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naturelles et, en particulier, « aux bases générales et sommaires qui ont été communiquées à M. de Saint-Aignan›

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Metternich se croyait désormais sûr de l'opinion à Paris. Il avait pour lui la crédulité, peut-être la confiance, du nouveau ministre de Napoléon. Il fit approuver, le 4 décembre, une déclaration destinée par les souverains à faire connaître au peuple français les vues des alliés au moment où ils se disposaient à passer le Rhin, qu'ils feignaient du vouloir assigner comme limite à la France. C'est un ouvrage qu'il considère, à juste titre, comme un de ses chefs-d'œuvre. Dans cette pièce, la seule qui engageât les alliés, il se garda bien de reproduire Alexandre d'ailleurs ne l'eût point permis, la phrase de Saint-Aignan :

ni Aberdeen

Que les souverains alliés étaient unanimement d'accord sur la puissance et la prépondérance que la France doit conserver dans son intégrité et en se renfermant dans ses limites naturelles, qui sont le Rhin, les Alpes et les Pyrénées.

Les limites naturelles, le Rhin, les Alpes, les Pyrénées s'évanouissent, il ne subsiste que des expressions ambiguës et vagues:

Les puissances alliées ne font point la guerre à la France, mais à cette prépondérance que, pour le malheur de l'Europe et de la France, l'empereur Napoléon a trop longtemps exercée hors des limites de son empire.

Les souverains désirent que la France soit grande, forte et heu

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Les puissances confirment à l'empire français une étendue de territoire que n'a jamais connue la France sous ses rois...

«Notre but moral est évident, écrit Metternich; nous travaillons pour agir sur l'intérieur de la France.» «Nous avons jugé à propos, mande Aberdeen, vu la tournure heureuse des événements, d'abandonner la détermination des frontières : Rhin, Alpes, Pyrénées'. «Par cette manifestation solen

A Castlereagh, 4 décembre 1813. — Cf. ci-dessus p. 69-71, 138, 140-141. RUSSIE, t. XXXI, Aperçu, IV partie. Déclaration de Francfort. METTERNICH,

t. I.

Metternich à Hudelist, 6 décembre 1813, FOURNIER.

nelle de leurs intentions et de leurs vœux, dit un document officiel russe, les cabinets alliés avaient principalement pour objet de séparer la cause de Napoléon de celle du peuple français et d'éloigner ainsi les obstacles qu'une résistance nationale aurait pu opposer aux armées de la coalition. » Cette résolution et l'accueil qui fut fait à la lettre de Caulaincourt quand elle arriva, le 5 décembre, à Francfort, découvrent bien l'illusion où étaient les politiques de Paris. Ils s'imaginaient qu'un oui tout simple, adressé le 16 novembre aux propositions de Saint-Aignan, aurait forcé la main aux alliés. On vit le 5 décembre ce qu'on aurait vu le 25 novembre, à la nouvelle de l'acceptation des bases générales et sommaires ». Metternich, couva sa réponse cinq jours, et écrivit, le 10 décembre, à Caulaincourt. Constatant << avec satisfaction que l'empereur avait accepté les bases essentielles de la paix, les souverains allaient porter, sans délai, cette déclaration « à la connaissance de leurs alliés » c'està-dire qu'ils allaient consulter les Anglais, non en vue de l'ouverture d'un congrès, mais en vue de conférences prélimi naires, de manière à établir, les bases et le mode d'une pacification définitive1» Il est si peu vrai que le oui eût suffi à tout accommoder, qu'il se passa tout un mois sans qu'il fût question de négocier et que les conférences préliminaires ne s'ouvrirent que le 5 février 1814, deux mois après.

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«

Vingt mille exemplaires de la déclaration furent jetés au delà du Rhin et répandus en tous les points de la France « par tous les moyens au pouvoir des alliés ». Elle était antidatée du 1 décembre. Quand elle parvint à Paris, le public et les politiques s'accordèrent pour entrer dans le jeu : ils lurent le texte comme Metternich l'avait désiré; et ils virent, en imagination, les mots fascinateurs la limite du Rhin surgir de l'encre sympathique, « entre les lignes » ; la limite sacrée de Båle à la Hollande se dessina sur la carte en un relief lumi

Metternich à Wessenberg, 6 décembre 1813.

Mot de Metternich, I, 252. l'opinion en 1805, t. V, p. 508.

VIII.

Cf. ci-dessus p. 200. Comparez l'état de

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neux. On apprit que Napoléon la refusait, et ce fut désormais la plus indéracinable des légendes.

V

Napoléon entama lui-même la liquidation du Grand empire. Il se débarrassa de l'Espagne et des Espagnols. Le traité fut signé à Valençay, le 11 décembre. Il rendait à l'Espagne les rois Bourbons avec ses territoires continentaux et coloniaux tels qu'ils existaient lors de la paix d'Utrecht. Napoléon songeait du même coup à délivrer le pape, et il lui envoya, à Fontainebleau, l'évêque de Plaisance pour négocier son départ et sa rentrée à Rome. Pie VII répondit qu'il ne traiterait qu'à Rome même, et Napoléon n'eut désormais d'autre ressource que de l'y renvoyer '.

Le 9 décembre, il avait ouvert la session des chambres 2: session de levées d'hommes et de levées d'impôts. Son discours ne fut qu'un dernier écho de ceux que la France entendait depuis vingt-deux ans, chaque fois que le gouvernement réclamait un nouvel effort et proclamait la nécessité de recommencer la guerre « La France même serait en danger, sans l'énergie et l'union des Français... C'est à vous de donner l'exemple d'une énergie qui recommande notre génération aux générations futures. Qu'elles ne disent pas de nous : «Ils ont sacrifié « les premiers intérêts du pays! ils ont reconnu les lois que l'Angleterre a cherché en vain pendant quatre siècles à imposer à la France3. » Parlant des négociations de la paix :

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1 D'HAUSSONVILLE, t. V, ch. LVII.

* THIERS, t. VII, p. 163–178.

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Comparez Danton, 31 janvier 1793, t. III, p. 278-279. Barère, 1er août 1793, t. III, p. 472-473. - Cambacérès, 3 mars 1795, t. IV. 259. — Le comité, 27 avril 1795, t. IV, p. 389. Le Directoire, 28 octobre et 7 novembre 1795, t. V, p. 254-255.

Proclamations 21 octobre, 1o décembre 1805, 23 octobre 1806, t. VII, p. 103104. Messages, 19 et 27 novembre 1806, t. VII, p. 115-116. Tilsit, juillet 1807, t. VII, p. 186-187. - Messages du 10 décembre 1810, du 9 juin 1811.

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« J'ai ordonné que l'on vous communiquât toutes les pièces originales... Vous en prendrez connaissance par l'intermédiaire d'une commission..."

Caulaincourt aurait désiré même une publication. Elle aurait, écrivit-il à l'empereur, le 23 décembre, « le double avantage de donner à la France un gage de votre modération et de proclamer l'engagement public et réciproque pour les alliés de ne pas exiger plus et pour Votre Majesté de ne pas accorder moins. » Caulaincourt se figurait sans doute que la lecture de ces pièces ferait passer dans l'esprit des Français la conviction dont il était animé. Napoléon n'y consentit pas. Le rapport de Saint-Aignan fut singulièrement amendé. L'essentiel restait, la phrase sur les limites; mais, dans le document ainsi accommodé, elle revêtait plus d'importance, je ne sais quoi de plus officiel; bref les propositions prenaient des figures de bases infiniment plus prononcées, et il s'ensuivit un effet fort différent de celui qu'attendait l'empereur. Caulaincourt reçut chez l'archichancelier les commissaires du Sénat, qui l'écoutèrent en silence. D'Hauterive fut chargé d'endoctriner ceux du Corps législatif, parmi lesquels se trouvaient Raynouard et Lainé. Ils se montrèrent plus curieux, moins faciles, inclinant visiblement à la créance aveugle envers les alliés, à la méfiance non dissimulée envers Napoléon. Ils estimèrent suffisant de prendre acte des ouvertures; mais ils jugèrent utile de lier Napoléon. Ils lui demandèrent la promesse devant la France, devant l'Europe, en termes positifs et formels, d'accéder à ces ouvertures. Raynouard, l'un des commissaires, dit « que l'esprit public abattu, énervé, ne pouvait autrement se relever ». « Le Corps législatif, poursuivit-il ', devrait déclarer à l'empereur qu'au moment où il a été élevé sur le trône par le vœu de la nation, il avait promis de défendre les frontières et de conserver l'intégrité du territoire de l'empire... qu'aujourd'hui on le sommait de tenir sa promesse; qu'il n'y aurait point de sacrifices qu'on ne fit pour

1 Notes de d'Hauterive, séance de la commission législative, 24 décembre 1813.

concourir avec lui à l'acquit de ce serment, mais que les vœux des Français s'arrêtaient là, et que tout ce qui s'étendait audelà de cet intérêt pouvait être sacrifié à la paix. "

Le sénat vota une adresse de platitude. Elle serait sans intérêt si le rapporteur, Fontanes, n'y avait confirmé, accentué, précisé officiellement les ouvertures de Francfort et le refus de la paix par Napoléon : « M. le prince de Metternich et le ministre russe, M. le comte de Nesselrode, tous deux, au nom de leurs cours, ont posé devant lui M. de SaintAignan, dans un entretien confidentiel, les bases préliminaires d'une pacification générale. L'ambassadeur anglais, lord Aberdeen, était présent à cette conférence. Remarquez bien ce dernier point, sénateurs, il est important '. » Le Corps législatif, par la bouche de Laîné, un des artisans prochains de la restauration des Bourbons, répondit par des remontrances, regrettant l'illusion de la paix, le refus de l'empereur, réclamant le contrôle, la tribune. Napoléon répondit en quelques mots : « Le Béarn, l'Alsace, la Franche-Comté, le Brabant sont entamés. J'appelle les Français au secours des Français... L'étranger fuira ou signera les bases qu'il a lui-même proposées. Il n'est plus question de recouvrer les conquêtes que nous avions faites 2. " Puis, le 31 décembre, il déclara la cession close.

Les remontrances de Laîné firent dans le public le même effet que le manifeste des alliés on se mit à parler de la liberté comme on parlait de la paix; on crut à l'efficacité des discours de ce Corps législatif muet depuis Brumaire, comme à la sincérité des souverains de l'Europe, coalisés depuis vingtdeux ans. Bref, l'opinion se donnait des motifs pour se détacher de Napoléon.

Napoléon, dans ce désarroi de son empire et devant la résistance de ses serviteurs, recourut aux expédients de la Révolution i en reprit le langage, les mesures, et, comme il disait quelque temps après, il chaussa ses bottes de 1793.

Fontanes, 27 décembre; adresse 29 décembre 1813. 230 décembre 1813.

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