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viendrait de désintéresser; il s'agissait d'obtenir d'elle qu'elle renonçât, en faveur de la Russie, à recouvrer ses provinces polonaises, Posen et Varsovie, et qu'elle cherchat ailleurs ses convenances. Lieven l'avait écrit à Hardenberg dès le 2 octobre 1. Le colonel Boyen avait rapporté ces paroles du tsar : « Si le roi y accède à l'alliance, — je lui garantis non seulement toutes ses possessions actuelles, mais je m'engage à ne poser les armes que lorsque le roi sera rentré dans la possession de toutes les provinces qu'il a perdues en Allemagne ou aura été indemnisé d'une autre manière, nommément par la Saxe, qui me parait convenable pour cela. » Les provinces, Alexandre les occupait déjà en grande partie, et il y avançait tous les jours; restait à engager le gouvernement prussien et à le compromettre avec Napoléon de telle sorte qu'il se trouvat à la discrétion de la Russie et n'eut de salut que dans l'alliance

russe.

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Les Russes s'étaient ménagé un accès près du général York, qui servait dans le corps auxiliaire. A la suite d'une maladie du général en chef, Grawert, York avait pris le commandement de ce corps. Le 1 novembre, le général russe Essen lui écrivit de Riga, lui annonçant la retraite de Napoléon : « Il dépend de vous de rompre les chaines de la Prusse : enfermez Macdonald à Mittau, marchez sur la frontière prussienne; votre exemple exaltera vos concitoyens, vous pouvez être le libérateur de votre patrie et de l'Allemagne entière! » York envoya cette missive au roi. Sur ces entrefaites, un Italien fort délié, le marquis Paulucci, remplaça Essen au gouvernement de Riga. Il écrivit, le 14 novembre, à York, le pressant de suivre l'exemple de l'Espagnol La Romana3.

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York, rapporte un contemporain, est un homme d'un grand caractère et d'une intrépidité héroïque au feu; mais il est d'un caractère dur, intraitable; il est violent, haineux

1 Cf. t. VII, p. 592.

2 Cf. t. VII; p. 592-593.

'Cf. t. VII, p. 118. — La Romana quitta le Danemark en août 1808, d'accord avec les Anglais, et ramena son corps auxiliaire en Espagne.

et grossier, et il est difficile de l'avoir comme camarade et comme subordonné . » Plus difficile encore de le prendre pour dupe. Homme à jouer sa tête pour rompre le joug de Napoléon, il n'entendait pas se livrer les mains liées à Alexandre. Il répondit finement, le 20 novembre « Le cas de La Romana n'est pas le mien. La Romana savait ce qu'il pouvait attendre, pour sa patrie, des alliés auxquels il se donnait." York dépêcha un de ses aides de camp au roi, demandant des instructions, et un autre à Vilna pour s'y assurer de l'état des choses. Cet officier était de retour le 8 décembre. Il peignit les revenants, des fantômes et des larves d'armée. York se rassura. Alexandre lui fit alors savoir par Paulucci qu'il s'engageait à ne pas poser les armes tant qu'il n'aurait pas réussi à obtenir pour la Prusse un agrandissement territorial assez considérable pour lui faire reprendre parmi les puissances de l'Europe la place qu'elle occupait avant la guerre de 1806. Ce jour-là même, 18 décembre, Macdonald commençait sa retraite de Mittau sur Tilsit.

Macdonald, sans deviner tout le péril, conçut des soupçons et en avertit Berthier. « Le général York, écrivait-il le 2 décembre, ne remplit absolument que le plus strict devoir et ne se conduit que pour sauver les apparences et l'honneur des armes prussiennes. Quelques jours après, il réclama formellement le rappel d'York et de plusieurs de ses officiers 2.

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III

A Berlin, Hardenberg et son maître y mettaient plus de formes, et le ministre de Napoléon, Saint-Marsan, y apportait infiniment moins de clairvoyance. Hardenberg correspon

'Mémoires de Langeron, campagne de 1813.

* 10 décembre 1812.

dait avec Metternich. Il n'osait pas encore s'abandonner à l'espérance en un retour de fortune. Il ne pouvait croire à l'étendue de la défaite de Napoléon, il redoutait ses terribles ripostes. Le 30 novembre arriva le capitaine de Schack, aide de camp d'York ni le roi ni son ministre ne consentirent à donner un ordre qui les pût compromettre.

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Le chancelier redoubla ses protestations à Saint-Marsan, qui redoubla de crédulité : « Je le trouve toujours - le chancelier aussi confiant et aussi sincère que par le passé, et il est d'un caractère tel qu'il dissimulerait difficilement des projets de changement de système politique... Quelques marques publiques de bienveillance et d'intérêt pour ce pays de la part de Sa Majesté l'empereur, quelque démonstration qui procurerait de la confiance, de la satisfaction pour la conduite tenue pendant la campagne, feraient, je crois, un très grand effet et rendraient absolument nulles les menées de quelques intrigants' ".... Le 14 décembre le passage de Napoléon à Dresde est connu à Berlin. Le lendemain, une lettre de M. de Serra, ministre de France à Dresde, annonce l'arrivée prochaine de Narbonne à Berlin, avec une mission pour le roi, et l'ordre à Saint-Marsan de remettre une lettre de l'empereur à Frédéric-Guillaume 2. La lettre, datée de Dresde, le 14 décembre, demande que le corps auxiliaire prussien soit porté à 30,000 hommes. Saint-Marsan se rend aussitôt chez Hardenberg afin d'obtenir une ordonnance du roi. Il trouve le chancelier « dans le meilleur esprit », « probe, loyal", à son habitude. Il montre la Prusse si pénétrée de sa fidélité qu'elle en réclame déjà la récompense. Hardenberg, écrit-il, pense et insinue que lors de la paix « habile et solide », l'empereur, pour « se former une alliée constante de la France et une barrière du nord ", pourrait se proposer « non de réunir la Pologne à la Prusse, mais de faire le roi de Prusse roi de Pologne... » .

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1 Rapports du 1er et du 9 décembre 1812.

Rapports de Saint-Marsan, 11, 12, 15 décembre. Serra à Saint-Marsan, 14 décembre 1812.

Frédéric-Guillaume reçut Saint-Marsan à Potsdam, le 16. J'ai trouvé, mande cet imperturbable optimiste, le roi dans les meilleures dispositions, s'abandonnant à toute la loyauté et la franchise de son caractère, jugeant les choses sainement et calculant le génie et la force de Votre Majesté. » Le roi lit la lettre de Dresde, « proteste de son attachement au système qu'il a adopté, qu'il ne changerait jamais ». Il l'entend, sans doute, du système qu'il suit depuis novembre 1805, et SaintMarsan du système de fidélité à l'alliance forcée de 1812; puis, après avoir demandé le temps de réfléchir, il « glisse que la limitation de ses forces à 42,000 hommes 2 lui rend bien difficile de déférer au désir de l'empereur et que, d'autre part, si Napoléon évacuait les places prussiennes, il disposerait des troupes d'occupation : les Prussiens les remplaceraient dans les garnisons, avec tout avantage. C'était prendre habilement le joint et profiter du premier aveu d'embarras de Napoléon pour se débarrasser de ses entraves. D'ailleurs, redoublement de politesses. Informé du passage prochain de Maret, le roi offre de lui meubler un hôtel, met ses carrosses et sa livrée à sa disposition, empressé de montrer au public, << en ce moment, le cas qu'il fait d'un ministre de Sa Majesté » . A travers ce verbiage onctueux s'infiltre la première insinuation de cette entremise de l'Autriche qui va devenir la clef de la politique européenne. « Je n'ai aucun motif, écrit SaintMarsan, de soupçonner que la cour de Russie ait fait jusqu'ici quelque proposition à celle-ci; mais le baron de Hardenberg m'a dit qu'il croyait être assuré qu'on en a fait à celle d'Autriche pour chercher à la détacher de l'alliance de Votre Majesté; qu'il a été répondu que l'Autriche ne changerait point de système, mais qu'elle se chargerait de transmettre à Votre Majesté Impériale et Royale des propositions de paix si la Russie le désirait 3. »

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Rapport à l'empereur, 19 décembre 1812.

VIII.

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Cependant les événements se précipitaient. York risquait de se trouver acculé à quelque extrémité redoutable. On ne pouvait indéfiniment le laisser sans réponse; on lui adressa celle-ci, le 21 décembre: Se garder des incartades, ne point trop tendre la corde, ne point oublier que Napoléon était homme de génie, inépuisable en ressources; se conduire, d'ailleurs, d'après les circonstances. Rien n'était prescrit, rien n'était défendu; on s'en remettait à York; on se réservait de l'approuver ou de le désavouer, ce qui permettait, en attendant les circonstances", de protester de la ferme intention où l'on était de persévérer dans l'alliance.

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Maret arriva le 23 décembre, vit le roi, vit Hardenberg, et se laissa persuader par la loyauté du geste, la loyauté de la physionomie du roi, l'adresse de Hardenberg à insinuer que la loyauté est le plus fin des calculs. « Le travail pour l'augmentation du contingent n'est pas encore signé, dit ce ministre; mais l'approbation du roi est certaine. »

Les Prussiens avaient eu longtemps la neutralité dans l'âme; la duplicité, depuis 1807, en avait pris la place. Malgré le désastre de la grande armée, Macdonald demeurait intact et se rabattait sur la Prusse; Augereau occupait toujours Berlin avec 12,000 hommes, et tant qu'il serait-là, un fructidor prussien semblait toujours à craindre ce duc sansculottes demeurait homme, dès la première alerte, à traiter le roi de Prusse, ses ministres et toute sa cour comme il avait à Paris, en 1797, traité les mandataires du peuple souverain. Ajoutez que ce double jeu, qui était pour eux une nécessité, entrait aussi dans leurs goûts et leurs calculs. « Pourquoi, écrivait naguère Hardenberg dans son journal, n'écraseraiton pas les Français dans la retraite?» « Il faut frapper et anéantir, mande le roi à son ministre'. Mais si c'était bien réellement leur pensée de derrière la tête, ils ne se la confiaient qu'à l'oreille, portes closes. Ils se flattaient de trouver en Autriche une double garantie, tant contre les Russes, alliés

128 décembre 1813. ONCKEN, O. und Pr.

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