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ne serait qu'une trêve... si, pour résultat final de tant d'efforts et de sacrifices, des barrières puissantes ne se trouvaient élevées contre la France. » Ce qu'il entendait par là, c'étaient les barrières du traité d'avril 1805 avec l'Angleterre, celles que posait Nesselrode lui-même en décembre 1812', c'est-àdire le retour de la France à ses anciennes limites.

Metternich reçut cette note à son retour à Gitschin, le 21. Il y trouva aussi une lettre de Maret l'invitant à se rendre près de Napoléon à Dresde. Napoléon avait eu vent de son entrevue avec Alexandre. Il voulait l'entretenir à son tour. Avant d'affronter cette rencontre qui pouvait décider la guerre, Metternich tint à tirer tout au clair avec les alliés, et à n'arriver chez Napoléon que la coalition en poche. La venue de Nesselrode lui facilita les choses. Il arriva le 23 avec un projet de convention entre l'Autriche la Russie et la Prusse, préparé dans une conférence tenue le 21. Metternich, au fond, pensait, comme il l'a répété maintes fois, que la paix ne pouvait être assurée « que par le retour de la France, de l'Autriche et de la Prusse à leurs anciennes limites». Mais le déclarer d'avance eût été soulever l'opinion en France, rendre la guerre populaire, réunir Napoléon et le peuple français et rompre la plus insidieuse et la plus efficace des combinaisons de sa dipomatie. Il endoctrina Nesselrode. Il lut à l'empereur François un rapport qui leva les dernières hésitations de ce souverain. Par voie de conséquence, il pressa l'accession et les mouvements de Bernadotte : «J'avoue que je compte prodigieusement sur l'effet de sa coopération..... », effet militaire d'abord, effet politique surtout. Puis, convaincu, sinon d'abuser, au moins de dérouter Napoléon, il obtint de François cette déclaration : « La guerre une fois commencée, les trois cours alliés poseront pour but de leurs efforts communs les articles énoncés par les cabinets russe et prussien dans leurs notes du 16 mai, en leur donnant la plus grande étendue3. »

Voir ci-dessus, p. 10.

Mémoires, t. I, p. 160.

Rapport à l'empereur, 24 juin; Lettre à Stadion, 23 juin 1813. ONCKEN.

Cette note ajoutait aux quatre points de l'ultimatum autrichien et aux points 5 et 6 que l'Autriche s'engageait à soutenir : l'Autriche telle quelle était en 1805; l'affranchissement complet de l'Allemagne de l'influence française, ce qui impliquait l'abandon de la Westphalie et de Berg; l'Italie libre, en toutes ses parties, du gouvernement et de l'influence de la France, c'est-à-dire non seulement l'abandon de la Vénétie, mais de la Lombardie, du Piémont, de la Toscane, de Rome, de Parme et de Naples; la séparation de la Hollande et de la France; le rétablissement des Bourbons en Espagne. C'étaient selon Metternich, les conditions d'une bonne paix. Il resterait, la France expulsée de l'Allemagne et de l'Italie, à rendre la paix excellente, en donnant à ces conditions « la plus grande étendue, ce qui s'entendait de la rive gauche du Rhin et des Pays-Bas, au moins jusqu'à l'Escaut.

L'accord qui s'établit, sur ce principe, entre Metternich et Nesselrode reçut l'approbation de l'empereur François, et ainsi furent dressés les articles du traité de Reichenbach, entre l'Autriche, la Russie et la Prusse, en vue du cas où Napoléon repousserait la médiation de l'Autriche. L'article premier porte:

S. M. l'empereur d'Autriche ayant invité les cours de Russie et de Prusse à entrer sous sa médiation en négociation avec la France pour une paix préalable et qui puisse servir de base à une paix générale, et Sa Majesté ayant fixé les conditions qu'Elle croit nécessaires au rétablissement d'un état d'équilibre et de tranquillité durable en Europe, Elle s'engage à déclarer la guerre à la France et à joindre ses armes à celles de la Russie et de la Prusse si, jusqu'au 20 juillet de cette année, la France n'a point accepté ces conditions.

Ces conditions, énumérées en l'article 2, sont les quatre premiers points. Mais il est bien stipulé que si Napoléon les accepte, ils ne serviront qu'à une paix préalable, pouvant servir de base à une paix générale. Le texte ne dit point que la Russie et la Prusse n'élèveront pas dans la négociation d'autres exigences, et, pour marquer leurs intentions, elles ajoutent que le sort du duché de Varsovie sera réglé sans la France, par

les

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trois puissances copartageantes. L'article 6 découvre bien clairement ce que seront les prétentions des alliés lors des négociations, en indiquant les conditions que l'Autriche promet de soutenir si Napoléon repousse les quatre points. Ce sont les articles énoncés par les cabinets russe et prussien dans leur note du 16 mai, « en leur donnant la plus grande étendue ». Dans cette « étendue », il faut comprendre les «barrières puissantes » de la note russe du 19 juin, et les exigences de l'Angleterre, sans laquelle la Prusse et la Russie se sont engagées à ne point négocier ni signer la paix '. Or l'Autriche s'engage à son tour article 7 - « à n'entrer dans aucun arrangement ou négociation... que d'un commun accord avec la Prusse et la Russie », c'est-à-dire, avec l'Angleterre. L'Autriche emploiera à la guerre « toutes les forces dont elle pourra disposer », au moins 150,000 hommes, qui se joindront à 150,000 Russes, au moins, et à 80,000 Prussiens.

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Ces accords étaient arrêtés lorsque, le 24 juin, Metternich partit pour Dresde; mais ils n'étaient pas signés; ils ne le furent que le 27, à Reichenbach, après l'entrevue de Metternich avec Napoléon. Cet artifice de chancellerie permettrait à Metternich de parler à l'empereur avec l'autorité d'un coalisé et d'attester, au besoin, son honneur de comte allemand, que l'Autriche se trouvait encore libre de tout engagement.

Muni de ce talisman qui le rendait invulnérable et au besoin invisible, Metternich se crut en état d'aborder Napoléon, de le troubler, de le forcer à trahir ses vues cachées et de l'attirer dans l'impasse; avant tout, de découvrir ses conditions de paix et d'apprécier par là combien il faudrait démasquer de points, quatre, cinq ou six, pour être sûr qu'il refuserait.

Bubna allait et venait des alliés à Napoléon, portant des notes et des paroles. Il annonça que la Russie et la Prusse avaient adhéré à la médiation, mais que l'Angleterre s'y était

Voir note du 16 mai, p. 116; bases du 12 juin, p. 136; note russe du 19 juin,

p. 138; conditions autrichiennes d'une bonne paix, p. 112.

* FAIN: Notes de Maret et de Metternich 15-22 juin 1813.

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ERNOUF,

refusée. Il laissa cette impression, que Napoléon traduisit dans une lettre au roi de Wurtemberg: « L'Angleterre a décliné les ouvertures que la Russie et la Prusse lui ont proposées et parait résolue à faire la paix sur des principes que ces puissances, qu'on ne soupçonnera pas de m'être favorables, ont trouvés tellement absurdes et tellement inadmissables qu'elles n'ont pas voulu même les entendre. Dans le moment de leur enivrement, les puissances m'ont proposé comme base de paix le traité de Lunéville; l'Angleterre l'a rejetée avec indignation comme trop favorable à la France 2. »

• En attendant que les choses se dessinassent, Napoléon frappait en Allemagne, à Hambourg, où Davout était entré, de terribles exemples". Il tachait de secouer et de ramener l'opinion en France, qui tournait trop à la paix. « Le ton de votre correspondance ne me plait pas, écrivait-il à Savary; vous m'ennuyez toujours du besoin de la paix. Je connais mieux que vous la situation de mon empire. Je veux la paix... j'y suis plus intéressé que personne; mais je ne ferai pas une paix qui serait déshonorante et qui nous ramènerait une guerre plus acharnée dans un mois. » Il écrit à Cambacérès « J'ai vu plus de vingt lettres de ministres étrangers qui écrivent chez eux qu'on veut la paix à tout prix à Paris, que mes ministres me le mandent tous les jours... Tous les bavardages des ministres sur la paix font le plus grand mal à mes affaires... On a à Paris des idées bien fausses si l'on croit que la paix dépend de moi. Les prétentions des ennemis sont excessives et je sais très bien qu'une paix qui ne serait pas conforme à l'opinion qu'on a en France de la force de l'empire serait très mal vue par tout le monde‘. » Il

:

1 Dresde, 13 juin 1813. Cf. FAIN, t. II, p. 17.

2 Erreur. Comparez ci-dessus, la note de Nesselrode du 19 juin 1813, et les clauses de Reichenbach, p. 138, 140.

3 Cf. à Davout, 7, 18, 24 juin, LECESTRE. Lettres de Davout, 11 et 13 juin, Corr. t. IV. - Mémoires de Puymaigre, p. 152: de Thiebaut, t. V, p. 49 et suiv. 101 et suiv., 142 et suiv., 160.

4

A Savary, 13 juin; à Gambacérès, 18 et 30 juin 1813. LECESTRE. de Pasquier.

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Mémoires

ordonne à Rémusat, préposé au service des divertissements, de faire partir des comédiens, et avec quelque étalage, comme si toute la Comédie-Française, y compris la tragédie, devait se mettre en branle. Cette caravane ferait croire à Paris, à Londres, en Espagne « que nous nous amusons à Dresde».

On ne s'amusait nullement. On était morose, on murmurait contre la guerre, on soupirait après la paix; le mot seul d'armistice ramenait un peu de belle humeur. « Je vois bien, leur disait Napoléon, que vous ne voulez plus faire la guerre. Berthier voudrait chasser à Grosbois, Rapp habiter son bel hôtel à Paris'. » Tous n'ont qu'une crainte, et ils la manifestent, que « Napoléon ne se décide pas assez promptement à souscrire aux conditions de l'ennemi... » Au milieu de ces « harassements des siens, c'est son mot, Napoléon se trouve seul à juger des affaires, à y pourvoir, et pour la première fois peut-être cet isolement lui pèse 2. Il se trouve hésitant entre Maret, persuadé de l'avarice autrichienne, qui pousse Napoléon à la combler, et Caulaincourt, infatué du désintéressement russe, et qui pousse Napoléon à se jeter dans les bras d'Alexandre.

Ajoutez ce qu'il apprend de Bernadotte, l'effet redoutable de l'intervention de cet ex-maréchal, les intrigues qui s'ensuivront, le réveil des anciens complots de 1800, de 1804, de 1808, de 1809, encore aggravé par le prestige nouveau du personnage. Ajoutez les intrigues de Murat avec Bentinck qui lui sont dénoncées et qui ne confirment que trop ses pressentiment. Ajoutez les mauvais courriers d'Espagne, où tout va de mal en pis, où l'armée française recule, où les Anglais avancent toujours. Une bataille perdue, et il faudra évacuer l'Espagne. Enfin le bruit qui transpire dans les rapports d'espions, des allées et venues de militaires, de diplomates à

I FAIN, t. I, p. 430, t. II, p. 74.

* ERNOUF, d'après les notes de Maret.

t. II, p. 75, note.

Mémorial, t. VI, p. 57.

FAIN,

Elle se livrait alors mème, et Wellington la gagna, le 21 juin 1813, à Vittoria. Voir ci-après comment la nouvelle en parvint à Napoléon, p. 149.

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