la fameuse visite au tombeau du Grand Frédéric, à Potsdam, en novembre 1805 il céda au prestige d'Alexandre et se jeta dans ses bras. « Le roi de Prusse lui a promis de rester avec lui jusqu'à la dernière extrémité 1. »

C'est dans la même soirée, après le dîner, qu'il convient de placer un entretien raconté par Metternich et dont tous les détails ne sauraient être admis sans réserve 2, Metternich ayant intérêt, à l'époque où il rédigea ses mémoires, à se montrer et plus prévoyant, et surtout plus favorable aux Bourbons qu'il ne l'était alors 3. « La France est hostile aux Bourbons, aurait dit Alexandre. Vouloir les ramener sur un trône qu'ils n'ont pas su garder, ce serait exposer la France et l'Europe à de nouvelles révolutions dont les suites sont incalculables. Choisir un nouveau souverain, c'est, pour l'étranger, une grosse entreprise. » Revenant alors au plan qu'il avait élucidé en 1804, qu'il désirait très vivement appliquer alors et qu'il essaya de reprendre, après Waterloo, en 1815, il proposa de pousser vigoureusement sur Paris, de s'en emparer, d'adresser une déclaration aux Français leur disant qu'ils étaient libres de choisir leur souverain, de convoquer les assemblées primaires, qui auraient à délibérer sur deux questions seulement la forme du gouvernement, le choix du souverain; mais avec ce sous-entendu que ni le gouvernement ne serait la république, ni le souverain Napoléon. « Un point essentiel sera de bien diriger l'assemblée. J'ai sous la main l'homme qu'il me faut......., La Harpe. "

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Metternich soutint son plan de négociation; puis il alla prendre les ordres de l'empereur François et retourna le lendemain, 28 janvier, chez Alexandre. « J'ai été jusqu'à la menace d'une rupture et j'ai emporté la pièce », écrivit-il. Alexandre comprit que tout valait mieux que la retraite des

Münster au prince régent, 30 janvier 1814. FOURNIER.

* Autobiographie : Sur l'histoire des alliances, Séjour à Langres: Mémoires, t. I, p. 183. FOURNIER, p. 70, note, Rapport de Castlereagh, 29 janvier

1814.

3

BAILLEU, Die Memoiren Metternich's,

Historische Zeitschrift, 1880.

Autrichiens de la coalition. Avec les Autrichiens, on pouvait aller à Paris, et la victoire emporterait le reste. Il consentit à une conférence où l'on arrêterait les bases des instructions à donner aux plénipotentiaires qui se réuniraient avec Caulaincourt à Châtillon 1.

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Toutefois, avant d'y envoyer son ministre, Alexandre voulut préciser ses vues, poser ses réserves, et il fit rédiger à cet effet, par Pozzo, croit-on, des « observations sur le mémoire de Metternich 2. « Personne ne saurait décider, lorsque la guerre dure encore, si le but de l'alliance est atteint... La probabilité d'atteindre le but dépend de la victoire. » Passant aux négociations successives de Prague, de Toeplitz, de Francfort, la note russe en définissait exactement l'esprit c'étaient des ouvertures qui n'engageaient à rien, un moyen d'entamer des négociations préliminaires, en se réservant d'élever les exigences selon les événements de la guerre ce qui, en réalité, était advenu.

Dans le moment où une grande partie de l'Europe était encore occupée par les armées françaises, et lorsque les espérances de succès étaient incertaines, les alliés ont dû circonscrire leurs prétentions à la nature de leur situation; mais ces termes ne sont pas une renonciation à tous les autres avantages auxquels la Providence et les sacrifices immenses que les puissances ont déjà faits leur permettent d'aspirer... Les bases dont on a parlé d'une manière non officielle à Francfort ne sont pas celles auxquelles on voudrait se tenir strictement aujourd'hui; les idées de Fribourg diffèrent de celles de Båle, et ces dernières peuvent n'être pas conformes à celles de Langres.

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S'il est donc permis comme il est vrai d'étendre ses prétentions d'une manière aussi grave..., aucune transaction antérieure entre les alliés ne les oblige nullement envers leurs ennemis...

Il n'y avait pas lieu, poursuivait la note, de discuter avec la France les arrangements relatifs à l'Europe; on n'avait qu'à déterminer et à lui notifier ses limites futures". La note concluait à négocier en combattant :

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Metternich à l'empereur, 28 janvier; à Schwarzenberg, 30 janvier. FOURNIER. * RUSSIE, t. XXXI: Délibérations entre les cabinets alliés à Langres.

Cette manière de voir n'implique ni ne blesse la question de la dynastie, mais si la Providence convertissait les événements et la popularité de Napoléon en instruments de destruction contre son existence politique, ni la justice, ni les intérêts de l'Europe n'auraient à souffrir d'un pareil résultat.

Alexandre avait consenti à des conférences de Châtillon, moyen dilatoire, mais avec l'arrière-pensée d'en rompre les effets. Ainsi, à Prague et à Francfort. « Metternich, écrivait Münster, a fait tous les efforts possibles, depuis le séjour de Fribourg, pour arrêter les opérations militaires. L'empereur Alexandre lui a toujours échappé en se portant en avant 1». Il partit, en effet, le 29, laissant parlementer les diplomates. Toutefois il eut soin d'ordonner à ses ministres de faire ajourner la première conférence de Châtillon au 3 février, probablement », écrit Münster, on peut dire : certainement, « dans l'intention de porter un coup à l'ennemi et de terrasser le monstre ».

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La conférence entre les alliés eut lieu le 29 janvier chez l'Autrichien Stadion. Y étaient présents: Metternich et Stadion pour l'Autriche, Nesselrode et Rasoumowsky pour la Russie, Castlereagh pour l'Angleterre, Hardenberg pour la Prusse. Pozzo di Borgo tint le protocole 2.

L'on convint que Caulaincourt serait informé de l'arrivée des plénipotentiaires à Châtillon, pour le 3 février, afin d`ouvrir des conférences préliminaires à la paix générale »; que, dans ces conférences, les quatre stipuleraient au nom de l'Europe. Castlereagh, avait fort à cœur de corriger l'espèce d'aveu tacite donné par Aberdeen aux « limites naturelles, en novembre, à Francfort; il fit arrêter que l'on proposerait à la France les limites de 1792 comme base de la paix. On ajouta, sur la demande de Metternich : « sauf à entrer dans des détails d'arrangement d'une convenance

Rapports de Münster, 30 janvier, 2 février 1814. FOURNIER.

2 Protocole de la conférence tenue à Langres le 29 janvier 1814. RUSSIE, t. XXXI. Metternich à Hudelist, 30 janvier, 1er février 1814. ONCKEN, t. II, p. 763-764.

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FOURNIER,

réciproque sur quelques portions de territoire au delà des limites, de part et d'autre ». C'était pour lui une échappatoire, un moyen spécieux de relier les négociations de Châtillon aux insinuations et à la déclaration de Francfort, le Rhin, les Alpes et l'étendue de territoire que la France n'avait jamais connue sous ses rois.

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Les Russes auraient voulu interdire toute communication aux Français sur les futurs arrangements de l'Europe. La proposition parut blessante en ces termes; on l'écarta, et l'on se borna à stipuler: Qu'on leur donnera connaissance des arrangements généraux sans cependant en faire un objet de négociation; enfin « qu'en cas de rupture des négociations, les conditions proposées seraient portées à la connaissance de la nation française ». Avant qu'on levât la conférence, Castlereagh déclara que son gouvernement espérait qu'aucun des souverains alliés ne s'opposerait à la restauration des Bourbons, dans le cas où elle serait l'œuvre de la nation française, et il se réserva le droit de rompre les négociations le jour où la situation de Napoléon n'assurerait plus de garantie à l'exécution des engagements qu'il aurait pris.

Les plénipotentiaires devaient emporter une instruction commune. Metternich fut chargé de la rédiger '.

L'ardeur d'Alexandre, l'audace de Blücher coupaient court aux tergiversations des politiques en 1792-1795, les diplomates arrêtaient les armées; en 1814, les armées entrainent à leur suite les diplomates effarés souvent, toujours cabalant et murmurant. Toutefois le ferment subsistait, et Napoléon pouvait espérer encore, les battant en détail, de les séparer dans les négociations. Il défit Blücher le 31 janvier à Brienne; Blücher le battit le 1er février à la Rothière. Le 3, les plénipotentiaires des alliés partirent pour le congrès. Ils emportaient ces instructions 3 écrites sous l'impression du succès de Blücher

2

diviser la négociation en deux parties: 1° le

1 Bar-sur-Aube, 2 février 1814 FOURNIER, voir ci-après, p. 262.

Henry HOUSSAYE, 1814. - THIERS, t. XVII. Livres LI et LII.

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RUSSIE, 1. XXXI. Congrès de Chatillon.

VIII.

FOURNIER, pièces.

17

retour de la France aux anciennes limites; 2° la communication sommaire à la France, qui n'y devait exercer aucune influence, des vues des alliés sur la reconstruction de l'Europe, savoir l'Allemagne composée d'États souverains et confédérés; la Suisse confédérée; l'Italie partagée en États indépendants; l'Espagne aux Bourbons; la Hollande indépendante et accrue. A ces instructions écrites, Alexandre ajouta l'injonction verbale à son représentant « de ne rien précipiter, mais de laisser aux événements de la guerre le temps de développer leurs résultats. »

III

Les plénipotentiaires étaient pour la Russie, le comte Rasoumowsky; pour l'Autriche, le comte Stadion; pour l'Angleterre les lords Castlereagh, Aberdeen, et sir Charles Stewart; pour la Prusse, Humboldt, plus tout un état-major de chancellerie, scribes et protocolaires. La petite ville, désertée par les paysans, n'avait plus de marché : « Nous faisons des provisions comme s'il s'agit d'aller aux Indes » écrivait Stadion à sa femme.

Le 4 au soir, réunis chez Stadion, les alliés se retrouvèrent en présence de la question qu'ils s'étaient tour à tour posée à Prague et à Francfort: « Et s'il consent à tout, dit Rasoumowski, devrons-nous signer? » Castlereagh et Stadion se récrièrent contre les curieux malavisés et les questions incommodes. On décida d'ajourner la notification des conditions de paix.

Caulaincourt les attendait. Il passa la journée du 4 dans un

1 Notes et protocoles dans ANGEBERG, p. 104 et suiv. Rapports de Stadion, journal de Floret, dans FOURnier. Lettres de Castlereagh. Notes de Stewart Caulaincourt à l'empereur, 5 février 1814. Cf. ci-dessus p. 137, 202. Sur leur installation, voir Mémoires de Mme DE CUASTENAY, t. II, p. SEGUR, t. VI, p. 289.

278.

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