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fleuves, l'Elbe, le Rhin, anéantir les digues et barricades élevées par elle, et, de barrière en barrière, la refouler par tous les chemins par où elle a passé. Il leur faut renouveler et regagner les batailles perdues, dérouler et déchirer les traités, anéantir la Moskova: c'est fait en décembre 1812; anéantir Friedland et Tilsit: c'est fait à Kalisch, à Reichenbach, de février à juin 1813; anéantir Wagram et Vienne. C'est ce que Metternich a prétendu faire à Prague, et cela fait, restent Presbourg, Amiens et Lunéville. Ramenés au point où ils se trouvaient en 1798, les alliés prétendront accomplir ce qu'ils projetaient alors et ce qu'ils firent en partie chasser les Français de l'Italie, rendre Naples aux Bourbons, Milan à l'Autriche, s'emparer de la Hollande et de la Belgique, afin de les échanger, enfin reconquérir la rive gauche du Rhin, ramener la France aux anciennes limites et les rogner même si faire se peut. Ils n'avaient conçu que deux motifs de subir ces conquêtes : la force dela France et les indemnités qu'elle distribuait la force abattue, les indemnités resteront et les dépouilles les vont décupler. Quelle raison d'État leur conseillera de tolérer quand la France sera vaincue, une extension de la puissance française qu'ils ont, à tant de reprises et avec tant d'acharnement combattue! La modération? Ils ne l'ont jamais connue, et qui la leur aurait enseignée, depuis 1792? La justice? Ils ne pratiquent que la vieille loi d'Israël, la loi du talion, et en fait de droit public, les réprésailles. Telle est la symétrie de cette histoire : les mêmes. motifs qui ont conduit la France à conquérir le continent et à le bouleverser mènent le continent à conquérir et à démembrer la France.

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La coalition étant victorieuse, c'est d'après les desseins avortés des coalitions vaincues de 1793, 1799, 1805, 1807, 1809 qu'il faut juger les desseins de 1813. Alors, on en découvrira l'enchaînement, et considérant par quels liens ils tiennent au passé, on en comprendra la persistance, on se rendra compte qu'il existait dans l'esprit des alliés une idée de derrière la tête, fort ancienne, fort invétérée, qui donne la clef de tous les ac

cords, en décèle le secret, qui en un mot, mène toute l'affaire'. L'histoire se continue, en ses alternatives. Les alliés veulent réduire Napoléon au minimum possible de puissance, mais ils ne découvrent leurs intentions que par degrés, dès que la guerre leur permet de les réaliser. C'est pourquoi, ils négocient en combattant. Napoléon ne cédera que ce qu'il jugera perdu sans retour; ainsi à Prague : le duché de Varsovie, l'Illyrie, puis au dernier moment, la Confédération du Rhin, une partie de la 32° division militaire. Sur l'Elbe, les alliés exigent l'Allemagne, la Hollande, l'Italie; sur le Rhin ils exigeront: la rive gauche allemande et la Belgique, les anciennes limites. Comme Napoléon a dicté cette parole « qu'il faudrait, pour l'obtenir, que 500,000 hommes fussent campés sur les hauteurs de Montmartre », les alliés pousseront à Montmartre et traiteront dans Paris. S'imaginer, dans cette marche, une autre interruption possible que celle d'une victoire des Français, c'est créer un obstacle qui n'existe nulle part ni dans les esprits des hommes, ni dans la nature des choses, qui n'a pas arrêté la France quand elle est sortie, en 1792, de ses anciennes limites, qui n'arrêtera pas davantage les alliés en 1813, lorsqu'ils sont maîtres de l'y faire rentrer. C'est donc la guerre qui, jusqu'à la fin, décidera de

tout.

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Comparez l'état des choses en 1709, au temps du préliminaire de la Haye. « J'étais convaincu, dit Saint-Simon, que pas un ne voulait la paix, de rage contre la personne du roi et de jalousie contre la France, tous avaient saisi un prétexte plausible de l'écarter. » Il s'agit alors de forcer la France à renoncer à l'Espagne et d'entamer ses frontières. « Leur dessein ne tendait qu'à une destruction générale de la France. Voyez les quarante articles des préliminaires de la Haye, sans parler de ce que prétendaient, lors de la négociation générale pour la paix définitive, l'Empire, le roi de Prusse et, le duc de Savoie! C'est alors que Louis XIV fit appel à la nation : « Plus j'ai témoigné de facilité et d'envie de dissiper les ombrages que mes ennemis affectent de conserver de ma puissance et de mes desseins, plus ils ont multiplié leurs prétentions, en sorte qu'ajoutant par degrés de nouvelles demandes aux premières... ils m'ont également fait voir que leur intention était seulement d'accroître aux dépens de ma couronne les États voisins de la France et de s'ouvrir des voies faciles pour pénétrer dans l'intérieur de mon royaume, toutes les fois qu'il conviendrait à leurs intérêts de commencer une nouvelle guerre. Celle que je soutiens et que je voulais finir ne serait pas même cessée quand j'aurais consenti aux propositions qu'ils m'ont faites. » SAINTSIMON, éd. Boislisle. - Journal de Torcy, 1700-711, publié par Frédéric Masson.

CHAPITRE III

LA CHUTE DU GRAND EMPIRE

1813

I

Moreau, parti des États-Unis le 21 juin, arriva en Suède le 26 juillet, s'y rembarqua le 6 août, pour la Poméranie, et rencontra Bernadotte à Stralsund '. De Pichegru à Bernadotte, Pichegru mort en prison, Bernadotte debout sur les marches d'un trône, Moreau put mesurer le contraste des rencontres; avec Pichegru il n'allait qu'au complot et à la guerre civile, avec Bernadotte il marche à l'alliance étrangère, il tombe à Dumouriez et trébuche dans l'émigration 2. Il fit route par Berlin, où le peuple l'acclama, obsédé par les déserteurs italiens ou allemands qui demandaient à servir sous ses ordres. Alexandre l'accueillit en ami, lui fit en compagnie du roi de Prusse la première visite 3; mais il ne lui décerna point le commandement suprême dont Moreau, s'était flatté. Schwarzenberg était en possession du titre de généra

1 Léonce PINGAUD. Les dernières années de Moreau. Bernadotte. ROCHECHOUART, Souvenirs.

* Dumouriez, à Londres, s'offrant à tout le monde, éconduit partout, en était réduit au rôle de conseiller parasite. Il dressait des plans un entre autres, daté du 12 juin 1813, qu'il qualifiait de sublime : jeter l'armée suédoise sur les côtes de Flandre et de Normandie! Pour Moreau, dit Langeron, «< il ne voulait renverser Napoléon que pour se mettre à sa place, non comme empereur, mais comme chef d'une république qu'il a rêvée jusqu'à sa mort. LANGERON, Campagne de 1813.

' LANGERON.

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lissisme; l'Autriche l'avait exigé. Alexandre lui donna le grade de feld-maréchal : « Vous serez mon conseiller, mon meilleur ami; » et il le plaça à sa suite, dans la section des transfuges et des auxiliaires étrangers, qui réunissait un grand homme, Stein, qui, celui-là, travaillait pour sa patrie; le Suisse Jomini avec son génie, qui était du second ordre, et ses informations, qui étaient du premier; nombre d'émigrés français, comme Rochechouart et le Corse Pozzo di Borgo, qui poursuivait sa vendetta contre le Buonaparte. D'Antraigues ne fût pas mort assassiné en juillet 1812, qu'il eût figuré aux premiers rangs, chargé du portefeuille des amis de Paris, dont la politique allait triompher avec la coalition et dont les voeux allaient être comblés. « On m'a fait donner dans un guêpier », écrivait Moreau à sa femme. » Il se sentit, dès l'abord, déplacé et déclassé.

Il ne s'en mit pas moins à son personnage, qui était d'égarer les Français et d'agiter l'opinion. Il fit plus, et c'était précisément ce que les alliés attendaient de lui, il donna les conseils d'un homme qui connaissait ses compagnons d'armes, conseils trop éclairés et qui ne furent que trop efficacement suivis : « S'attendre à une défaite partout où l'empereur donnera en personne... Éviter autant qu'on le pourra d'en venir aux mains avec lui... Attaquer et combattre les lieutenants partout où on pourra les joindre. Enfin les lieutenants battus et affaiblis... réunir aux forces existantes toutes celles qu'on y pourra joindre, marcher sur lui, lui arracher la victoire, par quelques pertes qu'il faudra la payer, et ne plus lui donner de répit. » C'est tout l'esprit de la seconde campagne de 1813, aussi pénétrant et d'aussi redoutable portée contre Napoléon, que le fameux plan de Carnot le fut contre les coalisés en 1794.

Les conseils de Moreau ne portaient que trop juste, et Napoléon, pour son malheur, ne s'y prêtait que trop. Il en venait précisément à cette guerre de lieutenants que Moreau

1 THIEBAULT, t. V, p. 81.

déclarait si dangereuse pour lui, si favorable aux alliés. Au lieu de faire masse, et de foncer comme au temps d'Austerlitz, de Friedland, de Wagram, il s'éparpillait, voulant tout garder, et réduit à se défendre partout. Il résolut de demeurer en Saxe pour maintenir la guerre au centre de l'Allemagne et retenir les princes allemands dans la Confédération. I chargea Vandamme et Gouvion de s'opposer à la marche des Autrichiens sur Dresde par la Bohême. Il chargea Oudinot de marcher sur Berlin, de s'opposer à la jonction de l'armée prussienne du nord avec l'armée de Silésie, d'inquiéter les Prussiens, de dissoudre les landwehrs, de ramener les Polonais opérations de haute conception, mais de trop d'étendue, et trop divergentes. Par contre, les alliés s'étaient instruits à son école. Tous leurs plans ne tendaient qu'à l'envelopper, et en telle supériorité de nombre, avec de tels coups de massue, que tout son génie, serait tourné pour ainsi dire et comme réduit à néant. Ils marchèrent sur Dresde. Le 26 et le 27 août, Napoléon y livra la bataille et la gagna : ce fut, la dernière de ses grandes journées, mais une journée sans lendemain. La bataille était encore à lui, les conséquences de la bataille lui échappaient.

Durant la seconde journée, vers midi, à l'heure où le mouvement de retraite des alliés se prononçait, Moreau se tenait à cheval auprès d'Alexandre, derrière une batterie prussienne, entre deux anglais, Cathcart et Wilson. Un boulet lui fracassa la jambe gauche. Il s'évanouit et expira quelques jours après. L'événement justifia trop ses prévisions. Le 28 et le 29, Vandamme, impuissant à arrêter les Autrichiens dans leur retraite, est battu lui-même, et mis en pleine déroute, le 30 août : 82 canons et 7,000 hommes perdus ou prisonniers c'est la bataille de Kulm. Le 29, Macdonald est battu par Blücher, autre déroute 100 canons, 10,000 hommes perdus, le reste en débandade; c'est la bataille de la Katzbach. Le 30 août, Oudinot battu le 23 à Grossbeeren, arrive, harassé, à Wittenberg; il a perdu 12,000 hommes. En cinq jours, Napoléon se voit privé de

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